L'EUA organise, en partenariat avec la CPU (Conférence des présidents d'universités) son premier forum consacré à l'apprentissage et à l'enseignement. Quelles sont les raisons ayant motivé l'organisation de cet événement ?
Vingt ans après Bologne, et pour préparer cet anniversaire, l'EUA souhaitait faire le point sur les enjeux de l'enseignement supérieur en Europe.
C'est une évidence, la formation est une préoccupation majeure des universités. Ces dernières y consacrent beaucoup d'efforts et de moyens. Mais, au-delà de ces initiatives, il n'y a pas vraiment eu de position forte et globale sur le sujet, au niveau européen.
Ceci est sans doute lié au fait que l'enseignement supérieur relève de la compétence des États, et non de l'Union européenne. Pour autant, il nous semblait important d'échanger sur les problématiques rencontrées par chaque acteur et d'élaborer, à l'issue de ce forum, une déclaration, à l'image de ce que nous avions pu faire en 2010, à Berlin, au sujet du doctorat.
Les vingt ans du processus de Bologne, en 2018, ont-ils été le seul élément déclencheur de ce forum ?
Non. Il faut bien voir que depuis vingt ans, le monde a profondément changé. On parle beaucoup de la révolution numérique, mais, de façon plus globale, nous assistons à un changement de civilisation, avec un rapport aux informations totalement différent.
Aujourd'hui, la mission des universités n'est plus tant d'enseigner des connaissances – que l'on peut trouver ailleurs –, que d'enseigner comment apprendre à apprendre, dans un processus qui durera tout au long de la vie.
Lien entre recherche et enseignement, engagement civique des étudiants, innovation pédagogique... Tous ces sujets font-ils l'objet, ailleurs en Europe, d'autant de réflexions et de débats qu'en France ?
Il est vrai que c'est une série de sujets très présents en France, notamment de par le caractère contraint de nos carrières au niveau national. Mais d'autres pays se posent bien évidemment des questions sur ces sujets. Pour préparer le forum, quatre groupes de travail ont été instaurés, afin d'échanger et de comprendre les différences de situation entre les pays.
Aujourd'hui, la mission des universités n'est plus tant d'enseigner des connaissances – que l'on peut trouver ailleurs –, que d'enseigner comment apprendre à apprendre.
Ce qui est passionnant à observer, c'est que même si les contextes sont différents, les acteurs rencontrent les mêmes problématiques, notamment la hausse des effectifs étudiants. Les solutions trouvées par les uns et les autres sont donc extrêmement inspirantes.
L'EUA a pour habitude de prendre des positions politiques tranchées, notamment en matière d'autonomie. Est-ce à dire que la pédagogie est devenue un enjeu politique fort ?
Cela l'était déjà, mais, jusqu'à présent, nous avons eu des positions très fortes avant tout en matière de recherche.
Mais quand on voit les enjeux auxquels nous sommes confrontés pour assurer le développement économique de l'Europe, il est extrêmement important de former une génération de cadres dotés d'un esprit critique fort et solide. Il y a donc, oui, un véritable enjeu politique en la matière. Et les universités sont l'un des outils majeurs du futur de l'Europe.
Pourtant, vous le disiez, l'enseignement supérieur n'est pas une compétence relevant du niveau européen...
Certes, mais il faut avoir des positions communes fortes en Europe pour, ensuite, les amplifier dans chacun des pays. Il faut que les universités se voient reconnaître la liberté et l'autonomie de mettre en œuvre des initiatives et des expérimentations, sans être corsetées par des régulations trop fortes.
Il faut que les universités se voient reconnaître la liberté et l'autonomie de mettre en œuvre des initiatives et des expérimentations.
L'autonomie des universités est l'un des chevaux de bataille de l'EUA. Comment cela se traduit-il sur le volet pédagogique ?
Si je prends le cas de la France, nous avons acquis l'autonomie pédagogique avec la loi ESR de 2013, la procédure d'accréditation des établissements se substituant à l'habilitation des diplômes. Il faut que nous nous emparions de cette opportunité pour tester des choses nouvelles, développer une offre de formation sans avoir à attendre la bénédiction ministérielle.
Mais cela doit aller de pair avec une autonomie accrue en matière de gestion des carrières, pour mieux accompagner l'engagement des enseignants-chercheurs. Aujourd'hui, à l'UPMC, nous avons mis en place des primes d'investissement à destination des enseignants-chercheurs, en matière de recherche et de formation. Il faut développer ce type d'initiatives et gagner de la souplesse dans l'accompagnement des carrières de nos collègues.
Une question sur laquelle se penche actuellement le ministère, en rendant obligatoire la formation à la pédagogie des nouveaux maîtres de conférences…
Oui, et les indications qu'il donne sont intéressantes. Mais les collègues ont besoin d'avoir plus de liberté pour organiser leur temps, entre recherche et formation. Aujourd'hui, les initiatives en matière d'innovation pédagogique sont menées par des pionniers, des militants, au bon sens du terme. Mais le passage à une plus grande échelle nécessitera de mieux prendre en compte cette répartition des temps. Si les pionniers ne se sentent pas soutenus par l'institution, ils s'épuiseront.
Or, cela ne fait aucun doute qu'il y a une réelle volonté d'accompagner les étudiants dans leur réussite. Car il n'y a rien de plus gratifiant pour un enseignant-chercheur que de voir un étudiant s'épanouir et grandir.
Mardi 26 septembre 2017, à l'occasion du lancement de l'Initiative pour l'Europe, Emmanuel Macron a recensé plusieurs propositions visant à refonder une "Europe souveraine, unie et démocratique". Dans le grand amphithéâtre de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le président de la République a déclaré vouloir créer des "universités européennes, réseaux d'universités qui permettent d'étudier à l'étranger et de suivre des cours dans deux langues au moins."
Par ailleurs, il milite pour la mise en place d'un processus d'harmonisation ou de reconnaissance mutuelle des diplômes de l'enseignement secondaire, comme c'est déjà le cas dans l'enseignement supérieur.
Enfin, il veut que les échanges internationaux soient renforcés. Son objectif : que chaque jeune Européen ait passé au moins six mois dans un autre pays européen (50 % d'une classe d'âge en 2024), et que chaque étudiant parle deux langues européennes d'ici 2024.