Médecine, IAE, doubles licences, DUT… : les atouts des filières sélectives à la fac
À côté des licences classiques, les filières sélectives se sont multipliées ces dernières années à l’université. Elles rencontrent un vrai succès auprès des étudiants. Tour d’horizon.
Les filières sélectives à la fac ont la cote. Les effectifs limités, propices à l'"esprit de promo", l'encadrement personnalisé et la bonne insertion professionnelle séduisent de plus en plus d'étudiants, qui sont prêts à travailler dur pour y arriver. Car les exigences pour intégrer ces cursus universitaires sont souvent élevées.
MÉDECINE
Concours ardu pour formation à la qualité reconnue
Il y a eu 56.000 inscrits en PACES (première année commune aux études de santé), mais à peine 13.000 places offertes en 2014. La sélection dans les filières de santé est sévère : en moyenne, moins d'un étudiant sur quatre est admis en deuxième année. Et ce chiffre varie selon les disciplines : le taux de réussite oscille de 25 à 30 % en pharmacie selon les facultés et les années, mais atteint à peine 15 % en médecine et environ 10 % pour l'odontologie (dentaire) et la maïeutique (sages-femmes) (voir par exemple notre classement des facs de médecine d'Île-de-France pour réussir la PACES).
Telle est la loi du numerus clausus. Si, pour compenser les départs à la retraite, celui-ci a tendance à augmenter ces derniers temps, le nombre de candidats progresse aussi et même dans des proportions plus grandes, signe de l'engouement des jeunes pour ces métiers qui relèvent souvent de la vocation. Quant au profil des étudiants, l'inscription est ouverte à tous les bacheliers, mais ce sont les bons élèves de la filière scientifique qui ont le plus de chances de réussir le concours (après une ou, plus souvent, deux tentatives) : les titulaires d'un bac S forment en effet la quasi-totalité des effectifs de deuxième année, et plus de huit sur dix ont obtenu une mention.
Cette régulation du nombre d'étudiants à l'entrée des études de santé assure à ceux qui franchissent le cap de la PACES d'avoir une formation de qualité, en leur permettant notamment d'être bien accueillis pendant les stages. "Un aspect essentiel de l'apprentissage du métier, souligne Sébastien Foucher, président de l'ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France), car dans la santé, la partie pratique représente la moitié de la formation."
LES DOUBLES LICENCES
Pour profiter de l'interdisciplinarité
Histoire-science politique, économie-mathématiques, droit-géographie ou droit-philosophie... Les doubles licences se sont multipliées à l'université ces dernières années et attirent de nombreux étudiants, intéressés par la possibilité de décrocher deux diplômes à l'issue de leurs trois premières années d'études. Sélectionnés sur dossier et lettre de motivation, les candidats admis sont le plus souvent de bons élèves des filières S, L ou ES.
"Nous retenons en général l'équivalent des mentions bien au bac, décrit Christine Boillot, enseignant-chercheur, qui codirige l'une des 12 doubles licences de l'université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, en droit-histoire de l'art. Nous regardons surtout les résultats dans les matières les plus pertinentes par rapport aux disciplines qui seront suivies à l'université." L'enseignante reçoit environ 1.600 candidatures via le portail APB (Admission-postbac) pour 60 places. En histoire-science politique, le double cursus le plus demandé, l'université compte plus de 4.000 candidatures... pour moins de 100 places.
Une exigence de niveau qui s'explique aussi par le rythme et la quantité de travail, qui représente 150 % de ceux d'une année classique. Entre licences et classes préparatoires, ces formations peuvent constituer une bonne alternative, sans ambiance de compétition mais avec un esprit promo. Car si les étudiants de doubles licences sont mélangés aux autres dans les cours magistraux, ils se retrouvent généralement entre eux en travaux dirigés. Ils échappent ainsi, souvent, au sentiment d'être "perdus dans la masse", ressenti par certains étudiants qui font leurs premiers pas à la fac.
Du côté des débouchés, comme pour les licences généralistes classiques, ces doubles cursus mènent à une poursuite d'études. Mais obtenir deux licences permet d'accéder à une palette de masters plus large. Par ailleurs, ces formations peuvent se révéler utiles pour passer des concours administratifs.
