“Nous finançons en priorité les start-up en phase d'amorçage.” Rémi Uzzan préside le tout nouveau club de business angels de l'ISEP. Composé d'anciens élèves de l'école d'ingénieurs (électronique, informatique, télécoms), il a été lancé fin 2013. C'est le dernier-né de ces clubs regroupant des anciens élèves désireux d'investir de leur temps et de l'argent dans l'accompagnement de jeunes entreprises prometteuses. Depuis quelques années, nombre de réseaux d'anciens élèves ont ainsi créé une structure de business angels. Le plus souvent, il s'agit d'une simple association, plus rarement d'un fonds d'investissement.
Les polytechniciens agrègent les réseaux d'autres grandes écoles
La plus ancienne structure de business angels issus d'anciens élèves émane de l'X. Les Polytechniciens s'intéressaient à l'entrepreneuriat depuis la fin des années 1990. Ils avaient monté à l'époque une plate-forme d'échanges entre anciens, dédiée à la reprise d'entreprise. “Comme beaucoup de demandes d'aide à la création nous arrivaient, nous avons lancé le club XMP Business Angels en 2005 qui permet à des anciens de l'X, des Mines et des Ponts de financer l'amorçage de start-up”, explique Jacques-Charles Flandin, son fondateur.
Les business angels d'XMP s'intéressent naturellement aux porteurs de projets issus d'anciens mais pas uniquement. Marie Davideau, diplômée de l'EDC, a pu ainsi lever 160.000 € auprès des business angels de l'X pour lancer Lilibricole, des cours de bricolage pour filles à Paris et Lyon sur le principe des ateliers de cuisine. “Peu importe la formation de l'entrepreneur ! Nous prenons les projets d'où qu'ils viennent, pourvu qu'ils soient innovants et aient un début de réalisation”, confie le président.
Après avoir accompagné et financé des dizaines de projets durant huit ans, XMP Business Angels a créé fin 2012 le réseau Badge – pour Business angels des grandes écoles – qui fédère une dizaine de clubs, tous issus d'écoles d'ingénieurs ou de management membres de la CGE (Conférence des grandes écoles) : AgroParisTech, Centrale Paris, l'EDHEC, l'ENS Paris, l'ENSTA ParisTech, l'ESPCI ParisTech et l'ISAE en font déjà partie.
“En 2013, notre réseau a soutenu plus de 40 jeunes entreprises innovantes, participé au financement de 17 start-up pour un montant total investi de près de 1.319.000 €, soit une moyenne d'environ 77.500 € par projet”, détaille Jacques-Charles Flandin. Avec désormais 10 grandes écoles partenaires et plus de 200 business angels actifs au compteur, le réseau Badge affiche une taille critique qui lui permet de recevoir davantage de dossiers : entre 800 et 1.000 projets lui remontent chaque année, émanant à 80 % d'entrepreneurs âgés de 25 à 35 ans.
“Fin 2014, notre ambition est de compter 20 à 25 partenaires pour co-investir. Toute grande école membre de la CGE a vocation à nous rejoindre”, précise Jacques-Charles Flandin. Parmi les établissements avec qui des discussions ont commencé : Audencia Nantes, l'ESIEE Paris ou encore l'université Paris-Dauphine.
Les Arts et Métiers font bande à part
S'il est cependant un réseau qui ne rejoindra pas les business angels des grandes écoles, c'est celui des Gadzarts. Fort d'environ 110 membres, les anciens des Arts et Métiers veulent rester indépendants. Leur busisess angels Arts et Métiers Business Angels a été créé en 2008 et compte six antennes actives en région. “Depuis nos débuts, nous avons financé 35 projets, explique Pierre Orsoni, son secrétaire général. Le montant moyen investi dans chaque projet avoisine les 100.000 €. Nos membres aiment bien les projets technos ou de l'économie numérique mais ne pratiquent pas d'exclusivité. La plupart investissent dans un ou deux projets par an pour 10.000 à 20.000 €.”
