Pourquoi êtes-vous candidate aux municipales dans le Ve arrondissement parisien ?
Ce n’était pas prévu dans mes plans de vie. Quand l’équipe d’Anne Hidalgo m’a contactée, ce fut une surprise, mais je n’ai pas mis longtemps à me décider car j’y vois une continuité.
Lorsqu’on est président d’université, on traite énormément de sujets très différents, abstraits et concrets : la formation, la recherche, mais aussi les regroupements d’université, la gestion du budget - 120 millions d’euros à Paris 3 -, les personnels, etc. Le fonctionnement d’un arrondissement est similaire, avec ce va-et-vient entre les dossiers. Etre maire nécessite en outre d’avoir une vision politique, tout en étant très à l’écoute des gens, ce qui constitue tout sauf une rupture dans mon parcours.
Quant au Ve arrondissement, j’y habite depuis peu mais cela fait trente ans que j’y travaille. Il faut faire rayonner de nouveau cet arrondissement, et le remettre dans la dynamique parisienne. Qu’il s’agisse des thématiques culturelle, sociale, ou économique, mais aussi de la solidarité, de l’innovation et de la démocratie locale.
Vous avez choisi de vous engager aux côtés du parti socialiste…
Je ne suis pas au parti socialiste, je suis une représentante de la société civile. Je suis fidèle aux idées de la gauche, mais libre, et non-encartée. Quand Bertrand Delanoë est arrivé à la mairie en 2001, j’ai vu la différence : il y a un avant et un après. On ne s’occupait pas du tout des étudiants et de l’université avant et une véritable dynamique a été créée. Je l’ai ressentie notamment en tant que directrice d’une maison à la Cité internationale, encore plus comme présidente d’université. Je souhaite désormais apporter mon expérience pour poursuivre en ce sens.
L’enseignement supérieur et la recherche ne sont cependant pas des compétences clés au niveau municipal.
En théorie, il ne s’agit pas d’une compétence de la ville mais il y a une telle concentration d’universités, de laboratoires, de grandes écoles à Paris, particulièrement dans le Ve, qu’il est impossible de ne pas s’y intéresser.
J’espère fédérer ces forces de la connaissance, et surtout les décloisonner. Les habitants n’en profitent pas tellement en plus, ils ne savent pas que des Prix Nobel travaillent au coin de la rue. Je veux développer des actions pour que ce bouillonnement rejaillisse sur l’arrondissement.
Le Ve, c’est beau, mais ça ne suffit pas, il faut que cela s’anime ! Le Panthéon est magnifique mais il reste, quelque peu, un tombeau... Quand on voit tous les étudiants assis sur les marches de l'édifice, je suis sûre que nous pouvons faire mieux, tout en respectant ce monument protégé.
La vie étudiante est très chère, plusieurs de nos projets devraient être utiles. Sur le site universitaire de Censier, qui va se libérer en 2018, des logements étudiants et intergénérationnels vont être construits. Il est également prévu, dans le programme d’Anne Hidalgo, de mettre en place une agence pour fluidifier les locations de logement.
Vous êtes toujours à la tête de l’université Sorbonne Nouvelle. Comment conciliez-vous ces deux casquettes ?
Pour l’instant, j’arrive à faire les deux. Je m’appuie beaucoup sur mon équipe, les vice-présidents, le directeur de cabinet ou encore la directrice générale des services. Heureusement, c’est ma sixième année à la présidence de l’université, et surtout nous avons déjà réalisé une réorganisation qui fonctionne bien. J’ai également supprimé les choses où ma présence était moins nécessaire, à l’extérieur de l’université, comme les comités techniques de la CPU (Conférence des présidents d'université).
Cela n’interfère aucunement sur mon travail de présidente. Quand je suis entre ces murs, je suis à 100% présidente. En revanche, si je suis élue maire du Ve arrondissement, je quitterai mes fonctions à la présidence de l’université, mais continuerai à donner des cours en littérature américaine.
J’ai le sentiment qu’à l’université, il y a moins d’attaques personnelles qu'en politique
Elections municipales, élections universitaires : quelles différences voyez-vous entre ces deux mondes politiques ?
J’ai en effet déjà l’habitude de faire campagne, de défendre un programme, de convaincre. Ce qui m’a le plus surprise dans le monde politique, c’est cette tendance à mettre en avant des arguments grotesques, relevant du domaine personnel, contre ses adversaires. On a notamment fait courir des rumeurs sur mon mari sur Internet, ce qui s’est arrêté assez vite. C’est peut-être aussi le Ve arrondissement qui a perdu la culture du débat.
C’est ce que je déteste dans la politique : les attaques de bas étage, ridicules et évidemment anonymes. Avec un rapport à la parole particulier : l’agressivité, en politique, relève souvent de simples calculs pour établir des rapports de force.
J’ai le sentiment qu’à l’université, il y a moins d’attaques personnelles, avec une forme de respect de la fonction. Et surtout une culture du débat démocratique, loin de l’anonymat.
Dans tous les cas, vous ne m’entendrez jamais dire du mal, d’un point de vue personnel, de mes adversaires. Cela a un coût : les médias s’intéressent peu à moi. Mais ces attaques indignes, ce n’est pas de la politique !
Quelle compétence a pu vous apporter votre expérience à la tête d’une université ?
Je sais qu’à un moment, il faut que je décide. J'endosse volontiers ce rôle de leader. Nous avons rédigé le programme de notre liste à plusieurs, mais à la fin j’ai tranché. J’ai cette conviction qu’il faut être prêt à décider et assumer ses décisions.
De plus en plus d’universités rencontrent des difficultés financières. Comment vous situez-vous par rapport à la politique actuelle menée par la ministre socialiste Geneviève Fioraso ?
L’autonomie, c’est une très bonne chose pour l’université, mais on ne lui a pas donné les moyens nécessaires. Ce n’est pas encore suffisant, bien que la volonté du gouvernement aille dans le bon sens. Le budget de l’ESR a été tout de même préservé, et n’a pas subi les sacrifices que d’autres ont dû faire.
Il existe un déficit structurel difficile à rattraper. C’est le résultat de la politique précédente : il y a eu une mauvaise évaluation des besoins des universités.
Fusion, communauté, association… La question du mode de regroupement des universités est sensible à Sorbonne Paris Cité. Où en est-on ?
Nous sommes en train de discuter des statuts d’une Comue (communauté d’universités et établissements). Je suis en faveur de cette solution. L’avenir de l’université, c’est de se regrouper.
Pour l’instant, nous n’avons pas prévu de transfert de compétences, car cela ne peut se décréter. Nous travaillons en revanche sur de nombreux projets en commun, à propos des doctorants ou encore de services communs comme SAPIENS (Service d’accompagnement aux pédagogies innovantes et à l’enseignement numérique). Mais il n’y a pas forcément besoin de transférer au niveau supérieur, nous privilégions le travail en réseau, qui fonctionne très bien.
- La biographie EducPros de Marie-Christine Lemardeley