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Michel Bénard (Google) : "Nous cherchons des acteurs qui s’attaquent à des problèmes à haut risque"

Propos recueillis par Cécile Peltier Publié le
Le géant de l’Internet, plébiscité par les jeunes diplômés, poursuit son développement en France. Après l’ouverture d’un centre de R&D à Paris, l’entreprise s’intéresse de près à l’enseignement supérieur hexagonal avec qui elle multiplie les contacts. Michel Bénard, "university relations manager" chez Google explique ce qu’il attend des établissements.

En quoi consistent vos missions ?

Michel Bénard - GoogleL’ouverture de mon poste coïncide avec le lancement par Google d’un plan d’investissement sur le territoire français [l’entreprise tait son prix, on sait seulement que l’achat du siège rue de Londres, à Paris, représente un investissement de 100 millions d’euros]. Il s’est traduit par la création d’un centre d’ingénierie et d’un centre culturel. Le bureau de Google en France emploie aujourd’hui près de 400 personnes !

Mon job consiste à tisser des liens privilégiés avec le monde académique et de la recherche français, avec trois visées principales :

Le recrutement. Nous cherchons à créer un climat propice au recrutement des talents, nombreux ici, en particulier dans le domaine des sciences exactes. Nous informons les étudiants sur les métiers proposés [techniques, mais aussi commerciaux et administratifs] et sur le moyen d’intégrer Google.

Le soutien à la recherche à travers des programmes tels que Google Research Awards, Doctoral Fellowship et Focused Award dans le domaine des computer sciences, du business, des humanités et du droit. Ces programmes d’une ou plusieurs années permettent d’aider des thésards, des postdocs ou des équipes de recherche.

Et enfin, cette action répond au souci de s’impliquer dans les activités éducatives, culturelles, scientifiques des pays où notre présence industrielle est forte.

 Le bureau de Google en France emploie aujourd’hui près de 400 personnes !

Un groupe comme Google, submergé par les demandes de candidature, a-t-il vraiment besoin d’aller démarcher les établissements ?

Oui, bien sûr ! Même si l’entreprise est extrêmement attrayante, il nous faut cibler précisément les profils recherchés, selon les équipes Google, mais aussi selon les lieux où Google est implanté [Paris, Zurich, Munich, Londres, etc.]. Nous avons sur ce sujet une mission importante d’information auprès des étudiants. Quand ils sont attirés par un poste, il est essentiel de leur dire qui fait quoi et où : une équipe travaillant sur YouTube et sur le Centre culturel se trouve plutôt à Paris, l’équipe planchant sur le projet Andromède [cloud computing] à Londres, celle sur le navigateur Chrome à Munich, etc.

Nous insistons aussi sur notre philosophie, fondée sur le dynamisme, l’ouverture et la créativité. Ce qui nous intéresse sont autant les connaissances des jeunes diplômés que leur manière d’aborder un problème.

Selon quel(s) critère(s) choisissez-vous vos établissements cibles ?

D’abord, il n’est pas inutile de rappeler que le terme "university", compris dans son acception anglo-saxonne, englobe bien sûr tous les types d’établissements d’enseignement supérieur français, grandes écoles, universités ou centres de recherche, entre lesquels nous n’établissons pas de hiérarchie a priori !

Nous sélectionnons d’abord les établissements avec qui nous entretenons des relations étroites en fonction des secteurs qui nous intéressent, notamment en computer sciences : Normal sup, Polytechnique, Télécom ParisTech, l’ENSIMAG à Grenoble, Paris 6, Paris-Sud ou les universités de Nancy et de Nice pour les computers sciences. Côté business, nous travaillons beaucoup avec HEC, avec qui nous venons de monter une chaire sur le e-business, l’ESSEC, l’EDHEC, l’ESCP Europe et dans le domaine des sciences humaines (sociologie et histoire) avec Sciences po et l’université de Tours.

Mais nous restons ouverts en permanence à de nouveaux partenariats. Le monde académique est en perpétuel mouvement. Nous commençons notamment à regarder du côté de l’e-education. Coursera.org, le programme de cours gratuits en ligne lancé par 18 universités autour de Stanford, est particulièrement impressionnant ! Nous allons également être attentifs à ce qui se fait en Europe dans ce domaine.

