La carte des universités et des écoles est en pleine mutation, en France mais aussi en Europe. Comment les services communication s’adaptent-ils à ces grands bouleversements ?
Les regroupements entre établissements concernent un grand nombre de pays européens. Au Danemark, par exemple, le nombre d’universités a été divisé par deux. Chez nous, le mouvement est en cours. Je ne suis pas sûre que ces changements touchent fortement les étudiants, ce sont plutôt les personnels qui ne savent plus trop où se placer. Cela engendre beaucoup de pression.
Dans ces bouleversements, le service communication doit avoir une position stratégique dans les institutions d’enseignement supérieur. C’est de plus en plus le cas, comme le montrent les enquêtes de l’Arces. D’autres pays sont plus avancés à ce sujet, comme en Suisse ou dans les pays du Nord, où ces services occupent une place très importante.
Nous nous retrouvons dans une position assez inconfortable où il faut refaire le monde, rapidement, bien sûr, mais sans budget.
Comment faire face à ces difficultés budgétaires ? Le service communication doit-il se mettre au fundraising ?
Je ne pense pas que le problème du financement va s’arranger. C’est un problème commun à l’enseignement supérieur européen : les États ne sont plus en mesure de fournir des moyens à la hauteur des enjeux. Il faut s’adapter à ce manque, et beaucoup le font très bien.
L’université d’Angers, avec des moyens ridicules, réalise des choses extraordinaires. L’idée que seules les écoles de commerce seraient dans le coup, suivies des écoles d’ingénieurs, avec des universités très en retard, n’est plus d’actualité. De nombreuses facs ont des services communication qui font un super boulot.
Ensuite, il faut trouver des financements ailleurs. Auprès des entreprises, des institutions, des parents, des étudiants… Les communicants ne peuvent pas, seuls, s’occuper du fundraising, c’est un métier à part, déjà bien installé en Angleterre par exemple, tandis qu’en France, c’est encore balbutiant.
Mais la communication peut apporter son regard et son aide. Malheureusement, couper les budgets rend les choses difficiles, car pour lancer de véritables campagnes de dons et récolter des fonds, il faut d’abord… investir.
De notre côté, il faut aussi réfléchir à des changements de méthode, notamment avec le digital, qui peut être plus économique.
Si l'on reste dans la com’ de papa, à base de plaquettes, nous n'avons pas d’avenir.
Le digital et le web 2.0 modifient également le métier du communicant. A-t-il encore sa place, à l’heure où tout le monde peut prendre la parole et communiquer sur son établissement ?
Evidemment, notre métier change beaucoup. C’est passionnant, mais difficile à vivre parfois. Avant, les services communication pouvaient choisir de traiter tel ou tel sujet, maintenant, n’importe qui prend la parole sur l’établissement et peut se faire entendre. On ne peut plus rien contrôler.
Si l'on reste dans la com’ de papa à base de plaquettes, nous n'avons pas d’avenir. Le communicant doit devenir un facilitateur. Notre mission aujourd’hui est de trouver des ambassadeurs : ce sont nos étudiants, nos personnels, nos professeurs.
Nous devons les repérer, discuter avec eux, leur fournir des informations. C’est crucial. Plus personne ne s’intéresse aux promesses des sites Internet des uns ou des autres, les étudiants vont se faire leur opinion sur les réseaux sociaux.
Ce sont de nouveaux espaces pour faire passer les messages, où nous testons des choses qui marchent, d’autres non. Sur Facebook cet été, ce sont les posts concernant deux professeurs de chimie de CPE Lyon partis faire un marathon en montagne qui ont recueillis un très grand nombre de "like" !
Tout le monde est entré dans cette nouvelle ère : nos voisins européens inventent des choses géniales. En Islande par exemple, l’université se sert des réseaux sociaux pour toucher les plus petits et leur transmettre le goût de la science, en organisant un pique-nique géant. Nous devons nous inspirer de toutes ces nouvelles pratiques.
Euprio rassemble les communicants européens de l'enseignement supérieur. L'association compte 700 membres, issus de 22 pays. Elle organise son colloque annuel sur le thème "Turn it upside down" début septembre 2015, à l'occasion duquel seront remis des Awards de la communication.
La biographie de Christine Legrand