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Fondations d'universités cherchent partenaires particuliers

Jean Chabod-Serieis Publié le
Fondations d'universités cherchent partenaires particuliers
Pour résister à la crise, les fondations se réorganisent // ©  PlainPicture / fStop
Enfants de la crise, les fondations des universités et des grandes écoles se réorganisent pour gagner en efficacité : regroupement, développement local et ciblage des anciens sont au programme. Elles essaient aussi de développer des liens pérennes avec leurs mécènes. Le point à l'occasion de la conférence EducPros du 29 janvier 2015 : "Fundraising : comment mieux mobiliser vos réseaux pour lever des fonds ?"

Il n'y a pas que l'argent dans la vie. "Depuis 2010, nous avons levé 5 millions d'euros en tout. En comparaison avec le budget de l'université – qui est de 130 millions d'euros –, c'est un peu la cerise sur le gâteau", témoigne Christel Beriot, directrice générale de la Fondation de l'université de Cergy-Pontoise. C'est également le constat que fait le rapport 2013 de l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) : la majorité des fondations d'université font état d'un capital inférieur à 1% du budget de fonctionnement de leur établissement.

Mieux encore : "Les fonds publics recueillis [...] sont plus importants que les fonds privés tant en capital qu'en apport de donateurs. Pour un capital recensé de 458,8 millions d'euros entre 2008 et 2012, les fonds publics représentent 72% du total collecté." Des fonds publics qui peuvent provenir du Grand Emprunt, d'organismes de recherche ou d'opérateurs divers.

Récolter des fonds, mais pas seulement...

L'enseignement supérieur compte aujourd'hui une centaine de fondations d'établissement. Liée à la création de nouveaux statuts, la multiplication de ces structures a commencé au moment même où débutaient la crise grecque, puis celle des "subprimes", en 2007-2008.

"Nous avons lancé notre campagne de levée de fonds de 100 millions d'euros sur cinq ans, quelques jours après la chute de Lehman Brothers. On a donc travaillé dans ce contexte de crise en permanence", se souvient Barbara de Colombe, déléguée générale de la Fondation HEC. La fondation de l'école de commerce fait exception dans le paysage par ses méthodes pionnières et les montants levés.

La prolongation de la crise a contraint de nombreuses fondations à revoir leurs ambitions à la baisse. "Beaucoup se sont focalisées sur le statut juridique en pensant qu'ensuite il serait simple de démarcher les entreprises pour leur demander de l'argent, se souvient Hubert Briand, chargé de mission partenariats à la Conférence des présidents d'université (CPU). Mais on s'aperçoit que ce n'est pas aussi facile, car les entreprises ont envie de coconstruire en véritables partenaires. L'approche auprès des entreprises dépasse donc le mécénat, qui n'est qu'une première étape dans le développement de partenariats de recherche ou d'innovation." Pour lui, c'est clair : "Le mécénat ne remplacera jamais le financement public des universités. C'est marginal et complémentaire."


L'approche auprès des entreprises dépasse le mécénat, qui n'est qu'une première étape vers le développement de partenariats de recherche ou d'innovation.
(Hubert Briand)

Non, il n'y pas que l'argent. Christel Beriot redéfinit le rôle des fondations : "Nous apportons un plus, une réflexion sur le positionnement de l'université, sur le discours adressé aux entreprises, qui doit être pragmatique." La Fondation de l'université de Cergy-Pontoise [trois personnes à temps plein] a également contribué à réécrire et à présenter l'offre de formation sous forme de secteurs métiers et non plus par diplômes, "une présentation dans laquelle les entreprises ne se retrouvaient pas".

