Les doctorants bénéficiant d'un contrat doctoral peuvent effectuer des missions complémentaires. Généralement, ils privilégient l'enseignement sous la forme de travaux dirigés (64 heures) ou travaux pratiques (96 heures). Mais ils peuvent aussi exercer des missions hors enseignement, notamment en entreprise. Une expérience concrète, recherchée par ceux qui, comme Natalia, en troisième année de thèse, “se trouve[nt] trop déconnecté[s] de ce monde”.
Sur le plan juridique, toute mission nécessite de faire signer un avenant au contrat doctoral par les trois parties prenantes : le doctorant, la structure d'accueil et, généralement, le service RH de l'université, la structure d'accueil assumant le complément de salaire du doctorant.
Faire valoir son expertise
Pour un doctorant, les missions d'expertise permettent d'appliquer ses recherches à un domaine concret. Avec une difficulté cependant : trouver la structure d'accueil qui acceptera de prendre en charge financièrement la mission.
Thomas, docteur en informatique, actuellement en poste dans un service de R&D d'une entreprise, se souvient : “Je me suis débrouillé de A à Z : dénicher l'entreprise, décrocher l'entretien, les convaincre, puis m'occuper de toute la partie administrative.” Si cette expérience l'a conforté dans son choix de travailler en entreprise après sa soutenance, il prévient : “Ne faites pas ce type de mission en dernière année comme moi car on est alors tiraillés entre la thèse à boucler et les résultats à fournir à l'entreprise.”
C'est pour sa part en deuxième année de thèse que Kevin, doctorant à l'Inserm, participe au prototypage d'une technologie médicale aux côtés de physiciens et de chimistes. “Le sujet n'ayant rien à voir avec ma thèse, j'apportais mon expertise de biologiste à cette start-up”, précise-t-il.
Qu'elle soit proche ou éloignée du sujet de la thèse, la mission d'expertise apporte une expérience hors du système académique, ce qui peut compter dans une mobilité professionnelle après la soutenance.
Valoriser son domaine de recherche
Doctorante en immunologie à l'université Paris-Descartes, Natalia a “décroché une mission de valorisation dans une revue médicale grâce au CFDIP qui a diffusé l'offre. J'ai postulé avec une dizaine d'autres doctorants et j'ai été sélectionnée”. Ses activités : “En relation avec la rédactrice en chef, je propose et rédige des brèves liées à mon sujet de thèse, peu représenté dans la revue.”
Mais si certaines écoles doctorales diffusent des offres, toutes ne le font pas. Dès lors, comment trouver des offres de mission ? Le site de l'ABG Intelli'agence est une bonne source, même si la rubrique est proposée sur la page d'accueil dans l'espace “Candidat”, les missions semblent noyées dans l'ensemble des offres… C'est pourquoi il faut souvent compter sur son réseau et sur le système D. Heureusement, de nombreuses structures avec un maillage national accueillent des doctorants pour diffuser la science auprès du grand public.
Pour trouver une mission, il faut souvent compter sur son réseau et sur le système D
Diffuser ses connaissances scientifiques
“Au Palais de la découverte, cela fait longtemps que nous accueillons chaque année une vingtaine de doctorants qui guident les visiteurs ; ce sera la première année à La Villette, explique la direction de la médiation scientifique et de l’éducation. Ils sont tous issus d'universités franciliennes (Paris 5, 6, 7, Paris Sud) et sont encadrés par des référents scientifiques.”
C'est à Relais d'sciences, le centre de culture scientifique et technique de Basse-Normandie, qu'Élodie, docteure en physique, s'est pour sa part investie. “Même si je me destine à la recherche plus qu'à l'enseignement, je voulais transmettre mon goût pour la science. Je suis intervenue dans des classes de collégiens en difficulté scolaire.”
Chargé de communication de l'association, Guillaume Dupuy précise : “Nous accueillons deux doctorants par an, ayant plutôt un profil de physicien ou de mathématicien. Nous leur offrons 16 jours de formation à la médiation et ils doivent effectuer 16 jours d'animation dont 2 sur un projet personnel.” Une particularité à souligner, car le volet formation, couplé à l'action de médiation, n'est pas toujours présent dans la mission doctorale, et la diffusion des offres via Twitter rarissime.
Autres activités de médiation scientifique : celles proposées par Paris Montagne. “Chaque année, entre 2 et 6 doctorants issus de nos établissements partenaires (Paris Sud, le CFDIP et une école doctorale de Paris 1) ont pour mission de gérer un projet sur la thématique Questions de science et enjeu citoyen”, explique Cathy Oulian, chef de projet de l'association qui accueille même cette année un doctorant en philosophie.
Paris Montagne a essaimé, et des structures similaires ont vu le jour à Lille, Montpellier, Nancy, Toulouse et même Nouméa. À Lyon, c'est désormais une association locale, Un peu de bon science, qui pilote l'accueil des lycéens issus de ZUS dans les laboratoires pendant les vacances scolaires.
Autre initiative, celle lancée dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires par le CRI (Centre de recherche interdisciplinaire) et la mairie de Paris. Nom du projet : “Une école, un chercheur, une expérience”.
Animés par des doctorants volontaires, des ateliers de découverte hebdomadaires se tiennent dans les classes pendant une heure et demie. Kevin, doctorant en sciences de la vie à l'Inserm et “missionnaire” multirécidiviste, s'occupe de deux groupes d'enfants depuis la rentrée 2013.
“J'interviens dans une école du XVe arrondissement. Chaque séance est différente : je projette des films de vulgarisation scientifique, on monte de petites expériences… Dernièrement, les enfants ont effectué des prélèvements sur leurs mains et regardé les différences entre mains sales, lavées à l'eau, lavées avec de l'alcool. Puis ils ont observé les résultats au microscope. Ils ont tous compris pourquoi il faut se laver les mains !” se réjouit ce “savanturier”.
“La vingtaine de doctorants impliqués a reçu une formation cet été et est encadrée sur le terrain par de futurs professeurs des écoles”, explique Ange Ansour, elle-même professeure des écoles responsable du projet. Si les doctorants en sciences expérimentales sont majoritaires, trois doctorants en sciences humaines interviennent aussi – sous forme de vacation car ils n'ont pas de contrat doctoral. Ainsi, les structures d'accueil ne manquent pas, mais les doctorants ne répondent pas toujours présent.
En définitive, qu'il s'agisse de mission d'expertise, de valorisation ou de diffusion de l'information scientifique, comme l'explique Jade Legrand, doctorante en anthropologie à l’EHESS et coauteur du blog Les aspects concrets de la thèse, “ces activités contribuent à façonner le parcours du doctorant qui y consacre une partie de son temps et de son énergie. Peut-être sans lui garantir plus de certitudes quant à son futur recrutement, mais de façon certaine en lui donnant une chance de s’exercer très concrètement à la recherche par la recherche, dans toutes ses dimensions. Une expérience utile donc, souvent valorisable, mais qui – rappelons-le – ne se substitue en aucune façon à l’objectif premier du doctorat : la rédaction d’une thèse”.
- 33 % des doctorants financés ont un contrat doctoral mais tous n'ont pas de mission doctorale.
- Temps de travail d'une mission doctorale : 268 heures ou 32 jours dans l'année.
- Salaire mensuel brut avec une mission : 2.024,70 € au minimum.
Source : MESR, “Emploi scientifique en France”, 2013.