Sur Deuxième labo, vous publiez une étude intitulée "Pour une meilleure visibilité de la recherche française". Comment est né ce projet ?
Ce qui a déclenché cette enquête, c’est un constat d’échec total en matière de visibilité et de lisibilité de la recherche en France. Nous ne connaissons pas notre recherche. Or la visibilité est un préalable à la valorisation. Qui sont les chercheurs ? Sur quoi travaillent-ils ? Comment savoir quelle infrastructure de recherche a permis quelle publication ? Où puis-je me renseigner sur la question ?
Notre étude est composée de trois volets : le premier est consacré aux données sur la recherche. Dans le deuxième, nous abordons notamment la notion de cycle de vie d’un projet de recherche : de la demande de financement au rapport final, en passant par les données et les publications. Le troisième volet, en cours d'élaboration, traitera des annuaires d’universités : sur quels projets les laboratoires travaillent-ils, quelles compétences sont présentes dans les universités ?
Quel est l’objectif de cette étude ?
L’étude s’adresse au monde de la recherche au sens large : chercheurs, financeurs, personnels administratifs, documentalistes, dirigeants d’organismes, responsables du ministère… L’idée est d’offrir un état des lieux de la visibilité de la recherche. Avec cette question sous-jacente : qu’est-ce qui bloque actuellement en France ?
Nous nous sommes notamment demandé comment le ministère organise ses données. Sont-elles mises à disposition ? L’information est-elle partagée entre les différents organismes : tutelles, ANR (Agence nationale de la recherche), OST (Observatoire des sciences et techniques), AERES (Agence d'évaluation de la rechjerche et de l'enseignement supérieur)… Malgré notre organisation jacobine, l’information sur la recherche n’est pas mutualisée. Les chercheurs eux-mêmes n’ont pas accès aux données concernant leur propre discipline (répartition des financements, impact des projets...). Ils déplorent souvent la lourdeur administrative qu'on leur impose.
Il y a un vrai problème de déperdition de l'information et de saisies multiples qui ne sont pas réutilisées. À travers cette enquête, nous voulions montrer qu’on peut avoir plus d’informations tout en remplissant moins de formulaires…
À travers cette enquête, nous voulions montrer qu’on peut avoir plus d’informations tout en remplissant moins de formulaires…
Le pilotage de la recherche en France a-t-il besoin d’être réorganisé ?
La question du pilotage recouvre beaucoup de fantasmes, c’est globalement un gros mot. Les politiques menées actuellement reproduisent un certain mythe : celui de la recherche nord-américaine, de l’excellence. Les résultats de notre étude montrent qu’on ne part pas de zéro : des flux d’information cohabitent, mais il n’y a pas d’accès unifié aux données. Pourtant, des solutions existent et ont été mises en œuvre à l’étranger. Il s’agit pour la recherche française de rejoindre le mouvement.
Certains pays comme le Royaume-Uni ont ouvert l’accès aux données. Les sept agences de financement de la recherche britannique ont mis en place un portail national Gateway to Research qui recense l’ensemble des subventions (toutes disciplines confondues) et leurs bénéficiaires depuis 2006. Dès lors, le grand public peut savoir exactement comment s’est développé un projet, dans quel labo, par quel chercheur et quelles institutions il a été mené. On a directement accès aux productions. Un tel système nous permettrait de faire un vrai saut qualitatif : l'accès du grand public aux travaux des chercheurs contribue au rayonnement de la recherche. Cela ouvrirait la porte à une politique de recherche evidence based (fondée sur des preuves). Ainsi, on pourra suivre le cheminement d’un projet, d’une dotation de recherche, voir ce qu’elle a produit avec quel impact. Des données conrètes peuvent aider à un bon pilotage de la recherche.
“Comment mettre en valeur votre recherche et vos chercheurs ?” : c'est le titre de la prochaine conférence EducPros, organisée le 4 juin 2014.
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