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Emploi en 2025 : "Seuls les plus intelligents, créatifs et adaptables s’en sortiront"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Emploi en 2025 : "Seuls les plus intelligents, créatifs et adaptables s’en sortiront"
Laurent Alexandre, cofondateur de Doctissimo //© DR // © 
Les formations proposées aujourd’hui en France sont pensées pour le marché du travail des années 1990 par une génération dépassée par la révolution technologie en marche. Tel est le constat sévère du chirurgien Laurent Alexandre, cofondateur de Doctissimo. Ce diplômé de Sciences Po, d’HEC et de l’ENA intervient le 14 octobre lors d’un événement sur "Le recrutement en 2025" organisé par Link Humans.

En quoi les progrès de la biotechnologie pourraient-ils bouleverser le recrutement dans les années à venir ?

Les technologies NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) serviront à mieux recruter. Les enregistrements du cerveau du candidat permettront d’étudier son comportement et on peut même imaginer que la séquence ADN sera utilisée dans certains pays pour déterminer si le profil du candidat correspond à celui recherché. Le Big Data permet également d’analyser quelqu’un à travers les traces laissées sur Internet. L’explosion de l’intelligence artificielle (IA) doit conduire à recruter les candidats les plus intelligents, dans un monde où l’IA prend de l’ampleur.

Peut-on vraiment prévoir l’ampleur des changements à venir ?

Les bouleversements dans les années qui viennent seront sans commune mesure avec ce que nous avons connu. La puissance des serveurs sera multipliée par un million d’ici à 2035. L’IA sera un milliard de fois plus puissante en 2045 qu’aujourd’hui. C’est exponentiel. Elle atteindra un palier mais on n’y est pas encore. Autant dire que la plupart des hommes vont être dépassés par les automates. Aucun cerveau biologique n’arrive déjà plus à la cheville de l’IA. Watson, un système expert d’IA, s’est vu soumettre un problème hypercompliqué sur une mutation particulière. Il a lu en une seconde ce qu’un cerveau humain aurait mis trente-huit ans à lire pour poser un diagnostic. Autre exemple, la Google Car est une voiture automatique qui traite des milliards d’informations à chaque instant et a un réflexe instantané. Aucun conducteur humain n’en est capable. Quant aux bouleversements liés à Internet dans la transformation des médias, ils ne sont qu’un amuse-bouche.

Les bouleversements dans les années qui viennent seront sans commune mesure avec ce que nous avons connu.

Que prédisez-vous d'ici quinze à vingt ans ?

En 2030-2035, on interdira les voitures conduites par des gens. La Google Car roulera 24 heures sur 24, associée au système Uber, qui permet de repérer la voiture la plus proche. Il sera possible de réguler les bouchons et de diminuer la pollution. On peut donc prévoir l’arrivée des voitures sans chauffeur. Il faut recruter des chauffeurs qui aient l’intelligence et la plasticité cérébrale nécessaire pour se reconvertir. Même chose pour les chirurgiens. D’ici à 2030, ce métier aura disparu et, la puissance informatique étant multipliée par 1.000 à chaque décennie, il n’y aura que des robots autonomes. Dans vingt ans, la moitié des métiers auront disparu.

Comment les écoles et les universités peuvent-elles aider leurs étudiants à s’adapter à ces évolutions ?

Aujourd’hui, la formation initiale est inadaptée. On continue à former des gens sans intégrer les progrès technologiques… En France, les formations actuelles préparent au marché du travail des années 1990. Il faut une vraie réflexion à vingt ans sur l’évolution de la société, une vision prospective. Or le pouvoir est concentré entre les mains de ceux qui sont  les plus éloignés de la technologie. Regardez sur le bureau de François Hollande : il n’y a pas d’ordinateur ! En période de révolution technologique, les vieux, qui sont d’habitude ceux qui ont l’expérience et la sagesse, deviennent des vieux cons. Et les jeunes sont leur propre guide. En médecine, c’est caricatural, le mandarinat est vieux et ne voit pas la technologie qui arrive… Dans les écoles de journalisme, en 2000, on n’apprenait toujours pas le web. Le système universitaire américain intègre mieux la prospective et la formation est davantage portée vers le futur. Ce n’est pas un hasard si Google ou Amazon sont nés là-bas.

Vous êtes non seulement chirurgien de formation mais aussi diplômé de Sciences Po, d’HEC et de l’ENA. N'y a-t-il rien qui trouve grâce à vos yeux dans la formation académique que vous avez reçue ?

Le système éducatif était moins décalé dans le passé. Malgré cela, quand j’ai voulu faire de l’internet en médecine il y a vingt ans, on m’a dit que ça ne marcherait pas. Aujourd’hui, il faut miser sur une grande culture générale et une grande culture éthique. Elles vont devenir fondamentales dans le monde qui vient. Si le droit est assez automatisable, le gisements d’emplois sur la réflexion éthique ne l’est pas. Seuls les plus intelligents, créatifs et adaptables s’en sortiront. C’est très darwinien et les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Dans le futur, une grande partie de la formation sera de l’autoformation. Il vaut mieux un bon Mooc qu’une formation académique dépassée. "Qu’est-ce qu’on fait des gens peu doués dans monde de robotique et d’IA ?" : c’est LA question du XXIe siècle.

Quel recrutement en 2025 ?

Link Humans organise le 14 octobre une journée d'échanges sur le recrutement en 2025.  Laurent Alexandre 
interviendra sur "Le recruteur à l'heure des NBIC".
Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le