Quel regard portez-vous sur le bras de fer engagé entre le ministère de l'Éducation nationale et l'association Droits des lycéens autour de la publication de l'algorithme d'APB ?
La demande de publication de l'algorithme d'Admission-postbac (APB) par Droits des lycéens apparaît tout à fait légitime. Du côté du ministère, le fait que l'algorithme ait été transmis en PDF, sans que les catégories utilisées ne soient renseignées, est un peu ridicule. En effet, ce n'est pas le seul code qui importe mais la manière dont il utilise les données issues de telle ou telle catégorie. Sans ces catégories, l'algorithme ne sert pas à grand-chose.
Cela étant dit, comment interpréter ce bras de fer ? Je ne suis pas un spécialiste d'APB, mais j'ai l'impression que la réticence du ministère à publier l'algorithme s'explique moins par son contenu et de potentielles règles d'affectation cachées – qui existent peut-être, je ne sais pas – que par une certaine gêne. Ce n'est pas évident de justifier auprès des familles et des lycéens que l'outil qui permet l'affectation de centaines de milliers de lycéens est, en réalité, ce truc un peu bricolé.
Ce côté "bricolé" vous choque-t-il ?
Oui, mais ce n'est pas si étonnant que cela. Il y a souvent une très forte inertie des systèmes techniques : tant qu'ils fonctionnent, on préfère bricoler, ajouter de nouvelles couches plutôt que tout refondre. En fait, la difficulté ne concerne pas tant l'algorithme d'APB – qui est assez simple – que la structure, le logiciel qui supporte les millions de données. Tout reconstruire "proprement" est très compliqué.
Cela a parfois du bon de faire confiance à la bêtise d'une règle simple qui s'applique à tous.
Serait-il aujourd'hui possible de se passer d'un algorithme pour affecter les bacheliers dans l'enseignement supérieur ?
Ma réponse est claire : non ! On ne peut pas se passer des algorithmes et ils présentent de nombreux avantages. Ils permettent notamment une plus grande équité entre usagers. Parfois, cela a du bon de faire confiance à la bêtise d'une règle simple qui s'applique à tous. Cela permet notamment d'éviter les inégalités liées aux réseaux personnels. Dans un système "papier", où les interactions humaines sont importantes, il est beaucoup plus facile de convaincre quelqu'un de faire une exception, d'accorder une dérogation. C'est finalement très inégalitaire.
Y a-t-il en revanche une exigence de transparence accrue envers les algorithmes dans la société ?
Oui, et c'est une bonne chose ! Par exemple, il me semble légitime de rendre publics les algorithmes utilisés dans le cadre de politiques publiques. Il est normal que les citoyens puissent vérifier que les critères insérés dans l'algorithme correspondent bien à ceux énoncés publiquement. Les pouvoirs publics ont également un devoir de pédagogie pour expliquer les règles qui régissent le fonctionnement de l'algorithme. Et s'il apparaît que les usagers ont des doutes sur les critères utilisés, alors il faut en débattre.