Contre l'échec en première année de licence, vous proposez une sélection à l'entrée de l'université. N'est-ce pas un problème qui pourrait se régler avec une meilleure orientation au lycée ?
L'orientation et la réussite sont des enjeux majeurs aujourd'hui dans l'enseignement supérieur, où moins d'un élève sur trois entrant en première année de licence obtient trois ans plus tard son diplôme. L'échec est donc massif et c'est dramatique.
Ma réponse est radicalement différente de celle du gouvernement actuel. Tout d'abord, seul le mérite scolaire doit être un critère de sélection. Rétablir une sélection à l'entrée, c'est de facto revaloriser les diplômes, car un diplôme pour tous n'est un diplôme pour personne. De plus il s'agit de remettre en cause cette logique du "tout université" à l'heure où les filières professionnelles sont systématiquement dévalorisées, alors qu'elles proposent des métiers nobles avec de réelles perspectives d'embauche à la fin des études. Un point de mon projet vise également à mettre en place un service public d'orientation afin de mieux guider et accompagner les élèves dans leur orientation.
Mais au final, c'est bien la revalorisation de l'école primaire, du collège et du lycée, avec un recentrage sur les fondamentaux et la fin du collège unique, qui permettra de mettre fin à cette sélection par l'échec.
Toucherez-vous au baccalauréat ou le laisserez-vous en l'état ?
Le baccalauréat est aujourd'hui remis en cause car il est dévalorisé dans le cursus professionnel des élèves. Le baccalauréat doit être pérennisé, mais il doit retrouver sa valeur et redevenir un diplôme de sélection et d'orientation.
Le niveau d'exigence doit être considérablement revu à la hausse, avec un accent mis notamment sur l'orthographe et la grammaire lors des épreuves. Les épreuves qui sanctionnent l'acquis des fondamentaux (français, mathématiques et histoire-géographie) doivent redevenir centrales car elles sont cruciales pour suivre une scolarité dans l'enseignement supérieur.
Je ne suis cependant pas favorable à la suppression des options (comme le propose notamment Emmanuel Macron) car elles participent de l'éveil de chaque lycéen : je propose ainsi qu'une option musique soit systématiquement proposée dans tous les établissements.
Le dispositif Admission postbac vous paraît-il satisfaisant ?
APB connaît actuellement une dérive préoccupante. Ce système vise avant tout à affecter un maximum d'élèves dans les filières du supérieur et répond davantage à une problématique d'optimisation des places vacantes qu'à une volonté de conduire les étudiants là où ils ont les meilleures chances de réussite.
Le résultat est sans appel : depuis près de six ans maintenant, on constate que bien trop d'étudiants, surtout des bacheliers professionnels, se retrouvent affectés en première année à l'université, sans avoir suivi au préalable la formation adéquate.
Deuxième injustice, APB se voit contraint d'instaurer un système de tirage au sort pour les filières universitaires trop demandées (Paces, Staps, psycho, éco, etc.). Certains candidats se trouvent ainsi refoulés par le simple hasard à l'entrée des filières désirées alors qu'ils avaient un véritable projet professionnel et des résultats scolaires leur permettant de poursuivre dans cette voie. C'est aussi aberrant que profondément injuste.
Je veux mettre fin à la sélection par l'échec. Je préfère une sélection au mérite.
Il est indiscutable que des prérequis doivent être définis à l'entrée de l'université ; et c'est pour cette raison que je ferai évoluer l'article L612-3 du Code de l'Éducation afin de mettre fin au principe de non-sélection. Je veux mettre fin à la sélection par l'échec. Je préfère une sélection au mérite. Ma préoccupation n'est pas de fermer la porte à certains étudiants – notamment les bacheliers professionnels – mais de ne pas leur faire perdre du temps à rester inutilement sur les bancs de la faculté dans un système d'enseignement supérieur où, de surcroît, les réorientations et les passerelles sont encore malaisées.
Je lancerai également les classes préparatoires aux grandes écoles professionnelles car elles sont aujourd'hui inexistantes et elles seront un moyen de pousser les bacheliers professionnels à s'épanouir pleinement dans ces filières.
Certains candidats, à l'instar de Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon, proposent la gratuité de l'université. Transformerez-vous, vous aussi, les frais de scolarité ?
Je pense qu'il faut maintenir les frais de scolarité à leur niveau actuel car les augmenter reviendrait à introduire de nouvelles barrières pour les enfants issus des milieux populaires. Or, je veux que chaque étudiant soit jugé et orienté en fonction de son mérite et de ses efforts. C'est aussi la raison pour laquelle j'entends revaloriser les bourses au mérite, que les socialistes ont considérablement réduites. Il faut encourager l'effort et le travail, il faut récompenser le mérite et l'excellence.
Je propose d'augmenter les droits de scolarité dont s'acquittent les étudiants étrangers.
