Ils ont ouvert le bal. Les services communication des trois universités bordelaises – Bordeaux 1, Bordeaux 2 et Bordeaux 4 – ne font plus qu’un depuis l’été 2013. Ils ont fusionné six mois avant tout le monde. "Nous avons choisi de le faire par anticipation car nous devions être prêts pour le 1er janvier 2014", raconte Annabelle Ouvrard-Milon, directrice du nouveau service communication.
Et forcément, le bouleversement – qui a touché l’ensemble des personnels administratifs de l’université – n’a pas été de tout repos. "Cela a pu être anxiogène", reconnaît la jeune cadre, en charge d’une équipe de 20 personnes. Dans son service, les choses se sont passées relativement facilement. "Deux collaborateurs ont quitté le service, l’un pour s’occuper d’ingénierie pédagogique, l’autre pour rejoindre le service des partenariats et de l’innovation. Le chef de projet web, venu pour la fusion, a quant à lui terminé sa mission", résume-t-elle.
Passer de trois chefs à un
Les membres des anciens services ainsi que ceux de l’ex-Pres (Pôle de recherche et d'enseignement supérieur) bordelais sont désormais réunis sur le campus de Talence. Une installation temporaire puisqu’ils vont de nouveau déménager courant 2015, avec l’avancement des travaux de l’Opération campus. "Sur ce plan-là, nous essuyons un peu les plâtres", admet Annabelle Ouvrard-Milon.
Quant au recrutement de cette dernière à la tête du service, il s’est déroulé sans grande tension : ses deux consœurs, les "dircom" de Bordeaux 1 et Bordeaux 4, ont en effet postulé à d’autres fonctions, l’une sur la communication scientifique, l’autre sur la culture.
Les groupes de travail ont aussi permis de faire apparaître les leaders naturels. (B. Dintilhac)
Dans les autres services, le choix des chefs a pu souvent se faire assez simplement. "Les trois années où nous nous sommes rencontrés dans des groupes de travail ont permis de faire apparaître les leaders naturels", confie Benoît Dintilhac, qui était lui DGS (directeur général des services) de Bordeaux 4 et occupe désormais le poste d’adjoint, à la tête du pôle PAS (pilotage et aide à la stratégie). C’est son confrère de Bordeaux 1, Éric Dutil, qui occupe la direction générale des services de la nouvelle université.
Université de Bordeaux, service communication sur le campus de Talence
// © Camille Stromboni
400 personnels ont changé de poste
"Évidemment, il y a eu des déçus de la mobilité, reconnaît une collègue. Cela a pu être parfois la guerre dans certains services, comme toujours quand il y a des enjeux de pouvoir. Mais, de manière générale, il s’agissait surtout d’inquiétudes concernant son nouveau bureau, ses nouveaux collègues et son nouveau chef !" Plusieurs campagnes de mobilité se sont enchaînées entre mai et décembre 2013, afin que chacun trouve sa place dans le nouvel organigramme.
"400 personnes, sur les 1.500 Biatss, ont vécu une mobilité ! souligne le président Manuel Tunon de Lara. Globalement, c’est très positif. Les RH ont été en première ligne pour gérer cela, avec une charge de travail immense. Mais il ne faut pas négliger ce qui ne va pas, et nous devons accompagner encore plus."
L’amélioration continue : le service après-vente de la fusion
C’est une toute nouvelle entité, un peu particulière, qui s’occupe justement de ce chantier : la direction du contrôle interne et de l’amélioration continue. Installée dans l’ancien couvent du Haut-Carré, sur le campus de Talence, cette cellule de 4 consultantes accompagne les personnels dans le changement et aide à l’optimisation de la nouvelle organisation.
Elle prend la suite de la dizaine de personnes chargées de cette mission pendant la fusion. "C’est une forme de SAV [service après-vente] ! sourit Benoît Dintilhac, à la tête du pôle auquel appartient cette direction. Car la fusion ne s’est pas arrêtée au 1er janvier 2014 et les équipes ont besoin plus que jamais d’être épaulées."
En pratique, il s’agit d’aider les nouveaux responsables à s’emparer de leurs fonctions, de donner des outils aux équipes pour leur réflexion stratégique, d’appuyer la conduite de projets…
Et, en face, les personnels ont répondu présent. "On ne s’attendait pas forcément à devoir répondre à une demande si forte, convient Cynthia Espinosa, la directrice du contrôle interne et de l’amélioration continue. Parce que souvent, il peut y avoir des résistances au changement. Mais accéder à un poste de manager, ou tout simplement voir son équipe s’agrandir, ou encore ses missions évoluer, c’est un changement qu’on peut parfois sous-estimer. Et il n’est pas toujours évident de trouver sa place, de même que le mode de fonctionnement le plus adéquat."
