Depuis la loi LRU (Libertés et responsabilités des universités) de 2007, l’orientation et l’insertion professionnelle sont devenues une mission à part entière de l’enseignement supérieur. Si certains enseignants-chercheurs étaient, au départ, plutôt réticents à faire de l’université un lieu dirigé vers l’emploi, cette conception est aujourd’hui pleinement entrée dans les mœurs. Avec, notamment, la mise en place du PPE (Projet professionnel de l’étudiant) en première année de licence. Aujourd'hui, plus de la moitié des universités ont rendu cette UE (unité d'enseignement) obligatoire pour leurs étudiants.
Pionnière en la matière, Lyon 1 a mis en place ce dispositif dès 1984, après une phase d’expérimentation. "Il faut aider les étudiants dès le début de leur entrée à l’université à faire leurs choix d’orientation, ils ont besoin d’un accompagnement", affirme Dominique Gilles, à l’initiative et responsable de cette UE PEL (Projet de l’étudiant de licence), jusqu’en 2012 à Lyon 1.
La tâche a été en grande partie déléguée aux enseignants-chercheurs, d'une part parce que les personnels du service orientation n'étaient pas assez nombreux, mais aussi parce que "c’est une démarche proche de leurs habitudes de travail, avec une hypothèse de départ qu’il faut vérifier, confirmer ou infirmer", souligne Dominique Gilles. Autrement dit, les étudiants partent de leur idée d'un métier, avec des a priori qu’ils doivent remettre en cause en se questionnant et se renseignant sur la réalité de son exercice.
Aujourd'hui, plus de la moitié des universités ont rendu l'UE "Projet professionnel de l’étudiant" obligatoire pour leurs étudiants
Une méthode déclinée et adaptée
Aujourd'hui, l'association Projetpro aide les établissements à créer leur UE de PPE. Créée en 2006, elle rassemble et forme un réseau de "pilotes", enseignants-chercheurs ou conseillers d’orientation, qui déclinent sa méthode dans leurs universités.
Celle-ci se déroule en cinq séances. La première est une présentation des objectifs, en amphi. Puis les étudiants sont répartis dans des TD, où se forment de petits groupes de travail de trois à cinq personnes autour d’un secteur de métiers. On leur demande d’abord d’effectuer des recherches documentaires sur le domaine qui les intéresse, puis de réaliser des interviews de professionnels.
La validation s’effectue par le rendu d’un petit dossier faisant le compte-rendu des recherches et des entretiens, avec également un poster métier, un visuel synthétique des caractéristiques du métier choisi, présenté à l’oral.
Les universités qui reprennent la méthode type de Projetpro l’appliquent avec parfois des variantes plus ou moins importantes. Plus de séances, étalées sur un seul semestre ou sur l’année, modalités de validation différentes… Souvent mis en place d'abord de manière optionnelle par l'établissement avant d'être rendu obligatoire, le cours peut permettre aux étudiants de valider jusqu’à trois crédits.
À Limoges, la faculté des lettres et sciences humaines a opté pour "une présentation scénarisée du métier, de manière dynamique et ludique, sous forme de sketch, par exemple", décrit Christine Poiraudeau, la coordinatrice du PPP (Projet personnel et professionnel). Cette présentation a lieu pas seulement devant un jury, comme pour la plupart des autres universités, mais devant tout le groupe du TD. "Cela leur permet de découvrir d’autres métiers sur lesquels débouche leur filière", argumente l’enseignante.
D'une manière générale, l’évaluation est rarement exigeante. "On ne peut pas porter de jugement de valeur sur le projet de l’étudiant, on cherche donc avant tout à s’assurer qu’il a bien compris la démarche et qu’il sait argumenter", explique Henri-Jacques Saint-Pol, coordinateur du processus PPP de Lille 1. Cette université a, pour sa part, décidé d’organiser un oral de mise en situation de recherche de stage ou d’intégration de filières sélectives, "pour que les étudiants apprennent à mettre en valeur leurs parcours".
Un cadrage national non nécessaire
"Notre association se limite à la formation, aux conseils et aux échanges, elle n’a pas de contrôle sur la façon dont notre méthode type est mise en œuvre dans les universités, un cadrage national ne serait pas forcément opportun, car le contexte local peut être important", estime Jean Arrous, président de Projetpro.com, qui a encadré lui aussi cette UE PPE à l'université de Strasbourg.
Depuis 1999, le dispositif a été étendu à la deuxième année à Lyon 1. Il permet de sensibiliser les étudiants qui n’arrivent qu’en L2 à l’université, mais se concentre essentiellement autour de l’entretien de motivation. "C’est assez risqué de reposer ces questions d’orientation dès la deuxième année, car les étudiants peuvent être mis en difficulté par les jugements émis sur leurs projets", commente Dominique Gilles.
L'université d’Angers, a, quant à elle, encore plus élargi le dispositif puisque l’UE Projet personnel et professionnel étudiant concerne l'ensemble de la formation, de la L1 jusqu’au M2. Un choix justifié par "l’offre assez professionnalisée, avec beaucoup de masters pro", selon Didier Peltier, vice-président du CEVU (Conseil des études et de la vie universitaire).
"On choisit de répartir les éléments selon les moments les plus judicieux et où le public est le plus réceptif, on accompagne les besoins des étudiants au fur à mesure", explique Didier Peltier. De la connaissance d’un secteur d’activité et d’un métier, à la mise en valeur de ses compétences dans le cadre d'un entretien de recrutement, en passant par la recherche d’un stage (CV, lettre de motivation…) et la découverte de notions autour de la culture de l’entreprise.
Mais ce dispositif long reste assez marginal, la plupart des universités se cantonnant à la première année.
Une méthodologie qui veut rendre l’étudiant acteur de son orientation
Sur le terrain, les appréciations de cette UE semblent plutôt positives. D’après une évaluation par 830 étudiants de Lyon 1 en 2011, 79% d’entre eux étaient d’accord pour dire qu’elle leur avait "permis d'obtenir une information précise sur le domaine professionnel qui les intéresse". Environ un tiers des étudiants ont décidé de modifier leur projet initial grâce à cette expérience.
Ancienne de l'université, Caroline Januel a suivi l’UE PEL en 1994. "Convaincue par son utilité", elle encadre ensuite les étudiants en tant que vacataire avant de faire partie régulièrement du jury des présentations orales de projets. "Cela peut créer un électrochoc, confie-t-elle. Dans mon cas, alors que je voulais faire de la recherche scientifique, j'ai fait une rencontre déterminante qui m’a aidée à me poser les bonnes questions." L'amenant à se tourner vers la vulgarisation scientifique.
"Nous leur transmettons une méthodologie qui permettra ensuite aux étudiants d’être autonomes dans leur démarche d’orientation, mais aussi de développer des compétences transversales comme la construction d’un argumentaire ou les recherches bibliographiques", explique Valérie Mengelatte, directrice du SCUIO-IP de l’université de Pau et des Pays de l’Adour. L’objectif : qu’ils aient toutes les clés en main pour recommencer ce processus de recherche avec d’autres métiers ou secteurs ciblés, en fonction de l'évolution de leur projet.