LES COLLÈGES ET LES ÉCOLES DE DROIT
Un DU en plus du diplôme classique
En ouvrant son "collège de droit" en 2007, l'université Paris 2-Assas faisait figure de pionnière. Aujourd'hui, ils sont une petite dizaine, qui poursuivent peu ou prou le même objectif : proposer une formation d'excellence en droit à des étudiants triés sur le volet. La sélection a lieu après le bac ou au cours de la licence, voire après, pour entrer en master.
"Nous nous adressons à des étudiants qui ont un potentiel de travail supérieur à la moyenne et nous leur proposons un parcours renforcé dans certaines matières", explique Bruno Sire, président de Toulouse 1. Avec, à la clé, un DU (diplôme d'université) spécifique. En plus d'une licence, celui-ci peut faciliter l'accès aux masters les plus réputés ou, couplé précisément à un master, peut être un label vis-à-vis des employeurs.
LES IUT
Désormais un tremplin vers des études longues
Créés à l'origine pour les bacheliers technologiques qu'il s'agissait d'amener jusqu'au niveau bac+2, les IUT (instituts universitaires de technologie) attirent désormais de nombreux bacheliers des séries générales : séduits par l'enseignement à la fois universitaire et très concret, avec beaucoup d'heures de cours et de nombreux travaux pratiques en petits groupes, ceux-ci représentent désormais plus des deux tiers des 115.000 étudiants de DUT (diplôme universitaire de technologie).
La sélection dépend des spécialités : certaines, notamment dans les services, sont très demandées (techniques de commercialisation, par exemple) ; d'autres, essentiellement dans les filières industrielles (réseaux et télécommunications, génie électrique et informatique industrielle...), n'ont pas assez de candidats.
Dans tous les cas, ces formations professionnalisantes assurent une bonne insertion sur le marché de l'emploi. Mais pour les trois quarts des étudiants, les DUT servent d'abord de tremplin pour continuer des études : en licence professionnelle, mais aussi, de plus en plus, en école d'ingénieurs ou en école de commerce par la voie des admissions parallèles.
INGÉNIEURS
20 % des diplômés sont issus de l'université
C'est une réalité parfois méconnue : un ingénieur diplômé sur cinq est formé à l'université dans l'une des quelque 55 écoles internes que compte le pays. Une proportion qui s'est élevée depuis les récentes fusions d'établissements, par exemple en Lorraine, où l'université abrite désormais 10 écoles d'ingénieurs.
Ces écoles sous statut public affichent des frais de scolarité d'environ 600 € par an. Elles recrutent sur concours un quart de leurs effectifs après le bac, les trois autres quarts au niveau bac+2. Un tiers des élèves est ainsi issu d'une CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles), 20 % de BTS (brevet de technicien supérieur) ou de DUT (diplôme universitaire de technologie). Le cursus, lui, répond aux exigences de la CTI (Commission des titres d'ingénieur), dont l'accréditation est nécessaire pour délivrer le diplôme d'ingénieur.
Si les écoles internes n'ont pas l'ambition de rivaliser avec les très grandes que sont Polytechnique, les Mines ou Centrale, elles proposent la formation généraliste et professionnalisante caractéristique de "l'ingénieur à la française". "Au fil des projets et des stages, les élèves acquièrent la connaissance d'une chaîne complète de production dans un secteur industriel donné, de la rédaction du cahier des charges jusqu'à la réalisation d'un prototype", décrit Jean-Marie Chesneaux, vice-président de la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs) et directeur de Polytech Paris-UPMC.
Un profil apprécié par les entreprises, dans un secteur relativement épargné par la crise. "L'insertion sur le marché de l'emploi dépend plus du domaine d'application que du statut de l'établissement, souligne Jean-Marie Chesneaux. En informatique ou en électronique, tous les diplômés décrochent rapidement un emploi ; de même qu'en mécanique, où l'on constate une forte demande. En chimie, c'est un peu plus long." Mais d'une manière générale, le taux de chômage des ingénieurs atteint à peine 4 %.
À l'IAE de Lyon 3, la L3 comptabilité, contrôle, audit est parmi les plus demandées. // © David Venier/Lyon 3 Université.
LES IAE
L'alternative aux écoles de commerce ?
