En janvier 2013, vous avez succédé à Mostafa Fourar, un recteur qui ne faisait pas l’unanimité auprès des syndicats. Quelle était l’ambiance générale à votre arrivée ?
L’académie avait sans doute besoin de relancer le dialogue social. C’est pourquoi j’ai rencontré les représentants des organisations syndicales, les fédérations de parents d’élèves et l’ensemble des partenaires et des élus. L’initiative a surpris et a été appréciée. Il est vrai qu’il est plus facile d’entamer ces démarches quand on arrive avec quelques centaines de postes à créer. Ce qui est le cas.
Qu'est ce qui vous a le plus surpris, en rejoignant cette académie de la Réunion ?
Sans aucun doute l’importance accordée au fait éducatif. Que ce soit dans les médias ou chez les députés, il y a une connaissance extrêmement fine et partagée des dossiers. Une grande majorité des élus sont d’anciens enseignants, très sensibles à ces questions.
Est-ce là un avantage ou une difficulté ? Vous êtes sans aucun doute attendu au tournant…
Il y a une très forte attention, c’est certain. Et cette attention se transforme en pression ! Les dossiers donnent lieu à de vives discussions. C’est par exemple le cas sur le sujet du calendrier scolaire. Le débat national pose la question du rythme hebdomadaire.
Mais à la Réunion, la problématique est toute autre : elle concerne le calendrier annuel. Faut-il passer à un calendrier climatique, qui fixerait les vacances scolaires durant la période cyclonique (janvier-février) ? C’est un dossier qui fait régulièrement la Une des journaux locaux.
Chaque académie a ses spécificités. Quelles sont celles de la Réunion ?
Il existe un certain nombre de décalages entre la situation insulaire et les moyennes nationales. Sur le plan scolaire, les évaluations en classe de CM2 sont par exemple situées dix points en dessous de la moyenne nationale. Autre chiffre : 60% des moins de 25 ans sont au chômage. Sur l’île, l’école a une fonction très particulière : les familles perçoivent cette institution comme l’unique ascenseur social.
Mais à côté de cela, et c’est un paradoxe, les Réunionnais se contentent d’atteindre des ambitions qui sont relativement en deçà de leur potentiel réel. Il existe une sorte de plafond de verre. Un indicateur marquant de ce phénomène est la place importante accordée à l’enseignement professionnel. Cette voie est saturée alors que beaucoup de jeunes pourraient s’engager dans d’autres filières. Il faut arriver à redonner aux jeunes la fierté d’aller plus loin et de dépasser leurs limites.
Quitte à quitter l’île ?
Nous travaillons en effet sur la problématique de la mobilité, avec notamment des conventions de partenariat signées avec des établissements de la métropole mais aussi d’Europe. Les jeunes Réunionnais se projettent très peu vers l’extérieur. Ce qui les pousse à choisir à l’université une filière par défaut, avec pour conséquence directe un taux d’abandon en première année très important.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez le plus activement depuis votre prise de fonction ?
La réussite de la réforme en cours est la priorité, avec trois thèmes particulièrement sensibles : les rythmes scolaires, le nombre de maîtres et la scolarisation des moins de trois ans. Lors de la prochaine rentrée [16 août 2013], 149 postes seront créés dans le premier degré. 59 emplois d’avenir sont également programmés [40 dans le premier degré, 19 dans le second].
En ce qui concerne la scolarisation des moins de trois ans, nous sommes actuellement à 400 enfants. Mon objectif est de tripler ce nombre d’ici deux ans.
60 à 80% des enfants ont pour langue d’usage au sein de la structure familiale le créole. Une dimension à prendre en compte dans la formation des enseignants.
Autre dossier important, celui des ESPÉ (écoles supérieures du professorat et de l’éducation). Votre académie compte une seule université, ce qui semble simplifier le débat...
C’est plus simple en apparence… mais extrêmement sensible en réalité. C’est pourquoi j’ai mis en place un groupe académique début février, auquel s’ajoutent trois groupes de travail, qui planchent sur les questions de gouvernance de la future structure, de l’offre de formation et du modèle économique.
Les spécificités insulaires rendent le travail complexe. Par exemple, le bâtiment qui abrite l’IUFM appartient au conseil général. Ce dernier veut récupérer les lieux. La future ESPÉ n’a donc pour le moment aucune infrastructure d’accueil. Autre point important : 60 à 80% des enfants ont pour langue d’usage au sein de la structure familiale le créole. Une dimension à prendre en compte dans la formation des enseignants.
- La biographie de Thierry Terret