Malgré un contexte économique difficile et dans une période agitée pour les business schools, vous venez de présenter un plan de développement ambitieux...
Nous sommes en effet engagés dans une dynamique de croissance. Nous sommes aujourd'hui à 6.200 étudiants et 87 millions d'euros de budget annuel et nous pensons atteindre 7.500 étudiants et un budget de 150 millions d'euros à l'horizon 2020. Nous avons adopté un modèle atypique, indépendant, qui nous permet d'innover sur nos différentes activités, tout en gardant le cap sur notre priorité, qui est d'être utiles à l'entreprise, comme le souligne notre slogan "Edhec for Business".
Avec cette croissance de vos effectifs, estimez-vous que vous aurez atteint la taille idéale ?
Le chiffre de 7.500 élèves n'est pas un objectif en soi, mais plutôt le résultat de notre croissance actuelle. Plusieurs de nos grands concurrents étrangers affichent des chiffres similaires – autour de 5.000 à 6.000 étudiants en bachelor, et 2.000 à 3.000 en master, soit 7.000 à 9.000 étudiants en tout.
Une école généraliste doit pouvoir offrir une quinzaine d'options en dernière année, avec pour chacune environ 80 inscrits. Cela représente des promotions d'environ 1.200 élèves. C'est pourquoi nous voulons renforcer notre faculté pour dépasser 200 professeurs contre 142 aujourd'hui.
Serez-vous un jour en mesure de rejoindre, voire de dépasser HEC, leader incontesté dans l'Hexagone ?
Nous avons beaucoup de respect pour HEC. Nous n'avons pas le même modèle. Il nous arrive d'être devant HEC sur certains domaines comme la finance. Nous voulons avant tout être l'école la plus reconnue pour son impact sur l'économie. Cela a plus de valeur pour nous que les classements. Les classes prépas, par exemple, sont classées sur leur taux d'admission à HEC. De même, les classements réalisés sur la base des publications académiques ne me paraissent pas assez pertinents. Quel est l'impact réel de toutes ces "étoiles" sur l'économie et les entreprises ?
Nous voulons avant tout être l'école la plus reconnue pour son impact sur l'économie.
Vous critiquez aussi le système Sigem commun aux écoles de commerce pour l'intégration des élèves de classes préparatoires. Que lui reprochez-vous ?
Sigem est une superbe machine qui a simplifié la vie des candidats et des écoles. Mais c'est une machine qui fige les positions des écoles les unes par rapport aux autres. C'est pourquoi l'Edhec a mis sur pied son propre concours pour les admissions parallèles et internationales. Cela nous permet de recruter selon nos critères des étudiants qui nous choisissent pour nos valeurs et nos spécificités.
Les classes préparatoires sont un vivier d'excellents candidats, mais ce n'est plus le seul. De très bons étudiants (mention TB au bac) préfèrent aujourd'hui les écoles postbac ou les filières universitaires courtes qui leur permettent ensuite d'intégrer une école de commerce via les admissions parallèles ou de poursuivre en master à l'étranger. D'autres très bons étudiants préfèrent démarrer leurs études par un bachelor à l'étranger, mais aussi en France.
Vous avez évoqué l'idée de réduire vos frais de scolarité. Comment comptez-vous y parvenir ?
Nous en sommes à 41.000 € pour les trois ans du master. C'est important, même pour des familles aisées. La hausse des frais de scolarité atteint une limite. La première action évidente est de développer les bourses : l'Edhec y consacre 4 millions d'euros sur son budget propre. Il faudrait sans doute doubler ce montant d'ici à cinq ans. Ensuite, comme dans l'économie réelle, nous devons travailler à la baisse de nos coûts pédagogiques. L'Edhec a ouvert la voie en finançant une part significative de sa recherche par du sponsoring d'entreprises. Notre modèle d'enseignement va aussi évoluer. Beaucoup d'informations, voire de cours, seront en accès libre et gratuit. Notre rôle d'éducateurs et de pédagogues va s'en trouver renforcé.
L'Edhec a ouvert la voie en finançant une part significative de sa recherche par du sponsoring d'entreprises.
De plus en plus d'étudiants sont attirés par l'innovation et la création de start-up. Pourrez-vous continuer à former à la fois des managers pour les grandes entreprises et de jeunes créateurs ? Est-ce le même métier ?
Ce n'est pas le même métier – même s'il existe de nombreuses zones de recoupement – mais nous devons former les deux profils. C'est un challenge pour nos écoles. Nous devons offrir à nos élèves l'environnement et les conseils nécessaires à l'éclosion de leurs projets. De plus en plus d'étudiants rêvent de vivre une aventure entrepreneuriale. Notre incubateur (Edhec Young Entrepreneurs), ouvert il y a trois ans, héberge plus de 60 firmes créées par nos diplômés. Il y a dix ans, cela aurait été impensable.
Nous allons devoir repenser nos espaces pédagogiques – par exemple, pour permettre aux étudiants de travailler en équipes sur leur projet. Peu à peu, les amphis traditionnels et les salles de cours vont être remplacés par ces espaces nouveaux, inspirés des "Fab Lab" d'outre-Atlantique. Nous devons aussi travailler sur la prise de risques et la notion d'échec, plus précisément d'utilité de l'échec comme étape sur le chemin de la réussite, pour que le droit au rebond devienne une réalité dans l'Hexagone.