Pour autant, il serait naïf de penser que la gratuité des droits d'inscription à l'université française résoudrait tous les problèmes. C'est bien sur l'acquisition des savoirs et l'orientation qu'il faut jouer, pour aller au-delà des déterminants sociaux et culturels.
La France, c'est un fait, consacre une dépense publique élevée à ses formations, et c'est un pari heureux sur l'avenir de sa jeunesse. Nous devons maintenir cet effort et même l'amplifier si possible. En contrepartie, je propose d'augmenter les droits de scolarité dont s'acquittent les étudiants étrangers quand ils étudient dans notre pays. Il n'est pas question de les augmenter à un niveau où ils deviendraient dissuasifs car la France s'honore de former des étudiants qui deviendront à leur tour des ambassadeurs de notre culture. Mais ces droits sont actuellement très bas et doivent mieux refléter le coût qu'ils induisent pour le contribuable français. Enfin, les étudiants qui participeront à l'Erasmus francophone que je mettrai en place continueront de bénéficier des mêmes droits de scolarité que les Français.
Vous proposez de renforcer la méritocratie républicaine, qui privilégie les meilleurs élèves, ne risquez-vous pas de perpétuer encore davantage des inégalités sociales, les plus faibles scolairement étant souvent les plus désavantagés socialement ?
Encore une fois, ce sont les politiques qui sont actuellement menées qui ont creusé les inégalités scolaires et sociales. Il faut recentrer et renforcer l'apprentissage des fondamentaux : français, mathématiques et histoire-géographie. C'est en mettant l'accent sur l'apprentissage des fondamentaux dès l'école primaire que l'on réduira les inégalités sociales de départ, et non en ayant recours au maquillage de la discrimination positive.
Remettre le mérite au cœur de l'enseignement supérieur, c'est aussi valoriser l'effort en rétablissant les bourses au mérite, qui ont été fortement diminuées par les socialistes.
Je souhaite également mettre en place une "Protection logement jeunes" par la construction massive de logements étudiants et la revalorisation de 25 % des APL pour les jeunes jusqu'à 27 ans : de cette manière, les jeunes se consacreront davantage à leurs études et auront moins à travailler pour payer leur logement.
Certaines universités se plaignent de leur manque d'autonomie et de leur dépendance vis-à-vis des dotations de l'État. Quelle sera votre politique en la matière ?
La LRU votée lorsque François Fillon était Premier ministre a été une véritable catastrophe pour nos établissements d'enseignement supérieur : cette loi a en effet complètement désorganisé les universités et ne leur a pas donné les moyens d'assurer les nouvelles missions qui leur étaient confiées.
Je m’oppose à un approfondissement de l’autonomie des universités.
Cette autonomie entraîne également des conséquences graves pour les enseignements qui sont dispensés : dépourvues de moyens financiers, certaines universités sont obligées de procéder à la fermeture de cursus ou de filières ; ce qui contrevient au principe d'égalité.
Je m'oppose donc à un approfondissement de cette autonomie et à son extension à l'école primaire, au collège, au lycée, ou encore à l'hôpital, comme le souhaitent Messieurs Fillon et Macron. Cela conduirait tout simplement à la mort du service public et à un renforcement des inégalités.
Enfin, l'engagement financier de l'État auprès des universités, et plus largement de l'enseignement supérieur et de la recherche, doit être total : c'est la raison pour laquelle je plaide pour une augmentation de ce budget.
Vous souhaitez, en étendant la loi de 2004, interdire le voile islamique à l'université. Comment entendez-vous procéder, étant donné que les règles constitutionnelles le rendent impossible, et que la communauté universitaire est viscéralement favorable à la liberté religieuse et politique à l'université ?
Je défends la laïcité parce que je pense que les revendications religieuses n'ont pas leur place dans l'espace public. C'est la raison pour laquelle je porte dans mon projet la volonté d'étendre à tout l'espace public la laïcité.
Lorsqu'un professeur rentre dans un amphithéâtre ou dans une salle de TD, il doit voir des étudiants avant de voir des croyants de telle ou telle religion. Croire ou ne pas croire, pratiquer ou ne pas pratiquer sont des droits que je défends, mais qui doivent demeurer dans la sphère privée ; il n'est qu'une seule communauté en France, c'est la communauté nationale.
L'université fait face aujourd'hui à une hausse des revendications communautaristes et des violences. Elle doit rester un espace neutre, c'est un lieu public de savoir où seules les valeurs de la République ont le droit de citer.
De plus, la laïcité est dans la Constitution (article 1) : en conséquence, rien n'interdit a priori l'extension de la loi de 2004 sur l'interdiction des signes ostensibles à l'université. Par conséquent, j'étendrai la loi de 2004 à l'enseignement supérieur, car je veux faire de l'École et de l'Université "un asile inviolable où les querelles des hommes n'entrent pas", où les revendications communautaristes n'auront pas leur place.