Estimez-vous, comme certains responsables d'écoles de management, que le gouvernement mène actuellement une politique qui fait du tort à vos écoles ?
Par nature, je ne suis pas paranoïaque ! Qu'on ait un gouvernement qui soit plus proche des universités que des écoles, ce n'est pas un scoop. Mais aucune discipline de l'enseignement supérieur français n'a d'aussi bon classement que les écoles de gestion françaises. Et le gouvernement n'y est pas complètement insensible.
La vraie question pour nous est de savoir comment faire en sorte que nos écoles continuent de s'affirmer dans la compétition internationale au rang qui est le leur. Nous devons faire en sorte que cela perdure alors que l'argent public sera plus rare demain.
A la fin du mois de juillet, doit être examiné à l'Assemblée nationale le projet de loi Mandon sur la simplification de la vie des entreprises. L'article 28 doit permettre aux CCI de créer des entités autonomes de droit privé pour la gestion de leurs écoles d'enseignement supérieur (EES). Est-ce une réforme que vous saluez ?
Oui, et c'est là qu'on voit que le gouvernement ne nous en veut pas tant que ça ! Il tient à ce que la France ait des écoles de calibre mondial comme les nôtres. Ce texte de loi va nous donner la possibilité de changer le statut de toute école consulaire d'enseignement supérieur allant jusqu'à bac+5, pas seulement les grandes écoles de commerce. Une école d'ingénieurs ou tout type d'école pourra donc aussi y passer. Ce nouveau statut a été baptisé EESC pour Etablissement d'enseignement supérieur consulaire.
Quelle portée aura ce texte de loi pour vos écoles ?
Ce statut va offrir la possibilité aux écoles de se doter d'une personnalité morale et d'un cadre juridique plus pratique que les associations loi de 1901. Un changement qui leur donnera de véritables capacités de gestion. Des business schools comme HEC, l'ESSEC ou l'ESCP ont des budgets qui atteignent la taille d'une grosse PME, entre 80 et 120 millions d'euros. Mais actuellement, comme elles sont un service de la Chambre de commerce, elles subissent la lourdeur administrative de la Chambre.
Trop de choses remontent dans mon bureau parce que, juridiquement, je suis le mandataire social ultime. Pourtant Bernard Ramanantsoa, le directeur d'HEC, possède toutes les compétences pour signer lui-même les contrats ! Aujourd'hui, l'école voudrait se financer en montrant ses actifs et un bilan bien équilibré, elle ne le pourrait pas. Demain, avec le nouveau statut, elle aura son propre bilan. Dès lors, cela lui donnera une capacité financière différente.
Ce nouveau statut va donc permettre aux écoles de se financer plus facilement ?
Oui. Nos écoles auront une autonomie de fonctionnement et une structure juridique propre qui leur donneront la possibilité d'élargir plus facilement leurs sources de financement. De nouvelles marges de manœuvre qui leur donneront des armes dans la compétition mondiale. Des grands donateurs ou toute partie prenante à un programme de développement ou de recherche viendront aussi plus facilement vers une instance bien déterminée au sein de laquelle ils peuvent siéger, via un conseil ou des commissions spécialisées.
Le campus d'HEC à Jouy-en-Josas
Ce nouveau statut ne cache-t-il pas une privatisation déguisée des écoles ?
Non. Nous ne vendons pas les bijoux de famille ! Il ne s'agit pas de privatiser les écoles. Ces dernières – sous le statut EESC – seront interdites de distribution de dividendes, selon le texte de loi. De plus, la Chambre de commerce conservera au moins 51% du capital. Et aucun actionnaire minoritaire ne pourra détenir plus de 33%, donc il n'existera pas de minorité de blocage.
Quel sera alors le rôle des Chambres de commerce dans la gouvernance des écoles qui auront adopté ce nouveau statut ?
Nous jouerons un rôle de garant autant moral et académique que financier. Vous constaterez que les institutions qui vont bien en ont toujours un : une fondation ou une grande université dans le monde anglo-saxon.
Cette réforme poussera les écoles à l'innovation, à bien définir leurs territoires : l'ambition mondiale pour HEC, la dimension européenne pour l'ESCP Europe, un développement particulier en Asie pour l'Essec. J'ajoute que nos écoles ont actuellement trois excellents systèmes d'alliance : HEC avec l'université Paris-Saclay, ESCP-Europe avec Hésam, l'Essec avec Centrale Paris. Nos écoles sont de moins en moins isolées et marchent de mieux en mieux en écosystème.
"Nous avons décidé que l'histoire s'arrêtait là d'un accord mutuel." C'est ainsi que Pierre-Antoine Gailly évoque le départ d'Edouard Husson de la direction de l'ESCP Europe.
Qui sera son successeur ? "Rien n'est encore décidé", assure le président de la CCI Paris Ile-de-France. "Après le départ d'Edouard Husson, nous avons immédiatement lancé une procédure de recrutement. Nous avons respecté les formes avec un comité de sélection ouvert y compris aux anciens et aux enseignants de l'école. Ce comité rendra ses propositions d'ici à la fin du mois de juillet après consultation des personnalités qualifiées (du monde des affaires comme du monde académique), du corps professoral, des alumni, etc."
Quant aux rumeurs de fusion entre les écoles de la Chambre, Pierre-Antoine Gailly les dément catégoriquement : "Toutes sortes de folles rumeurs ont couru, qui changeaient chaque 24 heures et de nature et de contenu sans qu'on s'en explique ni la source ni le bien-fondé. Il n'a jamais été question de marier l'ESCP avec Novancia ni avec HEC."