Accéder à un poste de manager, ou tout simplement voir son équipe s’agrandir, c’est un changement qu’on peut parfois sous-estimer. (C. Espinosa)
En cas de difficultés graves chez un personnel en revanche, la cellule passe le relais. Des "conseillères mobilité carrière" sont présentes au pôle RH pour trouver une solution.
Université de Bordeaux, site du Haut-Carré sur le campus de Talence // © Camille Stromboni
De la difficulté de trouver les nouveaux interlocuteurs au quotidien
Car la fusion, comme tout changement d’envergure, peut être source de souffrance, constate Dominique Belougne, informaticien et élu CGT au conseil d’administration. "On se retrouve avec plus de travail et de contrôles, étant donné la taille de l’établissement. Et des circuits d’information qui ne sont pas toujours clairs. Les personnels d’exécution sont en première ligne", relate-t-il. Avec la création de structures intermédiaires nouvelles, l’articulation entre les différents niveaux de décision est encore loin d’être rôdée.
"C’était compliqué au début de trouver les nouveaux contacts dans l’organisation. Ou tout simplement de bien comprendre la gestion des congés, des plannings, des récupérations…", illustre Aude Crepin, qui a conservé sa fonction d’assistante de direction au service communication, mais a vu son service passer de moins de 5 personnes à une équipe de 20.
"On se retrouve avec plus de travail et de contrôles. Les personnels d’exécution sont en première ligne. (D. Belougne)
Le choc des cultures et la peur de l’autre
Sans oublier le choc de cultures ! À la communication, les habitudes de fonctionnement étaient différentes selon les facs. "Certains étaient plus dans une logique de prestataire de services de proximité, décrit la nouvelle directrice. Alors que notre ligne aujourd’hui, c’est de comprendre les besoins des entités et leur proposer une stratégie, plutôt que d’être uniquement des exécutants."
Un choc qui s'est accompagné de la crainte d’être aspiré par l’un ou l’autre des établissements. "Au départ, on a senti que Bordeaux 1 avait tendance à imposer un peu son modèle, reconnaît Dominique Belougne. Parce qu’ils avaient une force de frappe importante au niveau administratif et qu’un nombre important de cadres de la nouvelle organisation venaient de Bordeaux 1. Mais cela n’a pas duré."
Des projets de services pour trouver les bons ajustements
"Nous essayons vraiment de prendre le meilleur de chaque établissement", renchérit la directrice du service communication, issue de Bordeaux 2. Annabelle Ouvrard-Milon souligne surtout les gains d’une telle union : "Nous sommes plus professionnels. Avant la fusion, tout le monde faisait un peu de tout, maintenant, nous sommes organisés comme une agence de com intégrée, avec des spécialités 'métiers'. Nous ne réalisons pas forcément de nouvelles tâches mais nous remplissons mieux nos missions."
"Le bilan est éminemment positif, juge également le DGS, Éric Dutil. Même si nous devons maintenant poursuivre l’identification des ajustements nécessaires. Nous pouvons aller jusqu’à revoir l’organisation quand elle ne s’avère pas pertinente."
Parmi les priorités en 2015 figure justement la rédaction des projets de service. "Cela permet de réfléchir à la façon dont l’organisation de son service doit évoluer pour répondre au mieux aux besoins", explique le responsable. Vaste programme.
La question du salaire était un sujet crucial pour réussir ce bouleversement dans les meilleures conditions, souligne Éric Dutil, le directeur général des services. La fusion s’est en effet accompagnée d’assurances sur les conditions salariales du personnel administratif.
D’une part, le régime indemnitaire de l’université de Bordeaux a été aligné sur la meilleure grille existant dans les trois anciennes facs.
D’autre part, les salariés en mobilité dont les droits à une prime pour responsabilité – ou autre – disparaissaient avec leurs nouvelles fonctions se sont vu accorder un revenu identique à leur revenu passé. Et ce, jusqu’à ce que leur niveau d’ancienneté leur permette de rattraper la différence.
- L’organigramme administratif de l’université de Bordeaux
- Le service de l'amélioration continue
- Le reportage photo à l'université de Bordeaux et le portrait d'une étudiante de sociologie (Letudiant.fr)