Concours Passerelle : à Montpellier Business School, les oraux comme si vous y étiez
3.000 admissibles au concours Passerelle 1 et 2 passent chaque année les oraux de Montpellier Business School, où ils sont pris en charge par les "Oranges". Pendant l'entretien, le jury va rechercher les compétences personnelles du candidat. Reportage.
Jeudi 1er juin 2017, 14 h. À l'heure de la sieste, Montpellier Business School bourdonne comme une ruche : les membres des jurys du concours Passerelle se déploient dans les couloirs. Devant les salles d'épreuves, les candidats endimanchés, encadrés des étudiants de MBS, flanqués du T-shirt orange aux couleurs de l'école, les attendent déjà : venus de toute la France, ils font partie des quelque 3.000 admissibles qui auront fait étape entre le 26 mai et le 12 juin à l'école, à l'occasion des épreuves orales du concours d'admissions sur titre en école de management. Si les écrits du concours sont communs aux 13 écoles membres de la banque d'épreuves, ceux-ci se déroulent directement dans les écoles.
À Montpellier, la moitié environ des candidats est comme Kevin*, 20 ans, titulaires d'un bac+2 (BTS, DUT, licence 2...) et vise une entrée en première année via Passerelle 1. Les autres ont déjà un bac+3 (Bachelor, licence 3) en poche, et intègreront directement la deuxième année (Passerelle 2).
"N'hésitez pas à enlever votre veste si vous souhaitez vous mettre à l'aise", propose le jury à Kevin qui vient d'entre dans la salle d'épreuves. Autour de la table, une enseignante, Audrey Missonier, professeur associé de stratégie au sein de l'ESC montpelliéraine, et un professsionnel, Patrick Chappuy, chef d'entreprise chez Vinci Facilities. "Vous allez visionner une courte vidéo qui décrit la manière dont va se dérouler l'entretien", poursuivent-ils.
Le ton est donné : bienveillant, factuel. Depuis deux décennies, MBS, très attachée à la notion de "diversité sociale", a opté pour un format d'entretien un peu particulier, mis au point par un cabinet de recrutement.
Pas d'interview mitraillette, de questions pièges de culture générale ou de motivation ou de questions sur les autres business schools où le candidat est déjà admissible, mais une mise en situation censée permettre de détecter ses compétences personnelles et comportementales en assurant une égalité de traitement entre les candidats.
Raconter une réussite ou un échec
Le jury tend une feuille à Kevin. Elle contient une liste d'une dizaine de débuts de phrases décrivant des situations. Sa mission ? En choisir une et s'appuyer sur elle pour raconter une expérience datant de moins de trois ans. "Il peut s'agir d'une réussite ou d'un échec, ce qui nous intéresse, c'est la manière dont vous avez agi", explique le film. Après quelques secondes de réflexion, Kevin opte pour : "Vous avez dû persévérer pour réaliser quelque chose".
3.000 admissibles au concours Passerelle passent chaque année les oraux de Montpellier Business School. //
© Cécile Peltier
D'une voix assurée, le candidat, titulaire d'un BTS MUC (management des unités commerciales), raconte comment il s'est motivé pour apprendre seul cette année l'italien et le japonais, et préparer les concours Passerelle après avoir essuyé plusieurs refus en L3 : "Je ne voulais pas passer mon année à la maison à ne rien faire. J'ai commencé à travailler du lundi au samedi, parfois le dimanche, en suivant les conseils de mon frère. Au début, ce n'était pas facile, puis c'est devenu une habitude", explique-t-il au jury qui l'interroge sur la manière dont il s'est organisé.
Des questions factuelles pour essayer de comprendre
Pas de questions déstabilisantes ou gênantes : l'école part du principe que "quelqu'un se révèle davantage lorsqu'il est à l'aise". Les jurés, formés en amont, s'en tiennent à des relances factuelles pour faire évoluer la discussion : "Comment avez-vous découvert le japonais ? Que vous a apporté votre double culture ? Quels enseignements tirez-vous de cette expérience..."
Dans une salle voisine, Edouard* a choisi sur le thème "Vous avez pris un risque..." de raconter une sortie en montagne qui a bien failli virer au cauchemar. "Nous nous sommes retrouvés face à des falaises qu'on a voulu escalader sans matériel, guidés par l'euphorie d'arriver au sommet...", retrace ce fan d'escalade.
Comme pour Kevin, le jury tente de comprendre quel rôle a eu le candidat dans l'équipée, et ce qu'il en a retiré : "Tout le monde était-il d'accord pour prendre le même niveau de risque ? Qu'est-ce qui a pêché cette fois...?" "On est partis sur un coup de tête alors que d'habitude on planifie", reconnaît Alexandre.
Invité à choisir une autre situation, il se lance cette fois dans le récit d'une soupe festive organisée en faveur des personnes sans abri, dans le cadre de son service civique. Autre ambiance, autres compétences...
Dix compétences évaluées
Les candidats sortis, chaque membre du jury évalue la prestation à travers dix compétences prédéfinies : six compétences "critiques" (coopération, raisonnement analytique, curiosité, éthique...) et quatre compétences "complémentaires" (confiance en soi, volonté de convaincre...). Puis, ils se mettent d'accord sur une note, assortie d'un commentaire : si les deux candidats observés par l'Etudiant récolteront plutôt une bonne note, celles-ci s'échelonneront plutôt entre 10 et 20 au cours de cette journée.
