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Plateformes de e-learning : les stratégies des écoles de commerce et d’ingénieurs

Fabienne Guimont Publié le
Plateformes de e-learning : les stratégies des écoles de commerce et d’ingénieurs
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A l'occasion du iLearning Forum Paris 2010, qui se tient du 18 au 19 janvier au Palais des Congrès, Educpros vous propose une série sur le thème du e-learning. Premier volet avec un tour d’horizon des plateformes adoptées dans les écoles de commerce et d’ingénieurs. Libre, commerciale ou propriétaire ? Contenus de formation propres ou intégrés ? Les grandes écoles doivent opérer des choix. Revue de détail des avantages et inconvénients des solutions installées d’après les expériences de six d’entre elles. Après des années de benchmarking coûteux, elles passent à l’heure du bilan sur les plateformes retenues.

1. L’EDHEC : la solution commerciale depuis toujours

Le choix d’une plateforme à l’EDHEC s’est porté dès 1999 sur la solution commerciale Blackboard . L’école alors implantée à Lille et Nice était même le premier client français de l’éditeur américain.

« Nous utilisions l’intranet pédagogique et on voulait aller plus loin avec du contenu en ligne par profil. Pour notre MBA , nous avions besoin que les profs s’organisent sur des cas et que le travail collaboratif se développe entre deux sessions en présentiel. J’avais besoin d’une solution sans petites mains qui gèrent la technique derrière. On opterait pour la même solution aujourd’hui car c’est une solution très puissante – certaines universités américaines de 100 000 usagers l’utilisent – et elle permet d’élaborer des scenarii pédagogiques complexes », défend Bernard Curzi, responsable du e-learning à l’EDHEC. La licence et la maintenance coûtent entre 10 et 12 euros par étudiant et par an.

2. EISTI et Supinfo : les limites des plateformes propriétaires


Il y a six ans, l’EISTI, école d’ingénieurs en informatique installée à Cergy -Pontoise et Pau , a développé de A à Z Arel, sa propre plateforme de e-learning.

« A l’époque, les plateformes disponibles n’étaient pas stabilisées et nous avons eu une expérience malheureuse avec la plateforme Archimede, une solution lilloise. Le choix de l’école s’est donc tourné vers les compétences techniques et pédagogiques en interne, y compris en mettant à contribution certains de nos étudiants à travers leurs projet ou leurs stages, pour construire un système sur-mesure. L’avantage de ce « costume » est d’être taillé autour de l’organisation pédagogique de l’école. L’inconvénient, c’est qu’il a coûté l’équivalent de 600 000 euros et la maintenance est équivalente à celle de Moodle », constate Valéry Frémaux, responsable e-learning de l’école.

Autre inconvénient rencontré : « Sur une plateforme propriétaire, les enseignants ont tendance à critiquer le design et leur analyse objective de l’interface n’est plus possible parce qu’elle a été développée par une partie de leurs collègues. La formation des enseignants ne s’est donc pas faite sans heurts ». Avec 900 comptes étudiants et 50 comptes enseignants, Arel sert essentiellement d’armoire documentaire et de plateforme de communication pour échanger des devoirs.   

Le début de l’histoire de Supinfo ressemble un peu à celui de sa consoeur. Cette école d’informatique a également choisi de développer en interne sa solution e-learning.

« En 2001, Moodle n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui et on a fait une plateforme correspondant à nos besoins : un diplôme unique délivré sur plusieurs campus en France et à l’international ».

Depuis la rentrée 2009, sa plateforme Campus Booster sert de support à des cours mixant présentiel et sessions en ligne pour l’ensemble de ses cinq années. Une révolution pédagogique appelée « blended learning » qu’elle voudrait doubler d’une révolution technologique en changeant de plateforme.

« Même si nous sommes une école d’informatique, notre métier reste d’agréger des informations et de faire assimiler des compétences. Nous sommes en cours de réflexion pour trouver une autre solution. Des solutions toutes packagées pour dégager du temps à nos équipes ? Des solutions commerciales ou libres ? La solution retenue devra nous permettre d’intégrer des contenus de partenaires, de faire un suivi complet de l’étudiant et proposer des outils de travail collaboratif. L’offre est aujourd’hui très vaste et peu claire pour faire son choix », explique Marc Pybourdin, responsable des laboratoires Linux et Apple à Supinfo.

3. Grenoble Ecole de management : le choix du libre après avoir goûté aux plateformes commerciales


L’école a toujours voulu se distinguer en matière de nouvelles technologies en plaçant le « management de la technologie et de l’innovation » au cœur de ses formations initiales. La grande école de commerce s’est d’abord laissée séduire par des plateformes e-learning commerciales : IBM learning space, un de ses partenaires, puis Blackboard, avant d’adopter la solution libre d’origine australienne, Moodle, il y a cinq ans.

« Nous étions alors les pionniers parmi les écoles. Moodle offrait l’avantage d’avoir un coût de licence nul alors qu’on payait 10 000 euros en 2002 pour une version limitée de Blackboard. Il fallait payer jusqu’à 30000 euros pour avoir quelque chose de plus sérieux. En parallèle, on a testé Moodle pendant un an. Ses fonctionnalités étaient meilleures et on pouvait s’appuyer sur des communautés d’utilisateurs très actives, pour les développeurs et pour les enseignants», témoigne Marc Humbert, responsable du département e-learning et innovations pédagogiques de l’école grenobloise.

