Comment travaillez-vous au quotidien à l'université du Piémont oriental ? Quel type de relations établissez-vous avec les journalistes italiens ?
Avec le web 2.0, on a assisté à la multiplication des sources d'information. Le rôle des intermédiaires a été remis en cause. Dans ce contexte, il fallait modifier les "produits de presse" et les manières de communiquer. Les nouvelles règles pourraient être les suivantes : ne plus envoyer de communiqués mais maintenir une relation constante avec les journalistes ; écrire des textes qui n'attirent pas seulement les journalistes, mais directement le grand public ; disséminer des liens qui mènent vers le site web de notre organisation ; optimiser les moteurs de recherche; publier une avalanche de messages sur les réseaux sociaux. En un mot, si les internautes nous trouvent facilement sur le web, ils vont nous suivre et nous lire tout aussi facilement.
Pensez-vous que le monde des relations presse est en train de radicalement se transformer ?
Oui et non. On doit changer la boîte à outils, probablement la mentalité, mais la compétence principale du chargé de communication ou du journaliste restera toujours celle de savoir écrire. On doit être capable d'utiliser des compétences et des techniques nouvelles, mais on ne peut pas se débarrasser de cet art délicat de la compréhension, des nuances, de cette capacité à voir à travers les murs, qui caractérisent notre métier. Nous devons être des managers, des stratèges, mais nous ne devons jamais abandonner la créativité et, pourquoi pas, la poésie !
Nous devons être des managers, des stratèges, mais nous ne devons jamais abandonner la créativité et, pourquoi pas, la poésie !
Quelle est votre vision du travail d'un responsable presse, aujourd'hui ? Existe-t-il des spécificités italiennes ?
Le problème historique de l'Italie et des pays méditerranéens réside dans le manque de formation des professionnels de la communication. Il y a encore des personnes qui sont embauchées sans rien connaître du monde de la communication et de la presse ! Certains collègues ne s'intéressent qu'aux sites web, aux réseaux sociaux ou aux histoires "faciles à vendre". Cela nourrit la pléthore d'applications étranges et les outils fantaisistes qui nous réduisent, nous les communicants, à des saltimbanques de la communication ! Le chargé de com universitaire, au contraire, doit être un stratège de la connaissance "en réseau", produisant un ensemble d'idées, d'informations et de contenus. Ainsi, le communicant est le personnage clé de l'université. Il est celui qui connaît parfaitement la hiérarchie des prises de décision ; il est celui qui élabore le plan de communication, ce document précieux visant à poursuivre la mission de l'établissement. Le tout, en réseau : réseau de contacts et réseau digital.
Avez-vous récemment mis en place un événement ou une campagne de communication dont nous pourrions nous inspirer, ici en France ?
Dernièrement, nous avons entièrement repensé la communication externe, de la marque aux événements. Notre grand succès a été le "Graduation Day", une cérémonie de remise des diplômes inspirée du modèle anglo-saxon. Un événement plutôt traditionnel mais totalement revisité d'un point de vue sociologique, ethnographique même. Les résultats ont dépassé toutes nos attentes, il y a eu une belle couverture presse. D'ailleurs, je suis persuadé que, pour rassembler nos communautés, nous devons agir comme des "anthropologues-géolinguistes" : réunir, interpréter et transmettre des données à la communauté à laquelle nous souhaitons parler, dans un lieu donné, avec une langue donnée. Plutôt qu'étudier une façon commune d'agir, nous devrions revenir à nos communautés, qui détiennent leurs propres valeurs culturelles.
Pour rassembler nos communautés, nous devons agir comme des "anthropologues-géolinguistes".
Les relations presse en Italie sont-elles très différentes de celles des autres pays européens et notamment de la France ?
J'ai l'impression que l'Italie et la France partagent la même mentalité et la même approche historique dans la gestion des relations presse. Cela dit, la France a probablement commencé avant nous le processus de professionnalisation des chargés de communication.
Au cours de mes voyages dans les universités européennes, j'ai pu constater un écart important entre les pays du Nord et les pays du Centre-Sud, pas seulement du point de vue de la communication. L'Europe du Nord a développé un modèle d'"université entrepreneuriale" : une institution qui contribue au développement d'une économie basée sur le savoir. Il existe aussi le modèle appelé "Businversity": une institution orientée vers le profit, qui entretiendrait des relations avec le territoire parce qu'il est une excellente source de financement. À l'inverse, en Europe du Sud, l'université est encore considérée comme une "gardienne" de la connaissance. Il semble que le modèle humboldtien ou napoléonien n'a jamais cessé d'exister. Les universités participent au développement économique du territoire tout en poursuivant leur mission traditionnelle d'enseignement et de recherche.
Selon moi, aucune des deux approches n'est tout à fait appropriée. La tendance devrait être celle d'établir un campus engagé : une communauté au cœur du modèle de gouvernance et de communication ; une institution ouverte au dialogue et à la coopération. Bref, l'université serait comme un citoyen avec ses droits et devoirs. Grâce à cette stratégie, elle pourrait jouer un rôle politique, en appui des gouvernements, et devenir un agent de changement social. C'est d'ailleurs le rôle qu'Alexander von Humboldt considérait comme prioritaire. La conséquence de ce modèle sur le travail des chargés de communication est évident. Jamais nous n'oublions que nous sommes des personnes qui travaillent pour d'autres personnes.
Paolo Pomati est directeur de la communication à l'université du Piémont oriental, fondée en 1998 et installée sur trois campus (Vercelli, Novara et Alessandria). De 2008 à 2012, il a été président d'Euprio, l'association européenne des chargés de communication d'université. Il est également journaliste et écrivain (auteurs de romans, articles, essais, guides...).