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Anne Aubert : "En formation continue, les universités doivent répondre à une demande sociétale"

Jean Chabod-Serieis Publié le
Anne Aubert : "En formation continue, les universités doivent répondre à une demande sociétale"
L'université de La Rochelle fait partie des 12 établissements pionniers en matière de formation continue. // © 
Un an après le premier appel à manifestation d'intérêt sur la formation continue, les 12 universités lauréates travaillent à proposer une offre cohérente et complémentaire de celle des organismes de formation. Le point avec Anne Aubert, chef de projet pour le développement de la formation tout au long de la vie dans le supérieur, en amont de la conférence EducPros du 24 novembre sur l'e-learning.

Anne AubertQuasiment un an après la désignation des 12 lauréats de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour le développement de la formation tout au long de la vie dans les établissements d'enseignement supérieur, quel bilan peut-on tirer ?

D'abord, ça a fait le buzz. Les universités et écoles commencent à être prises en compte par les entreprises, les Opca, les Opacif et par les organismes de formation privés ou semi-privés. Tous ces acteurs se disent que les établissements du supérieur ont un rôle à jouer dans la formation continue. Ensuite, une réelle dynamique s'est mise en place entre les 12 lauréats.

Ils communiquaient peu les premiers temps, certains se pensaient concurrents les uns des autres ; puis ils se sont mis à travailler ensemble grâce à l'obligation de se retrouver tous les mois, pour rencontrer représentants d'entreprise, Opca, consultants… Ils ont ainsi pu discuter avec le Medef, les ETI [établissements de taille intermédiaire], le CJD [Centre des jeunes dirigeants], le Fongecif. En interne ils ont créé des groupes de travail sur les ressources humaines, l'ingénierie financière et bien d'autres thématiques. Ils se sont rendu compte qu'ils devaient agir ensemble.

Et que faut-il retenir des rencontres avec les entreprises ? Quels sont leurs besoins ?

Les entreprises veulent de la réactivité : ne pas attendre six mois entre leur première demande et la première proposition ; obtenir des réponses ponctuelles grâce à des formations de un ou deux jours, et non de trois mois ; avoir la possibilité de négocier les tarifs. Et puis, si la certification ou la diplomation les intéressent, ce n'est pas leur objectif premier.

Ces besoins trouvent-ils une réponse ?

Je vous donnerai deux exemples. D'abord, nous travaillons à rendre les universités visibles dans le RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles), en passant de 6.000 à 500 fiches. Nous avons déjà réalisé ce travail pour les licences générales, nous sommes en train de le faire pour les licences professionnelles et les masters.

Ensuite, nous travaillons à la création d'un portail national qui présenterait l'offre de formation de toutes les universités et permettrait par exemple au secteur marchand de retrouver facilement les formations courtes.

Notre plus-value, c'est l'adossement à la connaissance.

En quoi l'offre de formation des établissements du supérieur se distingue-t-elle de celle des organismes privés ?

Notre plus-value, c'est l'adossement à la connaissance que nous apportent les chercheurs. Il faut rappeler que les groupes de formation utilisent la connaissance que les universités ont créée ! Ce serait idiot de notre part de nous proposer des produits identiques à ceux des organisme privés, tels que la comptabilité ou les langues, à moins de créer une formation articulée "langue-culture-commerce". De cette façon, nous serons complémentaires des organismes de formation sur le marché. Et puis, ce qui est important pour nous, c'est de répondre à la demande sociétale en prenant en compte les parcours chaotiques. L'idée, c'est de trouver comment valoriser à la fois les parcours académiques et les autres, ceux que l'on dit "non linéaires".

Comment cet objectif peut-il être atteint ?

Cela va peut-être entraîner des changements de réglementation et d'organisation. Cela passera également par une réflexion sur l'alternance entre travail et formation pour les stagiaires ; par des alternatives au présentiel, par le changement des modes d'évaluation, par une meilleure prise en compte de la VAE [validation des acquis de l'expérience]. Tous ces sujets feront l'objet du deuxième AMI, qui sera clôturé le 1er décembre.

Cela dit, nous avançons déjà : des conventions ont été signées en Pays de la Loire avec Opcalia, dont une qui supprime l'obligation pour les stagiaires de signer les feuilles de présence, ces fameuses feuilles indispensables au remboursement. L'Opca demandera à l'université si les stagiaires ont bien participé à toutes les heures et c'est tout. Nous partons sur un principe de confiance.

L'e-learning permet d'élargir le champ des apprenants.

Quelle place le deuxième AMI fera-t-il au e-learning ?

Une bonne place. Le e-learning permet d'élargir le champ des apprenants, de dépasser les problèmes de temporalité et d'isolement géographique. Mais en regardant ce que font les autres pays, en lisant les études sur les Mooc, on voit que le tout-e-learning n'est pas la solution : les salariés stagiaires ont besoin à un moment de se confronter à de l'humain ; c'est ce que nous disent aussi les entreprises. C'est pourquoi nous voulons plutôt proposer des formations hybrides – ou blended – mêlant formations présentielle et à distance.

Avec le e-learning, il ne s'agit pas simplement de mettre un Mooc à disposition et d'envoyer la facture. Il ne faut pas se leurrer : le Mooc, c'est de la com, ce n'est pas un outil pédagogique en tant que tel. Le taux moyen de complétion [ceux qui finissent un Mooc] est de moins de 10 % ; et ce sont essentiellement des cadres supérieurs qui s'inscrivent aux Mooc. Ce n'est pas notre cible : nous visons d'abord ceux pour qui la réorientation ou l'acquisition de nouvelles compétences est indispensable, sans quoi ils perdent leur emploi.

Formation continue dans les universités : les 4 textes qui font date

–  5 mars 2014 : loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
–  juillet 2014 : rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sur "L'implication des universités dans la formation tout au long de la vie".
–  8 septembre 2015 : recommandations de la Stranes (Stratégie nationale de l'enseignement supérieur) 
–  6 novembre 2015 : remise du rapport Germinet.
Conférence EducPros sur l'e-learning
Jeudi 24 novembre 2016, EducPros organise une conférence sur le thème "Grandes écoles et universités : comment l'e-learning va vous permettre dʼentrer sur le marché de la formation continue".
Jean Chabod-Serieis | Publié le