Loin des grands ensembles constitués par les dernières lois sur l'enseignement supérieur, l'UHA (Université de Haute-Alsace) continue de cultiver son idéal de proximité. Un “modèle mulhousien” qui repose sur trois piliers : une attention presque maternelle pour ses 7.500 étudiants, des collaborations étroites avec ses voisines suisses et allemandes, et de nombreux liens noués avec le monde industriel. Pas étonnant, dans cette ville du sud de l'Alsace, ancienne cité textile longtemps surnommée le Manchester français. Le choix stratégique d'une association plutôt qu'une fusion avec l'UDS (Université de Strasbourg) découle directement du désir de perpétuer ce modèle.
PROMOTIONS À EFFECTIFS RÉDUITS
Les étudiants en licence rencontrés sur le campus historique de l'Illberg, un campus à l'américaine surplombant Mulhouse, apprécient ainsi leurs conditions d'études. Les promotions à effectifs réduits atténuent le sentiment d'anonymat qui peut prévaloir ailleurs. L'Aeres (Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) n'en dit pas moins dans son rapport de 2009 : "L'étudiant a presque un statut d'élève qu'il s'agit d'accompagner au mieux au cours de sa scolarité."
Ici, la proximité est humaine, mais aussi géographique : 58% des effectifs sont originaires du département du Haut-Rhin. Un chiffre qui s'explique notamment par les 2.500 étudiants scolarisés dans les IUT de Colmar et de Mulhouse, les deux villes où l'université est implantée. Le petit gabarit de l'établissement, présidé par Christine Gangloff-Ziegler, profite également aux enseignants-chercheurs. Professeur d'histoire contemporaine, Nicolas Stoskopf juge "très facile de travailler dans une université de cette taille-là. Les prises de décision peuvent se faire plus rapidement par un contact direct avec le vice-président chargé de la recherche".
PROCHE DU MONDE INDUSTRIEL
La proximité historique de l'université avec le monde industriel favorise aussi la recherche et l'insertion professionnelle des étudiants. Enseignant-chercheur et élu Snesup au CA, Dominique Adolphe évoque “une très bonne interpénétration entre l'université et le monde industriel, y compris dans les sciences humaines et sociales à travers les unités de recherche. Par exemple, le laboratoire d'histoire Cresat s'intéresse à l'histoire des restructurations industrielles.
Mulhouse, cité automobile avec son usine PSA Peugeot-Citroën et son pôle de compétitivité véhicule du futur, a notamment attiré un centre de recherche du groupe Mäder. Le groupe souhaitait collaborer avec le laboratoire universitaire LPIM (photochimie et ingénierie macromoléculaires) sur l'allègement des véhicules. À l'UHA, les liens étroits avec l'industrie se traduisent également par une forte inclination pour l'apprentissage.
Premier à inaugurer un CFA universitaire en France en 1990, l'établissement se classe au cinquième rang national en proportion d'étudiants apprentis. “C'est un atout énorme dans la mesure où les employeurs reprochent souvent aux diplômés leur manque d'expérience”, se félicite la présidente de l'université alsacienne.
Se coordonner pour se différencier
Signée le 28 avril 2014, la convention d'association devrait permettre à l'UHA de conserver cette autonomie tout en collaborant avec les autres établissements du contrat de site Alsace 2013-2017. “Cette association permettra de mieux nous coordonner tout en nous positionnant sur des stratégies différenciées. Chacun apporte sa pierre. À l'UHA, nous apportons notamment notre capacité à tisser des liens étroits avec le tissu socio-économique territorial”, argumente Christine Gangloff-Ziegler.
La présidente cite également les synergies possibles dans le domaine de la chimie, mais aussi du transfrontalier pour lequel l'UHA a été désignée comme pilote pour l'ensemble du contrat de site (voir encadré).
Strasbourg a du mal à digérer la fusion de ses trois universités. Cela nous laisse du temps pour organiser notre association.
UN MODÈLE MENACÉ ?
Fiers de leur "modèle mulhousien", certains personnels n'en demeurent pas moins inquiets concernant l'avenir de l'établissement. Certes, l'association avec l'UDS devrait notamment permettre aux chercheurs de faire apparaître côte à côte sur leurs publications les logos de l'UHA et de l'UDS, 95e au classement de Shanghai. Mais le spectre de voir Mulhouse redevenir un collège universitaire a ressurgi.
Dernièrement, les deux écoles doctorales de Mulhouse ont été rattachées à Strasbourg, cinq fois plus grande. Aussi, les arbitrages qui devraient accompagner l'élaboration d'une carte de formation de site Alsace d'ici à 2017 sont-ils attendus avec fébrilité. Toutefois, Laurent Curelly, enseignant-chercheur, élu Snesup au CA, relativise : "Strasbourg a du mal à digérer la fusion de ses trois universités. Cela nous laisse du temps pour organiser notre association."
Proche des frontières entre la France, la Suisse et l'Allemagne, l'UHA joue également à fond la carte du transfrontalier. 550 étudiants partagent leur scolarité entre les campus des universités partenaires dans le cadre de formations bi ou trinationales. Parmi elles, un cursus binational pour la formation des professeurs des écoles qui permettra à terme aux étudiants d'exercer des deux côtés du Rhin. Pour développer ces formations transfrontalières, mais aussi faciliter l'innovation pédagogique dans le domaine interculturel et permettre aux étudiants de mieux évoluer dans un environnement bilingue, voire trilingue, l'université dispose d'un nouvel outil : le centre de compétences transfrontalières NovaTris, lauréat il y a deux ans de l'appel à projets Idefi.
- L'université de Haute-Alsace en mode cocooning (letudiant.fr)
- Trésors cachés des universités. La mue d'une ancienne fonderie à Mulhouse (mai 2014)
- Pierre-Alain Müller (université de Haute-Alsace) : "Notre pari est celui de l'innovation par les étudiants" (septembre 2014)