Quelle est la nouveauté proposée par les ESPE par rapport aux IUFM ?
Cette réforme n’était pas complètement imprévisible. Elle se place dans la continuité de la loi de 1989 qui instaurait les IUFM mais elle situe la formation des enseignants dans un cadre universitaire plus affirmé (celui des masters tout en signalant qu’il s’agit d’une formation professionnelle).
Par rapport aux IUFM, la formation dispensée par les ESPE sera plus cadrée. Elle l’était déjà pour la préparation au professorat des écoles, elle le sera désormais un peu plus qu’elle ne l’était pour la préparation à l’enseignement secondaire. Toutes ces formations devront intégrer une préparation réelle à l’exercice du métier d’enseignant, même si chaque ESPE sera libre d’interpréter le contenu des cours.
La deuxième année sera une année de formation en alternance. Concernant les cours, la nouveauté, je la vois dans la place accordée à l’accueil des handicapés, la prise en compte du numérique dans l’enseignement, le fait que la formation devra s’appuyer sur les résultats de la recherche. La formation devra aussi rendre les futurs enseignants conscients que l’enseignement est porteur des valeurs de la République.
La formation présentera aussi des éléments d’histoire des disciplines scolaires. Les futurs enseignants sauront ainsi pourquoi telle notion a été retenue par les programmes d’enseignement et pas une autre, pourquoi on préconise telle méthode actuellement, alors qu’on préconisait d’autres méthodes autrefois. Cela leur permettra de prendre un peu de distance et de comprendre que l’enseignement qu’ils dispenseront évoluera lui aussi.
Quels sont les problèmes qui restent à régler ?
La structure administrative de l’ESPE reste un peu batarde, hybride. Dans la plupart des académies, il y a plusieurs universités, et ces universités sont souvent en concurrence entre elles. Or, pour favoriser la cohérence de la formation des enseignants, il a été décidé qu’il n’y aurait qu’une seule ESPE par académie. L’ESPE sera donc une composante de l’une des universités de l’académie, et d’une seule d’entre elles (sauf dans le cas où elles sont déjà regroupées).
Cela pose de gros problèmes car plusieurs universités de la même académie peuvent avoir vocation à former des enseignants. Il faut donc trouver des accords pour ne pas dépouiller les universités – et en particulier les universités de sciences humaines – des étudiants qui veulent faire un master menant à l’enseignement. Cela suppose des accords sur le financement, sur les inscriptions, sur la gouvernance de l’ESPE.
Des questions complexes, et très différentes d’une académie à l’autre.
Il n’y a pas eu de réglementation nationale à ce sujet. Le contexte et la la loi qui régit les établissements universitaires ne permettaient pas non plus que soient créées des hautes écoles pédagogiques ou des facultés d’éducation indépendantes des universités comme cela se fait dans d’autres pays. La situation administrative est donc bien compliquée !L’un des points noirs concerne le manque de continuité entre les deux années de formation.
La structure administrative de l’ESPE reste un peu batarde, hybride
Quels sont vos regrets ?
J’aurais aimé qu’on change les concours de recrutement et que ces concours ne se contentent pas de vérifier la maitrise des savoirs disciplinaires. Cette maitrise est une condition sine qua non, mais le concours doit aussi vérifier que les futurs enseignants se positionnent non plus seulement comme des étudiants, mais déjà comme des adultes qui vont bientôt être chargés d’assurer des enseignements.
Par exemple, on peut attendre d’un futur professeur des écoles que non seulement il maitrise l’orthographe, mais aussi qu’il soit capable de réperer les erreurs d’orthographe des élèves, de les analyser, d’en identifier l’origine et de proposer des moyens pour les traiter de façon appropriée.
L’autre point noir concerne le manque de continuité entre les deux années de formation. Ainsi, un étudiant préparera son concours à Paris en master 1, et fera son master 2 dans l’académie où il a été reçu. C’est un peu dommage. C’est pourquoi il est si important que le programme soit le même quelle que soit l’académie.
Créées dans chaque académie, les nouvelles ESPE ouvriront à la rentrée 2013. Les enseignants bénéficieront désormais d'une formation sanctionnée par un master "Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation" (MEEF) dans le cadre d’un cursus de deux années d’études post-licence.
En 2010, l’année de stage pour les futurs enseignants avait été supprimée. Désormais, les lauréats du concours ne seront plus plongés dans le grand bain sans préparation. Leur intégration dans les classes sera plus progressive. En master 2, ils suivront une formation d’un an articulant des enseignements théoriques et pratiques et des stages d’observation.
Outre l’enseignement disciplinaire, l’accent sera mis sur les méthodes pédagogiques innovantes (et notamment le numérique), l’ouverture à l’international, la gestion de conflits, la prise en charge des élèves handicapés, et la lutte contre les discriminations.
Former les enseignants de la maternelle à l’université
Durant la première année de formation, le volume horaire d’enseignement sera de l’ordre de 450 à 550 heures annuelles. Pendant la deuxième année de formation, soit le cursus "alternance – éducation nationale", le volume horaire d’enseignement sera compris entre 250 à 300 heures annuelles.
Les enseignants seront des formateurs, universitaires, personnels de l’Education nationale, inspecteurs, intervenants issus de l’éducation populaire, de l’éducation culturelle et artistique, de l’éducation à la citoyenneté, etc. Les missions des ESPE sera de former les enseignants de la maternelle à l’université, mais aussi l’ensemble des professionnels de l’éducation. Ils seront aussi le lieu principal de la formation continue des enseignants.