Les personnels seront-ils payés en décembre ? La fac va-t-elle fermer ses portes en février ? Ces questions ne se posent plus à l’université de Versailles-Saint-Quentin. Le vent de panique de l’hiver 2014 et la crise de plusieurs mois qui l’ont alors secouée font partie des mauvais souvenirs, près de deux ans plus tard.
Après avoir frôlé la cessation de paiement, l’UVSQ avait reçu un soutien exceptionnel de plus de 3 millions d’euros de l’État pour renflouer les caisses. En toile de fond montait la polémique sur la mauvaise gestion de l’université, dénoncée par la Cour des comptes.
Une situation financière rétablie
À la rentrée 2015, tous les voyants financiers sont désormais au vert, se réjouit la direction de l’université, qui n’est plus sous tutelle rectorale. Avec des résultats plus qu’encourageants : + 4,7 millions d'euros pour l’année 2014 et un fonds de roulement qui a pu de nouveau être abondé de 6 millions d’euros.
"L’attractivité de l’université s’est maintenue malgré ces difficultés, analyse son président, Jean-Luc Vayssière. Il n’y a eu pas eu d’impact négatif sur les effectifs étudiants. Nous avons également maintenu l’offre de formation – hormis le cas particulier des Staps – et nous sommes toujours moteurs sur de nombreux projets de recherche."
Mais cette bonne santé retrouvée ne laisse pas l’établissement indemne. Si les plans d’économies concernent de nombreux établissements, la cure d’austérité versaillaise fait figure de rouleau compresseur. En 2014, les composantes et les services ont reçu une enveloppe de fonctionnement diminuée de … 75% ! Hors dépenses incompressibles, nécessairement maintenues, le montant total des dépenses courantes est passé de 8,6 millions d'euros à 4,4 millions d'euros. Depuis 2015, cela remonte doucement, mais les élus étudiants ne cessent de dénoncer des conditions d’études dégradées.
110 postes en moins : le trou noir
Les ressources humaines ont été les plus touchées : en 2014, aucun des départs de personnel n’a donné lieu à un recrutement. Résultat : l’université fonctionne actuellement avec 110 emplois en moins - pour moitié enseignants, pour moitié administratifs - soit avec près de 1.600 "équivalent temps plein", contre 1.700 auparavant. Sans grand espoir que ces postes soient un jour remplacés.
"Ils sont tombés dans une sorte de trou noir", explique la doyenne de la faculté de droit et de science politique, Sandrine Clavel, dont l’UFR fonctionne avec 10 enseignants-chercheurs de moins, soit une équipe de 45 titulaires pour plus de 3.000 étudiants. À compter de 2015, les départs seront remplacés, souligne la présidence. Mais cela ne suffira pas, s’alarment les personnels.
Tout repose sur l’abnégation des enseignants et des administratifs.
(S. Clavel)
"C’est un grand classique : ça a l’air de tourner avec moins de personnes donc on se dit que ça peut fonctionner comme ça. Tout repose sur l’abnégation des enseignants et des administratifs et cela ne peut durer qu’un temps limité, dans la perspective d’un retour à la normale, confie la juriste. Certains enseignants-chercheurs ont renoncé à la recherche pour de l’encadrement pédagogique et des heures complémentaires. Notre responsable de scolarité a dû assumer parfois plus de 1.000 étudiants..."
Des coupe claires dans les services
Au-delà des composantes, plus ou moins touchées, les services centraux de l’université ont pris un véritable coup de rabot. "Nous avons accompli une rationalisation des services, en déterminant la dotation indispensable pour mener chaque mission, de manière parfois légèrement dégradée", reconnaît le DGS (directeur général des services), Jean Narvaez.