La plateforme est hébergée sur ses serveurs et administrée techniquement et pédagogiquement par deux personnes, équivalentes à un emploi temps plein. A côté de la plateforme principale Moodle qui accueille tous les cours en ligne, Grenoble utilise, comme bon nombre d’écoles de commerce, la solution commerciale des éditions ENI pour ses contenus intégrés sur la bureautique. Cela lui coûte 20000 euros par an, mais l’administration se fait à l’extérieur de l’école. Pour le développement de ses cours multimédia, l’école utilise e-doceo.  

4. Ecoles des mines : le choix du libre en réseau


Comme toutes les écoles des mines, celle de Douai a bénéficié des financements de sa tutelle, Bercy, au titre de laGEV, la grande école virtuelle , à l’instar des UNT (université numérique thématique) pour lancer le e-learning. Les premières ressources numériques datent de 2003 et ont d’abord été mises en ligne sur des sites web.

Le choix d'une plateforme est venu après, en 2004-2005. Mauvaise pioche avec la solution française Ulysse, développée par une université bordelaise, puisqu’elle a fait long feu. Moodle est alors choisie par les écoles des mines avec des plateformes installées dans chacune d’elles et qui peuvent s’interconnecter. Une plateforme Moodle commune permet également d’accéder aux ressources libres des autres écoles. 

Petit état du marché des plateformes de e-learning en France

Sans dresser un état des lieux exhaustif du marché des plateformes de e-learning sur le sol français, quelques grands acteurs se distinguent. Du côté des solutions en open source, Moodle tire son épingle du jeu avec sa licence gratuite (1). Le libre a la préférence des écoles d’ingénieurs.

Nicolas Martignoni, représentant pour les pays francophones et traducteur en français de la plateforme Moodle et également directeur de l’école Fri-Tic, qui forme des enseignants suisses aux TICE, observe l'évolution de la plateforme libre. Pour lui, l’augmentation de la participation des écoles aux congrès de Moodle Moot est significative. « On constate un glissement vers l’open source dans les grandes écoles. Moodle est entièrement francisé, c’est pour cette raison que la plateforme marche bien. Les concurrents commerciaux sont sur un marché francophone de niches. L’atout de Moodle est de laisser le code dans les mains des écoles si elles ont besoin d’adapter un paramètre à leurs besoins et qu’elles sont sûre de la pérennité du code source contrairement aux solutions commerciales qui peuvent faire faillite, être rachetées et contraindre leurs clients de passer à une nouvelle version ».

Tout n’est pourtant pas simple au pays de Moodle. « Un bug peut mettre 6 à 8 mois à être résolu entre les membres de la communauté. L’équipe de développeurs est potentiellement de 500000 personnes, mais il peut y avoir des lenteurs dans les décisions de correction et de communication avec les responsables de Perth en Australie », témoigne Valéry Frémaux, responsable des Tice à l’EISTI.

Parmi les solutions commerciales concurrentes, on peut citer Blackboard qui a racheté bon nombre d’autres éditeurs (comme WebCT). Crossknowledge (2) ou Action on line (3) sont présentes dans les écoles de commerce avec des solutions de plateformes incluant des supports de cours en middle management pour la première et en comptabilité, gestion, finance pour la seconde.

« Toutes les plateformes françaises ont fait faillite après l’équipement massif des établissements il y a à peu près cinq ans. Le marché des plateformes s’est depuis effondré d’autant plus que les acteurs américains ont quitté le marché français car les écoles ne sont pas d’assez gros clients pour eux en nombre d’usagers », analyse Mathieu Vermeulen, responsable de la cellule Imagine à l’Ecole des mines de Douai.


(1) Parmi les grandes écoles utilisatrices, on peut citer Grenoble Ecole de management, Télécom Ecole de Management à Evry, Télécom Bretagne, Télécom SudParis, les école des Mines,  l’INSA de Lyon, l’UTT, l’INPT, l’INSEEC Bordeaux, l’ESCEM…
   
(2) Sur son site, Crossknowledge affiche parmi ses clients français dans les grandes écoles : Grenoble Ecole de management, Euromed, ESCE, ESCP-EAP ; ESC Lille, Rouen, Troyes, ESG, ESSEC, HEC, IESEG, Supinfo.

(3) Sur son site, Action on line affiche parmi ses clients français dans les grandes écoles : ESC Clermont, Chambery, La Rochelle, Le Havre, Pau, Rennes, les écoles des Mines de Saint-Etienne, Douai, Paris, l’EDHEC, EM Lyon, l’ESCEM, l’ESDES, l’ESSEC, ISARA Lyon…

Quelles plateformes de e-learning utilisent les universités américaines ?

Sur son blog, Nicolas Martignoni reprend les conclusions d’une enquête de la California State University sur le sujet sortie en août 2009. Son billet s’intitule Environnements d’apprentissage : l’état du marché aux USA . Il n’existe malheureusement pas d’étude équivalente pour les établissements français.

Fabienne Guimont | Publié le