"Une grosse bosseuse", "très rigoureuse", "quelqu'un qui connaît bien ses dossiers et les maîtrise". Qu'ils aient été membres de son équipe ou opposants, tous les acteurs ayant travaillé avec Frédérique Vidal, nouvelle ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, sont unanimes : l'ancienne présidente de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, professeur des universités en sciences la vie et de la Terre, ne laisse rien au hasard dans son travail.
"Elle s'appuyait énormément sur les chiffres et les statistiques en général", se souvient ainsi Antonin Rossanino-Lods, président de la section locale de l'Unef, qui y voit "une forme de scientisme" : "Elle connaissait, par exemple, par cœur les évaluations des laboratoires faites par le HCERES (Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur)", fait-il savoir.
Cette scientifique de formation se voit également mettre à son crédit "une capacité d'écoute et de dialogue" importante, selon René Lozi, professeur des universités en mathématiques. Ce dernier s'était pourtant présenté contre elle en 2016, pour prendre la tête de l'université. "Malgré nos désaccords, les échanges au sein du conseil d'administration n'ont jamais été agressifs et il nous est arrivé de trouver des terrains d'entente", assure-t-il.
Nicolas Rodi, vice-président étudiant de l'université et président de l'antenne niçoise de la Fage, décrit d'ailleurs la ministre comme étant "sans étiquette". "Je ne la vois pas comme quelqu'un de très politique. Elle travaille plutôt par projet."
À son actif, l'obtention d'une Idex
Frédérique Vidal est une "pragmatique" : c'est elle-même qui le dit. Et de nombreux exemples en témoignent. En 2013, elle se disait plutôt opposée aux Comue, mais, à la suite d'une visite du ministère à Nice, "elle a compris que pour obtenir l'Idex, il faudrait en passer par là. Et elle a fait avec", rapporte un enseignant-chercheur de l'université, qui souhaite garder l'anonymat.
Elle arrive à convaincre et à susciter l'adhésion sans passer en force.
(J.-M. Gambaudo)
Avec raison, si l'on en croit le succès rencontré par le projet Idex de la Comue Université Côte d'Azur, Jedi (pour Joint, Excellence Dynamic Initiative), labellisé en janvier 2016. Un succès qui témoigne, selon Jean-Marc Gambaudo, le président du regroupement, de la capacité de la ministre "à réunir tous les acteurs autour d'un projet commun".
C'est "une qualité importante chez Frédérique, s'enthousiasme-t-il. Elle arrive à convaincre et à susciter l'adhésion sans passer en force. C'est une bonne diplomate et surtout, c'est quelqu'un qui a une vision très fine de ce qu'il faut changer pour faire avancer les choses." Et en cela, répond-il aux mauvaises langues, "elle est très politique."
Une ministre trop techno ?
Mais à en croire certains, ce côté "technocratique" pourrait se transformer en handicap, au sein du ministère. "Quelle sera sa marge de manœuvre, son poids, pour augmenter le budget dédié à l'enseignement supérieur et à la recherche ?" s'interroge de son côté Olivier Durif, ancien élu Unef dans les conseils centraux de l'établissement niçois.
Quelle sera sa marge de manœuvre pour augmenter le budget ?
(O. Durif)
Même crainte pour l'enseignant-chercheur, qui pointe ce qu'il décrit comme "son côté bon petit soldat". "En 2012, elle n'a pas du tout tenté de se battre contre l'austérité budgétaire. Ce n'est pas dans sa personnalité de contester l'autorité du ministère", regrette cet observateur local, avant de lui reconnaître tout de même "une gestion en bonne mère de famille de l'université."
Des partenariats forts entre public et privé
Et s'il est complexe de calquer au niveau national un projet local, les initiatives menées au sein de la Comue peuvent donner quelques éléments sur les inclinaisons naturelles de Frédérique Vidal. "L'objectif de la Comue Université Côte d'Azur était de créer une université de recherche intensive dans laquelle se fondent l'université de Nice et les partenaires publics et privés", rappelle Jean-Marc Gambaudo.
Pour René Lozi, à l'inverse, le projet du regroupement traduit "des valeurs et une vision libérales". "Nous avons l'impression qu'un système à deux vitesses se met en place. L'université de Nice garde les éléments de seconde zone, tandis que la Comue bénéficie de tous les avantages", dénonce-t-il.
Dans tous les cas, à Nice comme dans les sites concernés par une telle restructuration du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche, il faut de "la souplesse", indique Jean-Marc Gambaudo, qui plaide en faveur d'"un assouplissement du cadre législatif actuel". Un dossier polémique, si l'on en croit les tentatives du dernier gouvernement de légiférer en ce sens, avant de faire marche arrière devant la levée de boucliers. "Mais je n'ai aucune idée de ce que Frédérique fera en tant que ministre !", assure-t-il.