Le service du numérique et de l’innovation pédagogique… n’existe plus. La direction de la vie étudiante a été drastiquement réduite, tandis que la direction des ressources humaines, la comptabilité, le patrimoine, ou encore l’insertion professionnelle, fonctionnent avec deux à cinq personnes de moins. "Nous avions auparavant à la présidence un directeur de cabinet, un chef de cabinet, un chauffeur, une assistante. Maintenant, nous fonctionnons avec une assistante à 80%", illustre Jean-Luc Vayssière.
Avec un cercle vicieux : les restrictions des uns viennent peser sur les autres. "Pour les questions de communication, nous pouvions jusqu’ici faire appel aux services centraux, rappelle la doyenne de la faculté de droit. Ils n’ont plus les moyens de nous aider. Je suis donc webmaster, avec mon assistante…"
Si le montant des enveloppes de fonctionnement remonte peu à peu, les étudiants ne cessent de dénoncer des conditions d'études dégradées. // © Camille Stromboni
Un plan de mobilité interne dans l’urgence
La vague de départs non-remplacés a donné lieu à un vaste jeu de chaises musicales. Un redéploiement effectué dans un premier temps dans l’urgence, puis au fil de l’eau. "À chaque fois, nous avons déterminé si l’emploi qui se libérait était strictement nécessaire et nous avons essayé d’accompagner au mieux les mobilités internes. La règle étant de n’effectuer aucun recrutement extérieur", décrit le directeur général des services.
Le tout sans DRH pendant une grande partie de l’année universitaire 2014-2015, Sandrine Andréani, ayant pris ses fonctions au printemps dernier. Une ébauche de réorganisation d’autant plus nécessaire que l’établissement cumulait les faiblesses. La distribution des emplois n’était déjà pas forcément "totalement cohérente à l’aune des missions", reconnaît le DGS, mais surtout la structure de l’emploi était très particulière.
Il y avait dans les services autant de contractuels que de titulaires ! Je n’avais jamais vu ça.
(J. Narvaez)
"Il y avait dans les services autant de contractuels que de titulaires ! Je n’avais jamais vu ça, indique le responsable, qui a pris ses fonctions au lendemain de la crise, en juin 2014. On ne construit pas une politique de service public de cette manière. Nous tentons, progressivement, de remettre les choses à plat." L’oxygène réinjecté peu à peu dans les services depuis 2015 sert surtout à titulariser les précaires, limitant l’embauche de personnels supplémentaires.
Attention : burn-out
S’il n’y a eu aucun licenciement, ce mouvement ne s’est pas fait sans blessure. Ingénieure de recherche et porte-parole d’une intersyndicale unissant enseignants et administratifs de la CGT (Ferc-Sup) et de la FSU (Snesup), Céline Dumoulin a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Les burn-out, ou situations d’extrême souffrance, se sont multipliés : à son échelle, l’élue remarque qu’elle faisait face à deux ou trois cas par an auparavant, désormais, c’est une quinzaine.
"Nous avons alerté lors de CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail), indique-t-elle. Nous ne pouvons plus continuer comme ça. Nous avons demandé une enquête sur les risques psychosociaux et attendons toujours que la direction, qui a donné son accord de principe, agisse."
"Bien sûr, les collègues sont très secoués par ce qui est arrivé à notre maison, note le directeur général des services. Il y a des services très sous-encadrés, des situations de souffrance. Cela ne continuera pas indéfiniment. Nous espérons rétablir peu à peu les choses." Le président se dit lui aussi conscient des difficultés. "Un travail monstrueux a été demandé aux personnels", admet Jean-Luc Vayssière, rappellant qu’aux économies se sont ajoutés le contrat quinquennal et Saclay.
Difficile pourtant de voir la sortie du tunnel. Tous les regards sont tournés vers l’État, avec un espoir très limité. "Nous avons prévenu l’université en juin dernier : si rien ne bouge, désormais nous accomplirons uniquement nos obligations de service, rapporte Sandrine Clavel. Et là, tout va s’effondrer." Une menace que la doyenne de droit et son équipe brandissent surtout comme un cri d’alarme...
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