La décision du Conseil d’État du 10 février 2016 pose l'illégalité de la sélection en master, en l’absence d’un décret établissant la liste des formations pouvant sélectionner. Vous avez annoncé vouloir prendre ce texte réglementaire. Que contiendra-t-il ?
Cette décision du Conseil d’État apporte un cadre juridique qui nous permettra de sécuriser la situation des universités et des étudiants, dès la prochaine rentrée. Nous préparons un décret qui listera les formations de master 2 concernées. Et ce, en liaison avec la CPU (Conférence des présidents d’université), qui fera un inventaire précis des masters 2 qui, aujourd’hui, sont sélectifs.
Il s’agit de se conformer à l’existant : nous n’irons ni plus loin, ni moins loin. La sélection en master ne va ni augmenter, ni diminuer.
Ce décret garantira-t-il aussi le droit à la poursuite d’études d’un étudiant de master 1 dans au moins un master 2 de son université, comme le demande l’Unef ?
Le décret réaffirmera le droit de tout étudiant à poursuivre ses études en master jusqu'au terme de ce cycle.
Les présidents d’université, comme ils le font aujourd’hui, veilleront à ce que ce droit soit bien respecté. Mais rappelons que c’est déjà le cas : actuellement, il y a quasiment autant d’étudiants en M1 qu’en M2.
N’existe-t-il pas un risque d’instaurer un système à deux vitesses, entre des masters qui auront le droit de sélectionner et les autres, par là même dévalorisés ?
Nous ne créons aucune situation nouvelle. Rien ne change par rapport à ce qui se passe aujourd’hui, hormis que les universités ayant besoin de mettre en place des procédures spécifiques dans certains masters 2 pourront désormais le faire sans être dans l’illégalité.
Le gouvernement a rappelé, à de multiples reprises sous le quinquennat de François Hollande, son opposition à toute sélection. Prendre un tel décret remet-il en cause cette position ?
À l’université, nous défendons un principe de non-sélection. Cela n’empêche pas d’avoir des exceptions dans certaines filières qui le nécessitent, comme celles menant à des professions réglementées. Il n’y a donc aucun changement dans la philosophie que nous portons. Nous avons des principes, mais nous sommes pragmatiques.
Pourquoi ne pas intervenir à l’entrée du master, ce dernier étant, depuis la réforme LMD (licence, master, doctorat), un cycle à part entière dans lequel vous introduisez une coupure ? Valérie Pécresse dénonce à ce propos une décision "ubuesque"…
Le décret a vocation à résoudre un problème urgent. Bien sûr, il ne permettra pas de régler toutes les questions qui se posent autour du master. En effet, il faut que le passage de la licence au master devienne un moment d’orientation mieux organisé qu’aujourd’hui. Des réflexions sont en cours sur le sujet, elles vont se poursuivre.
Quant à Valérie Pécresse, j’imagine qu’elle s’applique à elle-même ce qualificatif, puisque le master fonctionnait déjà de cette manière lorsqu’elle était ministre.
Ce qui nous différencie le plus fortement de la droite, c’est notre position par rapport aux droits d’inscription
Existe-t-il encore de véritables différences entre la droite et la gauche concernant la politique universitaire ?
Oui, et elles sont nombreuses ! Ce qui nous différencie le plus fortement, c’est notre position par rapport aux droits d’inscription.
Nous portons l’ambition d’une démocratisation exigeante de l’enseignement supérieur, en vue d’un élargissement du nombre d’étudiants et de leur réussite. En conséquence, nous sommes persuadés que les droits d’inscription à l’université doivent demeurer faibles. Contrairement à la droite, qui propose elle de résoudre les besoins financiers des universités avec une augmentation massive des droits d’inscription. Toutes les études montrent pourtant que cela engendre une forte dissuasion pour la poursuite d’études des plus défavorisés.
Nous n’avons pas non plus la même vision de l’autonomie des universités. La droite l’a limitée le plus possible – à la stricte gestion des dépenses. Elle ne leur a pas donné d’autres pouvoirs. À l'inverse, nous pensons que cette autonomie doit être bien plus forte, sur la gestion de l’immobilier par exemple, ou encore sur le lien avec les entreprises. Nous faisons confiance aux universités dans leur capacité à se moderniser et à se développer, quand on leur en donne les moyens.
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- Frédéric Dardel : "On va créer des disciplines à deux vitesses" (LesEchos)
- Sur le blog de Didier Delignières : Tanguy va à l’université
- Sur le blog de Yann Bisiou : Sélection en master : quelles conséquences en dehors des universités?