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Reportage

Écoles d'art : le workshop, un laboratoire pour apprentis artistes

Les étudiants de l'Ensad ont une semaine pour réussir leur premier workshop de l'année.
Les étudiants de l'Ensad ont une semaine pour réussir leur premier workshop de l'année. © Laura Taillandier
Par Laura Taillandier, publié le 04 octobre 2016
1 min

Le workshop – "atelier" en anglais – fait partie du vocabulaire et du quotidien des étudiants en formation artistique. En quoi consiste l'exercice ? Quelles sont les difficultés ? Reportage illustré à l'École nationale supérieure des arts décoratifs.

"Est-ce que vous auriez une bombe de peinture jaune ?" Ce jeudi 29 septembre 2016, dans les couloirs de l'ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs), à Paris, c'est l'effervescence. Aujourd'hui a lieu le premier workshop de la rentrée. Dans les salles de cours, et même à l'extérieur de l'établissement, les étudiants ont pris possession de l'espace pour travailler. Ils ont une semaine pour créer une œuvre originale sur un "dos bleu", une affiche grand format qui sera exposée dans les couloirs du métro parisien au mois de janvier 2017. 

Comme une semaine d'intégration

Pinceaux, pochoirs, tissus, vernis trônent sur les tables ou jonchent le sol, au pied des élèves. Il y a ceux qui ont opté pour le dessin, ceux qui travaillent la calligraphie ou encore ceux qui testent de nouvelles techniques de peinture. "Chacun a une façon d'interpréter l'exercice", relève Laurent Ungerer, à l'origine du projet. Pour l'enseignant en graphisme, ce workshop de rentrée est l'équivalent d'une semaine d'intégration mais avec la "touch" école d'art. "C'est l'occasion pour les 250 étudiants qui participent de travailler ensemble, par groupe de quatre ou cinq."

Un temps d'adaptation bienvenu pour Eliot et Odilon qui viennent de rejoindre l'école en 2e année après un BTS (brevet de technicien supérieur) de design graphique. Avec trois autres élèves, ils ont choisi de travailler sur cinq affiches autour de la calligraphie. "Nous avons tout de suite décidé de bosser ensemble. Nous avons senti dès les premiers échanges que nous avions les mêmes envies et que nous n'allions pas nous marcher dessus", explique Eliot.

Des étudiants utilisent la calligraphie et le pochoir lors du Workshop de l'Ensad

Plongée dans l'inconnu

Ce travail en commun stimule les étudiants. "Le workshop nous pousse à travailler en équipe, à voir d'autres choses et à être dans l'écoute", témoigne Eliot, très enthousiaste. Pourtant, l'exercice n'est pas simple. "Nous avons dû faire plusieurs recherches pour faire cohabiter nos styles graphiques. Cinq sensibilités différentes, ce n'est pas rien, on ne voit pas les mêmes choses", avoue Odilon. "Le workshop permet aux étudiants de découvrir d'autres techniques et d'aller vers quelque chose qui leur est inconnu, qu'ils n'ont pas l'habitude de faire", constate Laurent Ungerer. 

Un tuyau, de la peinture et une bâche

Dans la cour de l'école, Alexis, les mains dans la peinture, planche seul sur l'exercice. "Je suis un vrai tyran, il vaut mieux que je travaille seul...", glisse dans un sourire l'étudiant en 2e année de design d'objet. À l'aide d'un tuyau d'arrosage et d'une bâche, il expérimente l'hydropainting. "Cela fait quelque temps que je m'intéresse à cette technique pour créer des motifs", explique-t-il. "J'ai fait plusieurs expériences chez moi avec du vernis et de l'eau avant d'adapter l'exercice à plus grande échelle ici, avec de l'huile et de l'eau, que je saupoudre ensuite de peinture." 

Alexis Foiny a choisi de travailler sur le thème de l'hydro painting pour le Workshop de rentrée de l'Ensad

Tester la matière : une étape préalable

L'expérimentation s'avère d'autant plus nécessaire que les étudiants doivent faire face à des contraintes de matériaux. "Ils doivent vérifier beaucoup de paramètres pour répondre au projet. Ils ont dû tester la matière pour voir comment le papier réagissait à la technique utilisée, puis à la colle – étape necessaire pour être affiché dans le métro – et enfin s'il pouvait être plié", détaille Laurent Ungerer. Un atelier-labo a été installé dans l'une des salles de l'école pour permettre aux élèves de mener ces tests en lien avec les professeurs de design textile et matière. 

L'accident : un ami de l'étudiant

"Lors d'un workshop, il y a beaucoup de phases de recherche et d'expérimentation. Les premières fois sont assez déconcertantes car on se sent un peu lâché dans la nature. Puis l'inspiration vient et on se lance, témoigne Alexis qui s'est laissé deux jours pour réfléchir à la conception de son projet avant de se lancer. La réalisation est toujours intense et il faut du temps pour faire face aux imprévus", prévient-il. 

Pour Laurent Ungerer, c'est justement la gestion des imprévus qui donne de l'intérêt à cet exercice. "Les étudiants font des erreurs. Tout mon travail est de leur dire que l'accident est au contraire un ami et qu'il faut savoir s'en servir pour faire avancer le projet. Il rentre dans le processus de création."

Lire aussi : Écoles d'art : comment réussir votre rentrée en première année

Une course contre la montre 

L'enseignant arpente les couloirs de l'école pour distiller ses conseils aux étudiants dont les projets prennent forme. Jean et Caroline donnent les derniers coups de crayon à leur affiche. "Plus on avance sur notre projet, plus on a peur de le salir. Les traits sont beaucoup plus lâches au début", remarque l'étudiante en 2e année d'image imprimée. "La difficulté est de rester concentré sur l'ensemble du workshop et de ne pas perdre courage. C'est dur de savoir ce que cela va donner au bout de la semaine", ajoute Jean. 

Le projet de Caroline et Jean porte sur le portrait de famille et le dessin

Le propre d'un workshop est en effet sa durée bien déterminée. Trois jours, une semaine, voire deux... La "deadline" varie d'un atelier à l'autre, mais il faut à chaque fois jongler avec l'horloge. "Dans un workshop, les élèves se révèlent. Ils sont dans l'obligation de se jeter dans l'arène sans avoir forcément tout anticipé", constate Laurent Ungerer. "C'est stimulant, il y a une effervescence dans toute l'école. Il faut être dans l'action et se lancer vraiment", confirme Alexis. 

En revanche, l'étudiant devra attendre encore quelques mois avant de voir son travail exposé dans les couloirs du métro. "C'est le jour où cela deviendra vraiment intéressant, s'enthousiame Eliot. Avant, nous sommes dans le jus et nous avons peu de temps pour regarder le travail des autres. L'exposition, c'est le moment fort du workshop !"

Réussir son workshop en trois étapes

Les élèves ont tous suivi la même méthode de travail au cours de la semaine. Première étape : se constituer un groupe de travail et commencer à réfléchir au sujet en examinant les contraintes. Deuxième étape : expérimenter et tester pour évaluer la faisabilité du projet. Dernière étape : se laisser du temps pour la réalisation et faire face aux imprévus. 

Un atelier pour les 250 ans de l'Ensad

Ce workshop a été imaginé pour les 250 ans de l'ENSAD, en partenariat avec Metrobus, la régie publicitaire de la RATP. Le prix Da Silva Bruhns sera remis à l'issue de l'atelier. 

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