Dans quel contexte s'inscrit ce projet de fusion entre votre école, Télécom ParisTech, et Télécom SudParis ?
Dans le cadre de la construction de l'Université Paris-Saclay, les établissements membres se retrouvent à un moment charnière : il est désormais nécessaire que chaque membre exprime sa vision de la place qu'il veut avoir dans Saclay. Si, par exemple, certains n'envisagent pas de se fondre dans l'UPSaclay, qu'ils disent comment ils veulent continuer de participer au projet et sous quelle forme.
En ce qui concerne notre école, notre position est claire : nous voulons pérenniser notre place dans Saclay et apporter à cet ensemble une composante numérique forte. C'est ce projet de contribution que nous allons formuler. Nous voudrions faire de notre école une école vocationnelle, comme l'est par exemple l'ISAE-Supaero. Il faut que les jeunes la choisissent parce qu'ils savent que c'est là où l'on apprendra à "transformer le monde" grâce au numérique.
De plus, dans le mois qui vient, nous allons passer en irréversibilité de construction en ce qui concerne notre futur bâtiment, à Saclay : nous allons signer le protocole de vente des locaux de la rue Barrault à la régie immobilière de la Ville de Paris. L'attribution des marchés pour les travaux à Saclay est également en passe d'être finalisée. Nous serons donc certains d'être colocalisés avec Télécom SudParis, cette dernière installant dans nos locaux une partie de ses équipes de recherche. La fusion devient donc pertinente.
En quoi cette fusion aiderait-elle à construire un pôle numérique fort ?
Le rapprochement entre les deux écoles permettrait d'augmenter notre puissance de feu, de mieux couvrir tous les pans de l'économie impactés par le numérique : santé, transport, alimentation, énergie, éducation, etc.
Depuis plusieurs années, Télécom ParisTech fait évoluer son projet pour renforcer son implication dans ces domaines. Mais nous sommes désormais trop petits pour aller plus loin. Nos deux établissements sont en partie complémentaires. À deux, en additionnant nos forces, nous pouvons viser l'exhaustivité.
Les projets de rapprochement soulèvent toujours des points de crispation. Quels seront-ils ?
Les points sensibles sont différents selon la nature des publics. Mais, de façon très classique, la question du recrutement des étudiants se posera. Nous recrutons aujourd'hui sur deux concours différents : concours commun Mines-Ponts pour nous et concours Mines-Télécom pour Télécom SudParis.
Devra être aussi envisagée la rénovation du projet scientifique, qui ne peut se faire qu'au rythme du renouvellement du personnel.
De manière générale, nous devrons avoir la garantie que nous pourrons réinvestir dans l'école les économies d'échelle réalisées par la fusion. Tout cela demande du temps, la maturation est essentielle. Il faut bien garder en tête qu'une fusion est le projet le plus collectif qu'une école ait à faire.
Nous devrons avoir la garantie que nous pourrons réinvestir dans l'école les économies d'échelle réalisées par la fusion.
Plusieurs écoles de l'Institut Mines-Télécom se sont lancées dans cette voie, à l'image de Mines Nantes et Télécom Bretagne ou de Mines Douai et Télécom Lille. Des modèles à suivre ?
Plusieurs établissements ont ouvert la voie ces dernières années, en effet. Le dossier de Mines Nantes et Télécom Bretagne est intéressant par la proximité institutionnelle que nous avons avec ces écoles : nous allons, comme elles, être assistés d'un ingénieur du CGEIET et allons largement nous en inspirer.
D'autres fusions, à l'image de celle de l'Ensica et de Supaero il y a quelques années ou encore de celle de Centrale et Supélec, sont à regarder de près.
Mais tous ceux que le changement inquiète doivent se rassurer : sur l'"échelle de Richter de la complexité", ce projet de fusion me paraît plus simple que beaucoup d'autres...
- Lire la biographie EducPros d'Yves Poilane
- La lettre de mission envoyée par le CGEIET (Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies) aux directeurs des écoles.