Quel type d’action privilégiez-vous pour rencontrer les étudiants ?

Nous préférons les contacts directs avec les étudiants et/ou les professeurs et l'administration afin de répondre à leurs questions. Les salons sont parfois intéressants, mais souvent moins ciblés.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans vos relations avec les établissements d’enseignement supérieur français ?

Chaque pays a ses spécificités. Cependant, les sigles, acronymes et nomenclatures de l’enseignement supérieur et de la recherche sont particulièrement complexes et intriqués, ce qui n’est pas toujours facile à aborder pour quelqu’un comme moi qui ai fait toute sa carrière à l’étranger… En Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie, les établissements sont plus grands et leur dénomination plus lisible au niveau international.

Mais, contrairement à ce qui se dit souvent, je n’ai pas trouvé qu’il était particulièrement difficile d’entrer en contact avec les universités et centres de recherche français. Quel que soit l’établissement, la rencontre passe par un professeur ou un chercheur menant des travaux sur une problématique qui nous concerne.

Quels conseils donneriez-vous à une école ou une université française désireuse de se rapprocher de Google ?

Primo, identifier qui travaille dans les secteurs qui nous intéressent et valoriser l’approche internationale.

Deuzio, être ambitieux ! Nous cherchons des acteurs qui s’attaquent à des problèmes à haut risque. Les petites améliorations ne nous intéressent pas ! Inversement, quelqu’un qui nous dit "je réfléchis à un projet qui ne marchera peut-être que dans trois ans ou jamais" retiendra notre attention…

Par exemple, nous avons répondu positivement à une proposition soumise par l’INRIA sur un projet de recherche portant sur la vision par ordinateur (computer vision). Il s’agit, grâce à une caméra filmant une salle de réunion, de réussir à détecter des personnes qui se lèvent ou qui sortent. Dit de cette manière, cela paraît simple, mais en réalité, c’est très compliqué.

Dans le même esprit, un autre projet mené avec Paris-Sud et l’INRIA devrait permettre de visualiser les données brutes d’un graphique avec des options différentes selon l’interlocuteur à qui l’on s’adresse.

Enfin, dernier conseil : prendre connaissance des programmes que nous soutenons et des partenariats que nous avons déjà noués, via notre site Internet, et ne pas hésiter à nous contacter !

Google est récemment entré dans la gouvernance de Télécom École de management ? Quel est l’intérêt de cette démarche, et comment va-t-elle se traduire dans les faits ?

L’entrée de Google dans la gouvernance de Télécom École de management s’inscrit dans la lignée de sa participation à la Fondation Télécom dont nous sommes membres depuis décembre 2011.

Cette participation est l’occasion d’un échange d’idées, d’un soutien à la recherche et, dans le cadre du think thank de la fondation, d’une rencontre avec d’autres acteurs comme France Télécom, Orange, SFR, Alcatel et BNP Paribas.

S’agissant de Télécom École de management, je représenterai Google, au côté de sept autres entreprises [Alcatel Lucent, BNP Paribas, EADS, Deloitte, Linagora, Orange et Vivendi] au sein de l'advisory board de l'école. Il s’agit d’un organe consultatif qui permet aux dirigeants de cette dernière de recueillir des avis du secteur industriel sur l’évolution du business et des technologies.

L’expertise business et humanités de l’école, appliquée au secteur très spécifique des télécoms, en lien avec l’Internet intéresse Google. Nous souhaitons étudier de nouveaux business models du numérique, comme pour l'Internet des objets [la connexion d’objets usuels sur Internet] ou la monétisation des réseaux sociaux.

Michel Bénard, ingénieur diplômé de Télécom Paris, a rejoint voilà presque deux ans Google en tant que university relations manager, en charge de la France, de l’Allemagne et de la Suisse. Une fonction qu’il connaît bien pour l’avoir occupée notamment chez Hewlett Packard au cours d’une carrière internationale dans l’industrie (IBM, Apollo Computer et HP).
Propos recueillis par Cécile Peltier | Publié le