En région, la plus grosse section des Gadzarts business angels est celle de Rhône-Alpes, qui compte une quarantaine de membres. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, ils sont une vingtaine d'anciens à jouer les anges des affaires. Les Arts et Métiers jouent de leur spécificité avec des établissements décentralisés en région.
Les Gadzarts ont également créé leur propre fonds d'investissement, Liancourt Invest, une SIBA (société d'investissement business angels). Ce fonds réservé aux membres d'Arts et Métiers Business Angels leur permet de réaliser des investissements mutualisés. Montant minimal de souscription : 10.000 € tout de même.
Rejoindre un réseau ou nouer des partenariats est la clé pour dynamiser l'activité des clubs de business angels
écoles de management : entre débuts timides et alliances
Étonnant ! Alors que HEC a pour slogan “Apprendre à oser”, les anciens de la grande école de Jouy-en-Josas ne disposent pas de club de business angels au sein d'HEC Alumni, leur association d'anciens. Explication : beaucoup d'entre eux le font déjà à titre individuel.
À l'ESCP Europe, le business angels des alumnis n'a été créé qu'en 2012. Il doit encore monter en puissance même s'il a déjà financé quatre start-up pour des montants allant de 50.000 à 150.000 €.
Quant à l'EM Lyon, elle a lancé son club en 2011. Le pragmatisme a prévalu : dès l'origine, ses concepteurs se sont rapprochés de structures lyonnaises existantes.
Même souci de réalisme chez ESSEC BA, créé en 2010, qui a signé un partenariat avec Paris Business Angels pour bénéficier de son savoir-faire (10 ans d'existence) et de la puissance de son réseau (150 membres).
Rejoindre un réseau ou nouer des partenariats est en effet la clé pour dynamiser l'activité des clubs de business angels. Tout d'abord, le marché français des business angels est encore réduit. Il est estimé à 4.500 personnes en France selon France Angels, qui regroupe 82 réseaux sur le territoire – soit dix fois moins qu'au Royaume-Uni qui compterait plus de 40.000 business angels.
Ensuite, s'il suffit d'un noyau de 5 à 10 membres actifs pour démarrer un club, il est difficile de le faire tourner et d'attirer des projets de qualité à moins de 15. D'autant qu'un membre qui investit une année n'investira pas forcément les suivantes, moins par manque d'argent que de temps pour suivre les projets et coacher les jeunes entrepreneurs. L'appartenance à un réseau plus large ouvre donc l'accès à plus de dossiers et permet de co-investir au capital de jeunes entreprises. Créée en 2009, Dauphine Business Angels, un réseau d'alumni pourtant important avec plus de 50 membres, envisage ainsi lui-même de rejoindre en 2014 le réseau business angels des grandes écoles.
Il est difficile de faire tourner un club de business angels et d'attirer des projets de qualité avec moins de 15 membres
GEM, un business angel intégré au cursus
À Grenoble, GEM Angels, la structure créée par les diplômés de l'école de management (Gem Graduate Network) prend carrément la forme d'un fonds d'investissement. “Nos 31 business angels sont tous diplômés de GEM et occupent des postes de direction, des fonctions commerciales, financières, de R&D et de gestion de projet”, précise Benoît Giroud, président de GEM Angels participations.
Initiative pédagogique remarquable : les liens avec le mastère spécialisé entrepreneurs de l'école. “Gem Angels est la première structure de business angels à être intégrée dans le cursus académique des étudiants, se félicite Benoît Giroud. Le processus de 'sourcing' et d'évaluation des projets est en partie assuré par des étudiants du MS entrepreneurs, ce qui leur permet d'allier le côté professionnel et les savoirs théoriques enseignés pendant leurs cours.”
De fait, Gem Angels, à la différence des autres structures émanant des grandes écoles, intervient sur des projets uniquement portés par ses étudiants ou ses diplômés. Une tactique habile renforçant la singularité et le positionnement de l'école, qui s'attache à faire de l'innovation sa marque de fabrique.
"Un projet de création d'entreprise ? 7 questions sur les business angels des grandes écoles" : un article pratique et des témoignages à retrouver sur letudiant.fr