La réforme LMD qui structure les programmes d'enseignement supérieur en trois niveaux (licence à bac + 3, master à bac + 5 et doctorat à bac+ 8) vise depuis 2002 à harmoniser les formations au sein de l'espace européen. […]
Si le doctorat "classique" qui mène à la carrière d'enseignant-chercheur est assez balisé, le doctorat à orientation professionnelle reste, en France, en marge des pratiques actuelles. Toutefois, face à l'évolution de l'environnement national et international, il est important de reposer les bases et les enjeux de ces diplômes voués à se multiplier et qui portent aujourd'hui à débat. Tant l'attractivité de notre système d'éducation que l'insertion professionnelle et le développement individuel tout au long de la vie sont en jeu.
En France, le système universitaire délivre des doctorats en sens strict du terme, c'est-à-dire correspondant à l'arrêté du 7 août 2006. De fait, certaines écoles délivrent des diplômes de PhD – le standard international – qui ne sont pas considérés par l'État français comme équivalents au doctorat universitaire.
En revanche, dans certains pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Liban, il existe une liste officielle des diplômes considérés comme équivalents du standard national (le PhD).
Qu'est-ce qu'une formation doctorale à orientation professionnelle ?
Une formation doctorale à orientation professionnelle est avant tout une formation de niveau doctoral. Elle s'appuie sur une démarche de recherche originale et fondée scientifiquement. Elle vise à développer une contribution en termes de connaissances dans un champ pratique (un métier, des situations spécifiées) ou un champ professionnel (une entreprise, un secteur, etc.).
Aujourd'hui, les modalités de réalisation de ces formations varient d'un établissement à l'autre. Cranfield Shool of Management (Royaume-Uni) assure principalement un accompagnement méthodologique de type 'tutorat' fondé sur le projet de recherche du participant, là où l'université Paris-Dauphine, par exemple, assure une cinquantaine de jours d'enseignement fondamental tant théorique que méthodologique.
Alors qu'une proportion significative d'une tranche d'âge obtient un diplôme d'équivalent master, que reste-t-il comme perspective de formation continue, sinon celle de viser le niveau doctoral ?
L'émergence massive des diplômes de niveau doctoral à destination des professionnels
Le développement des formations de niveau doctoral à orientation professionnelle découle de plusieurs tendances. D'abord, le niveau doctoral est un signal de plus en plus recherché par les recruteurs internationaux. La tendance est sensible dans le secteur privé où les doctorats en "sciences dures" sont particulièrement valorisés dans les grandes entreprises comme soubassement à l'innovation technologique.
Dans ce contexte, disposer d'un diplôme de niveau doctoral devient un gage de crédibilité. Le professionnel ayant obtenu un diplôme de niveau doctoral a déjà réalisé une recherche d'ampleur et développé des compétences au long de son parcours : prise de distance, remise en perspectives, analyse selon différents angles, doute scientifique, etc. Aujourd'hui, alors qu'une proportion significative d'une tranche d'âge obtient un diplôme d'équivalent Master, que reste-t-il alors comme perspective de formation continue, sinon celle de viser le niveau supérieur, c'est-à-dire le niveau doctoral ?
Les risques de non-maîtrise de la qualité
Notre système universitaire est conçu de telle sorte que la délivrance d'un diplôme de doctorat est régie par des règles nationales.
Dès lors, ces règles assurent un système d'attribution de doctorats d'une qualité relativement standardisée. Les autres diplômes (PhD, Doctorate in Business Administration, etc.) sont des diplômes d'établissement qui relèvent de la seule gestion des universités/écoles/organismes privés qui les proposent.
Ainsi, tous les établissements qui délivrent un diplôme avec le même intitulé n'ont ni les mêmes fondamentaux (niveaux de recrutement, volume et qualité des enseignements, etc.), ni les mêmes exigences de qualité pour la diplomation de leurs participants. Tel est déjà le cas de diplômes comme les MBA qui ne sont pas standardisés et ne comptent que par l'institution qui les porte.
Le risque est alors bien réel de voir des établissements qui braderaient le diplôme de niveau doctoral, principalement animés par des motivations économiques. En effet, si ces formations sont parfois sensiblement équivalentes au prix d'un master en école privée en France (de l'ordre de 7 à 10.000 euros l'année) elles peuvent atteindre plus de 120.000 dollars pour de nombreux programmes de trois ans aux États-Unis. Il convient alors au candidat de porter toute l'attention requise au choix de l'établissement et du programme.
Le risque est alors bien réel de voir des établissements qui braderaient le diplôme de niveau doctoral, principalement animés par des motivations économiques.
Quels bienfaits ?
Les formations de niveau doctoral ont de nombreux atouts à faire valoir. En premier lieu, elles permettent de produire des recherches en phase avec les problèmes concrets des praticiens. En effet, le point de départ de tout travail de recherche de niveau doctoral à orientation professionnelle est un questionnement issu du terrain. […]
Aussi, la réalisation d'une thèse de niveau doctoral permet-elle de développer les capacités réflexives des praticiens, dans le sens où ceux-ci ne développent plus le même rapport à la connaissance. Le doute scientifique est passé par là. Les points de vue sont plus nuancés, l'analyse se nourrit de perspectives variées, les croyances sont remises en cause, etc.
Ainsi, les formations doctorales à orientation professionnelle aident-elles les praticiens à appliquer les outils et méthodes de management avec plus de discernement et de capacité critique, gage, in fine, d'une meilleure efficacité.
Enfin, un autre aspect nous semble significatif : la recherche portée par les praticiens sert à légitimer la recherche portée par les académiques dans la société en général.
Le fossé entre le monde professionnel et celui de la recherche académique est souvent montré du doigt. La réalisation de travaux doctoraux par des praticiens nourrit une plus grande reconnaissance des travaux académiques au sein de cette même population, ainsi qu'une envie de partage de la connaissance scientifique, perçue comme particulièrement éclairante pour appréhender le problème empirique posé. […]