Théoriquement, à partir de 15, les jurés estiment que le candidat a le niveau pour intégrer. "À l'inverse, un 10 ou moins peut sanctionner un "candidat qui a menti – ça arrive –, qui n'a pas réussi à s'exprimer, qui a été agressif, ou encore, qui n'a pas respecté les consignes...", détaille Audrey Missonier.
L'enseignante apprécie la méthode d'entretien "qui permet de voir le candidat tel qu'il est, même s'il nous arrive aussi parfois de faire des erreurs de casting". "Cela permet de donner ses chances à tout le monde", complète sa collègue, Magalie Marais, professeur de RSE (responsabilité sociale et environnementale) à l'école. Une chose est sûre selon elles : les candidats quel que soit leur parcours antérieur, font preuve au fil des années d'une plus grande maturité professionnelle. "Aujourd'hui, tout le monde a fait des stages, eu des actvités associatives..."
"On nous recrute plus pour ce qu'on est, que pour ce qu'on va devenir"
Sous le chapiteau planté sur la pelouse de l'école, Benjamin, en licence 3 d'économie-gestion à Lyon, s'est installé autour des tables dressées pour l'occasion. À disposition, des spécialités locales et des rafraîchissements. Le candidat qui fait étape à Montpellier pour la journée est content de sa prestation : "L'entretien est un peu particulier dans le sens où le jury ne s'intéresse pas à notre projet, mais à qui nous sommes, analyste-t-il. Cela m'a un peu surpris au début, mais finalement, quand on y pense, c'est assez logique qu'une école nous recrute plus pour ce qu'on est, plus que pour ce que l'on va devenir", confie l'étudiant.
Les candidats n'hésitent pas à faire des selfies avec le Lion, la mascotte de MBS. // © Cécile Peltier
Tous les candidats passent aussi des oraux de langues, communs à toutes les écoles (7 écoles sur 13 seulement imposent une LV2) de la banque d'épreuves : "Le jury évalue surtout ta capacité à interagir et à argumenter", rassure Benjamin.
Comme dans la plupart des écoles, à MBS, les admissibles sont pris en charge de A à Z, moyennant une participation de 30 € qui comprend notamment le transfert, l'hébergement en résidence hôtelière ou les repas. Ce midi, à son arrivée à Montpellier, Benjamin a pris son repas en compagnie d'un admisseur, qui lui a expliqué comment fonctionnait l'école : "J'ai été très bien reçu, c'est important car cela contribue à faire baisser la pression !", insiste l'étudiant.
James, Jessica et Samuel font partie des 120 étudiants recrutés par l'école pour bichonner les candidats tout au long des concours. Un sacré travail : "Nous sommes là pour répondre aux questions des candidats, les accueillir, les rassurer et partager notre expérience", confie James, membre du pôle "animation et promotion des activités", avec un discours bien huilé.
Fidèle à son image d'école axée sur les valeurs (ouverture, diversité, etc.), et d'un (certain) retour général à plus de sobriété, l'école préfère les activités détente ou découverte aux méga-shows. Au programme par exemple : courses de drones terrestres, atelier "rigologie" et visites à Montpellier ou sur la plage de Carnon.
"On sentait la proximité entre personnels et étudiants"
L'accueil des admissibles, comme le veut la tradition en école de commerce, reste cependant très confortable et festif, l'objectif étant tout de même de vous donner envie de revenir.
Élodie et Julie ont sympathisé pendant la tournée des oraux du concours Passerelle. // © Cécile Peltier
Pour Élodie, en licence 2 éco-gestion à l'IAE de Nantes, et Julie, en DUT GEA, l'objectif semble presque atteint : les yeux encore plein d'étoiles de l'accueil à BSB (Burgundy School of Business) pour la première, et l'EM Strasbourg pour la seconde, les deux jeunes filles n'étaient pas franchement convaincues par MBS avant l'amphithéâtre de présentation du début d'après-midi. "On sentait dans les discours des directeurs la proximité entre les professeurs et les étudiants, c'était le meilleur amphithéâtre !" "Et le film 'admissibles' était au top !", renchérit Élodie.
Avant de reprendre, demain, leur tour de France des écoles, les deux filles qui se sont connues aux oraux de l'EM Strasbourg participeront à la soirée au restau organisée par la team admisseurs. "Je fête mon anniversaire !", lance Julie. En espérant qu'elle ait, en guise de cadeau, l'école de son choix... Verdict fin juin !
*Le prénom a été changé afin de garantir l'anonymat du candidat.
Passerelle en 2016
La banque d'épreuves Passerelle fédère 13 écoles de commerce, dont Montpellier Business School (MBS).
En 2016, 3.268 candidats se sont inscrits à Passerelle 1 (1.635 places ouvertes), et 3.154 à Passerelle 2 (1.525 places). La très grande majorité d'entre eux étaient issus de formation en commerce, éco-gestion ou compta.
94 % d'entre eux étaient présents aux épreuves écrites. Le pourcentage d'admissibles varie fortement d'une école à l'autre. Au final environ 40 % des inscrits ont intégré une école en 2016. "Plus une école est attractive, et plus elle est sélective", résume Catherine Gautier de La Plaine, déléguée générale du concours.
Ces dernières années le nombre de candidats à Passerelle 1 a tendance à diminuer au profit de Passerelle 2. Une phénomène que les écoles expliquent par des considérations financières (économiser une année d'école) ou encore par la multiplication des bachelors.