Où en est le projet d'une université unique de Lille entre les trois universités lilloises ?
L'idée n'est pas, aujourd'hui, à l'ordre du jour. Nous nous sommes mis d'accord pour travailler sur des projets communs, la question de la configuration viendra après.
Je pense, pour ma part, que nous avons besoin d'une seule grande université publique lilloise, pluridisciplinaire. Mais ce qui a été voté en conseil d'administration des trois universités début 2013, c'est un texte minimal sur cet objectif de rapprochement sur projets. C'est un premier pas important.
Nous avons également élaboré, avec Lille 1, un texte de propositions et d'actions concrètes, sur lesquels nous souhaitons constituer des groupes de travail.
Le processus est engagé depuis un certain temps. Cela ressemble à un retour en arrière...
Cela a pu être quelque peu ralenti en effet, l'université Lille 2 ayant décidé de reconsidérer un moment la question du rapprochement. Nous avons donc travaillé à deux, avec Lille 1.
Lille 2 a désormais voté sa volonté de rapprochement, mais aussi dans la foulée une motion marquant son opposition à toute fusion. Si Lille 2 a besoin de se réapproprier le processus, très bien, quitte à prendre le temps nécessaire. Nous ne sommes peut-être pas encore tous d'accord sur la pertinence d'une université unique. Mais on ne peut être certain en amont de tout ce qui va se passer après, sinon on ne fait jamais rien. Il faut qu'on avance.
Qu'est-ce qui a bloqué lors des premières tentatives de rapprochement ?
La question institutionnelle n'aurait peut-être pas dû être posée d'emblée, sachant qu'il s'agit de la question la plus complexe. Ensuite - je parle pour mon université Lille 3 – il y a eu un vrai manque de concertation, avec, certes, des groupes de travail mais sans aucun retour. Cela se faisait un peu entre présidents et vice-présidents. Nous avons essayé cette fois-ci de prendre le projet par un autre bout, en travaillant et en informant. Mon but est d'impliquer tout le monde.
Il faut bien noter que la communauté de Lille 3 a toujours été favorable au rapprochement, mais à force, certains ont dû se dire qu'on leur cachait des choses. C'est une question de méthode, et cela explique aussi pourquoi deux des trois anciens présidents n'ont pas été renouvelés. Philippe Rollet [qui a lui été réélu à la tête de Lille 1] a compris qu'il fallait travailler autrement, même si chez lui, il y avait plus d'informations que chez nous.
Ce sont pourtant souvent les universités de SHS qui ont tendance à avoir peur d'y perdre dans une fusion ou un regroupement avec les sciences dures ?
Il nous faudra évidemment des assurances, et asseoir notre position. Mais j'ai toujours souhaité jouer collectif. D'une part les SHS n'y perdront pas, d'autre part ce sont les universités lilloises qui vont y perdre si elles ne se regroupent pas. La division existant aujourd'hui n'a rien de rationnel : quand on voit la géographie à Lille 1 et l'histoire à Lille 3, ou la sociologie présente dans ces deux établissements… Cela n'a pas de sens.
L'inquiétude pour les sciences humaines peut d'ailleurs être exactement la même que l'on soit ou non dans une université unique. La santé, par exemple, a toujours été une discipline très dominante.
Quelle est la prochaine échéance ?
La rédaction du contrat quinquennal, qui s'achève courant octobre. Avec Lille 1, nous souhaitons établir une grande partie en commun, pas simplement quelques lignes d'habillage.
On ne peut pas nous dire comme ça : "on ne veut voir plus qu'une seule tête", d'un claquement de doigt. Ca m'agace.
Que pensez-vous du nouvel outil de la loi ESR : la communauté scientifique, qui réunit - a minima - les établissements d'une même académie ?
Même si nous avançons bien à 6 universités [Lille 1, 2, 3, Valenciennes, Artois, Côte d'Opale], par exemple sur l'ESPÉ, il y a des choses qu'on ne peut pas faire à 6. Le ministère est revenu un peu en arrière, en réponse à notre lettre, assurant de la souplesse des communautés, permettant différentes configurations. C'est à suivre.
Il s'agirait désormais de signer un contrat de site unique…
Je suis un peu surprise. A une époque, les universités se sont multipliées. On se rend compte que cela a créé un système compliqué, et on nous demande, un peu à la hache, de penser à un contrat de site unique. Je n'y suis pas favorable. On ne peut pas nous dire comme ça : "on ne veut voir plus qu'une seule tête", d'un claquement de doigt. Ca m'agace. Cela ne nous forcera pas à nous entendre, la complexité reste en effet la même.
Et je ne veux surtout pas que cela freine le processus de rapprochement en cours. Avec les universités lilloises, il est acté que tout le monde parle de politique de sites, mais au pluriel. Chez nous, il y a quatre sites.
Attention aussi aux représentations politiques qui pourraient émerger derrière : nous ne sommes pas sur le format d'une université régionale unique. Travaillons sans ambiguité : je ne me prononcerai jamais pour une université régionale. Il faut parler de sites au pluriel.
Il faudra articuler au mieux ce que l'Etat, la région, les collectivités et les universités souhaitent. Ces réflexions doivent évoluer ensemble.
La Catho de Lille tient une place importante dans l'enseignement supérieur lillois... Aura-t-elle sa place dans ce regroupement ?
Nous devons travailler ensemble de manière sereine, et elle en fera partie. Mais nous ne sommes pas sur le même modèle économique, ni sur l'accueil des mêmes étudiants. C'est une hétérogénéité dont il faut tenir compte, nous n'avons pas les mêmes contraintes, ni les mêmes forces. Les universités publiques doivent avoir un rôle majeur dans cette communauté.
Que pensez-vous globalement de la loi ESR ?
Je me suis exprimée dans des lettres collectives [lettre des 11 présidents d'université - lettre des 14 présidents d'université]. On nous reproche de parler beaucoup des moyens, de se tromper de sujet... Je regrette dans tous les cas que la loi ne soit pas plus en rupture avec ce qui s'est fait avant.
On nous reproche aussi de nous intéresser plus aux détails qu'à la stratégie globale... Mais il y a eu les Assises, une grande mobilisation, en un temps record, le souffle global était là. Quand on nous dit que le résultat des Assises a bien été repris dans la loi, j'en doute. En voyant les premières versions du texte dès le lendemain de la présentation du rapport Le Déaut, c'est tout de même curieux.