Lors de la première campagne, la Fondation Télécom avait récolté 21,5 millions d'euros. Vous visez, pour 2020, 50 millions d'euros. Quels sont vos leviers pour doubler la récolte ?
Lors de notre première campagne, qui s'est déroulée de 2008 à 2012, nous avons appris un certain nombre de choses. Nous avions voulu mobiliser les alumnis, mais sur les 31.000 anciens issus de nos écoles (Télécom ParisTech, Télécom Sud Paris, Télécom EM, Télécom Bretagne et Télécom Lille), seuls 1.600 ont été donateurs. C'est très peu. Plusieurs raisons expliquent cela : tout d'abord, force est de constater que la culture du don n'est pas très présente dans l'esprit des anciens, puisque l'État providence contribue au financement des études.
Ensuite, notre suivi des anciens n'était pas optimal. Nous savons retrouver seulement un tiers de nos diplômés. Ce n'est pas assez, et nous entendons bien travailler sur ce sujet. Nous regardons par exemple de très près LinkedIn, d'autant plus que l'un des deux fondateurs est un ancien de Télécom ParisTech !
En 2012, lors de la clôture de la première campagne, l'ambition de la fondation était d'atteindre 75 millions d'euros de dons en 2020. Pourquoi les ambitions ont-elles été revues à la baisse ?
Ce premier chiffre se basait sur un scénario particulier. En 2012, les deux corps, Télécom et Mines, ont fusionné et l'Institut Mines-Télécom a été créé. Nous pensions que rapidement l'IMT pourrait se doter d'une fondation qui regrouperait toutes les structures de mécénat de ses écoles. En ce sens, l'objectif des 75 millions d'euros était pertinent.
En réalité, cette restructuration prend plus de temps que prévu, il faut laisser du temps au temps. En conséquence, 50 millions d'euros pour la seule Fondation Télécom nous paraissent être plus réaliste.
Quelle stratégie avez-vous mis en place pour dynamiser le don des anciens pour cette deuxième campagne ?
Il y a un an, nous avons créé un comité de campagne, composé de 28 grands donateurs. Tous sont des alumni et leur mission est d'identifier des diplômés grâce à leur réseau et de les inciter à donner. Lors d'une première réunion organisée en février 2016, chaque donateur s'est vu remettre une liste établie par la fondation de dix anciens à contacter. À eux également d'en identifier dix autres.
L'objectif étant de capter des donateurs à fort potentiel. Nous, fondation, arrivons à mobiliser des personnes qui donnent quelques centaines d'euros. En revanche, on attend du comité qu'il trouve des anciens prêts à donner plus, de quatre à six zéros !
Vous avez d'ores et déjà un donateur qui a franchi la barre des sept zéros ! Patrick Drahi, diplômé de Télécom ParisTech et à la tête du Groupe Altice [propriétaire de l'Etudiant] a fait un don de 10 millions d'euros en 2014, conventionné sur dix ans. De quoi envisager la campagne "Ambition 2020" avec optimisme ?
Quand vous vous fixez un objectif de 50 millions d'euros et que vous en obtenez 10, ça aide, c'est certain. En 2008, le financement des entreprises représentait 96% des dons et celui des alumnis 4%. En 2015, le rééquilibrage est en cours, grâce à des dons comme celui de Patrick Drahi. Nous en sommes à 75-25 et souhaiterions arriver à 50-50 en 2020.
Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, il faut bien avoir conscience que ce sont aussi les gros dons qui dynamisent une campagne.
Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, il faut bien avoir conscience que ce sont aussi les gros dons qui dynamisent une campagne.
Certaines écoles ont franchi le pas en proposant aux grands donateurs de donner leur nom à certains espaces de leurs établissements. Pratiquez-vous cette stratégie de "naming" ?
En effet. Un amphithéâtre dans les nouveaux bâtiments de Télécom ParisTech à Saclay devrait porter le nom du donateur qui en a financé l'équipement. Cette tendance du naming s'affirme et évolue. C'est l'occasion, pour ceux qui ont fait un don significatif de montrer qu'ils ont réussi. Ce n'est pas encore très ancré dans la culture française, où règne toujours une certaine suspicion. Mais les mentalités évoluent...
L'argent récolté par la fondation permet de financer quels types de projets ?
Outre les Mooc, le financement des incubateurs, des bourses sociales et d'excellence et de divers prix, les fonds nous permettent de développer notre politique de chaires. L'objectif pour les prochaines années est d'inciter les écoles à créer des chaires multi-entreprises et multi-établissements.
Jusqu'à présent, nous avons une mosaïque d'écoles. Le collectif IMT n'est pas encore construit, chacun ayant eu l'habitude de par son histoire d'avancer de son côté. Pour que les structures avancent ensemble et échangent, les chaires nous paraissent être un bon outil.
Deux de vos écoles sont engagées dans des déménagements plus ou moins conséquents sur le plateau de Saclay (Télécom ParisTech et Télécom Sud Paris). Les dons serviront-ils à alimenter ces projets structurants ?
La réponse des alumni sur ce point est assez claire : ils ne sont pas prêts à financer des projets qu'ils considèrent être du ressort de l'État, dans le cadre de ses engagements régaliens. En revanche, financer l'équipement d'un laboratoire ou la venue d'enseignants-chercheurs de rang mondial ne leur pose aucun souci, bien au contraire.
La conférence EducPros du 20 mai aura pour thème "Levée de fonds : comment mobiliser autour de vos projets ?"