Travailler en réseau

L'IGAENR évoque l'avenir du fundraising : "Les fondations isolées constituent le modèle dominant, caractérisé par un cloisonnement important et une coopération peu développée, y compris sur un même site." De rares fondations ont décidé d'y remédier. Parmi elles, Strasbourg. Dans la capitale alsacienne, deux fondations ont mutualisé : la Fondation Université de Strasbourg et la Fondation pour la recherche en chimie. "Les entités restent indépendantes mais elles ont des équipes communes, précise l'un des "fundraisers", Thomas Heckel : dix personnes, dont quatre fundraisers qui lèvent des fonds pour l'université, les hôpitaux universitaires et l'Insa [Institut national des sciences appliquées]."

À Bordeaux, la fondation (dix salariés, autofinancée) collecte également des fonds pour plusieurs établissements : les universités de Bordeaux et Bordeaux-Montaigne, Bordeaux Sciences Agro, Science po, l'INP et le CHU, "même si la plus grande partie des 12 millions d'euros que nous avons levés depuis 2009 va à l'université de Bordeaux", tempère Marine Basset, responsable communication et marketing direct de la fondation.

Le travail en réseau – que renforcera peut-être le développement des communautés d'universités (Comue) – est le premier axe de développement.

Convaincre les PME

Deuxième axe : l'ancrage local et les PME, "un gros réservoir non exploité", selon Yaële Aferiat, directrice de l'AFF (Association française des fundraisers), dans sa présentation au séminaire de la CPU le 12 décembre dernier.

"Le mécénat dans l'enseignement supérieur est un sujet auquel les PME sont moins sensibles, confirme Christel Beriot. Elles connaissent mieux le mécénat dans le sport ou la culture. Nos partenaires sont principalement des grands groupes et si nous voulons convaincre les PME, nous devons leur proposer une meilleure connaissance de l'université. C'est une démarche prospective."

Si nous voulons convaincre les PME, nous devons leur proposer une meilleure connaissance de l'université. (C. Beriot)

S'entourer d'ambassadeurs

Troisième axe : les ambassadeurs, qui portent le projet de la fondation (dont la définition est indispensable pour donner du sens au mécénat et ainsi motiver les donateurs, comme le rappelle la préconisation n° 1 du rapport de l'IGAENR).

"Nos ambassadeurs sont des personnalités souvent alsaciennes du monde des affaires et de la politique qui acceptent de nous aider dans nos démarches de recherche de prospects et qui relaient nos demandes de mécénat, explique Thomas Heckel, à Strasbourg. Ils nous décrochent des rendez-vous que nous aurions eu du mal à décrocher seuls !"

Enfin, les anciens deviennent des cibles plus récurrentes. Chaque fondation s'est organisée pour lever des fonds auprès de ses anciens diplômés, devenus parfois chefs d'entreprise ou dirigeants. Strasbourg cible même ses "grands anciens" patrons, hommes et femmes politiques, entrepreneurs qui seraient prêts à la soutenir. "80% des fonds viennent de 20% des donateurs, rappelle Barbara de Colombe. C'est une grande règle. Si on n'a pas ces 20% qui montrent l'exemple, c'est difficile." Des règles, les fondations vont devoir en suivre si elles veulent se pérenniser.

Vingt ans de levées de fonds dans l'enseignement supérieur

D'après l'Association française des fundraisers (AFF), la première campagne de levée de fonds est menée à Oxford en 1986. En France, HEC ouvre la voie en 1993 mais peu d'établissements – en dehors des écoles de commerce – collectent des fonds jusqu'en 2006. À cette date sont créées les fondations de coopération scientifique (FCS). Un an plus tard, la loi LRU introduit deux nouveaux statuts : les fondations universitaires et les fondations partenariales. Aujourd'hui, on compte 46 FCS, 30 fondations partenariales et 27 fondations universitaires.
À lire
- Le rapport de l'IGAENR, La question des fondations dans la sphère de l'ESR, p. 274 (pdf).
- Le compte rendu du séminaire de la CPU du 12 décembre 2014, Fondations d'université et mécénat : bilan et perspectives.
"Fundraising : comment mieux mobiliser vos réseaux pour lever des fonds ?"
Le programme de la conférence EducPros du 29 janvier 2015.

Jean Chabod-Serieis | Publié le