"Écoles universitaires de management" : c'est ainsi que se présentent désormais les 32 IAE, une manière de faire ressortir leur identité hybride, entre école et université. Si certains d'entre eux proposent des formations dès la première année de licence (notamment à Lyon 3 et Nantes), la plupart débutent en L3 ou au niveau master (M1 et M2). La sélection varie selon l'établissement. À l'IAE Gustave-Eiffel de Créteil (94), 174 étudiants ont été admis en licence en 2014 sur les 870 dossiers reçus, ce qui représente un taux de sélection de 20 %. À Lyon, la licence 3 comptabilité, contrôle, audit a enregistré 370 demandes pour... 25 admis. A contrario, certaines L3 d'IAE plus petits acceptent les deux tiers des demandes. En master, les demandes sont encore plus nombreuses. Les spécialités les plus demandées (CCA, administration des entreprises, finance, marketing...) admettent en général entre 20 et 30 % des candidatures. Des taux de sélection qui ne concurrencent évidemment pas HEC ou l'ESSEC, mais qui n'ont rien à envier à de nombreuses ESC (écoles supérieures de commerce). (Lire à ce propos : Entrer en IAE : les clés d'une candidature réussie.)
Pour les étudiants qui ne visent pas le top 10 des écoles de commerce, les IAE peuvent être "une bonne alternative, notamment sur le plan financier", comme le dit Axelle Boj, diplômée de l'IAE de Lyon 3 en 2013. De fait, les frais d'inscription annuels se limitent à environ 190 € en licence et 260 € en master, alors qu'il faut compter 8.500 € en moyenne par année pour une école. Dispensée à la fois par des enseignants-chercheurs de l'université et des professionnels, salariés en entreprise, la formation mêle théorie et pratique. Certains IAE se voient distingués par des accréditations internationales très cotées : EQUIS et AMBA à Aix-Marseille, EPAS à Lyon 3 (pour son Master management international) et Toulouse 1 (pour le Msc International Management).
Après un M2, le salaire moyen à la sortie du cursus s'établit à 27.800 € brut par an pour l'ensemble des IAE, mais les variations sont importantes d'un institut à l'autre et d'autres facteurs entrent en ligne de compte. En particulier, "avoir suivi ses études en alternance est valorisé lors de l'embauche", souligne Axelle Boj, qui a fait valoir ses trois ans d'expérience comme un élément dans la négociation. "Lors de mes différents entretiens, les employeurs ne m'ont jamais demandé pourquoi j'avais fait un IAE et non pas une école de commerce", se souvient-elle. D'ailleurs, cette distinction bien française ne tient pas au niveau international, où nombre d'IAE sont connus comme des "graduate business schools".
LES MASTERS
Excellence et insertion professionnelle
Objet de vives polémiques en 2014, la sélection à l'entrée de la deuxième année de master à l'université est devenue, dans certaines spécialités, un véritable couperet. Audit ou droit des affaires à Dauphine, gestion de patrimoine à l'université d'Auvergne, neuropsychologie en Savoie, urbanisme durable et aménagement à Reims... certains masters croulent sous les demandes et ne retiennent que 20 % des candidats, voire moins. Et quand ceux-ci ne sont pas nombreux, ils viennent souvent d'un vivier hautement qualifié.
Fabrice Béthuel, responsable du master mathématiques de la modélisation de l'UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie), revendique cette excellence. "Mes étudiants sont au niveau des Normaliens. Nous formons des chercheurs que nous menons vers une thèse dans le milieu académique, industriel ou parapublic." Son master est cohabilité par Polytechnique et l'école des Ponts, et plusieurs cours sont donnés en partenariat avec l'École normale supérieure.
Au-delà de la sélection, les universités se sont structurées pour améliorer les relations avec le monde professionnel et assurer un vrai suivi des diplômés. Pour ceux-ci, d'ailleurs, le réseautage tend à devenir la norme. Les associations d'alumni se multiplient et les diplômés se retrouvent sur LinkedIn et Viadeo. Seul bémol : les regroupements manquent encore de force car ces formations comptent souvent peu de diplômés. Mais l'esprit de promo est là, ainsi qu'en témoigne Serge Chaumier, qui a lancé le master d'expographie-muséographie à l'université d'Artois, déclinaison de ce qu'il avait déjà monté dans une autre université. "Beaucoup de mes anciens élèves interviennent dans mes cours, et nous continuons à organiser des week-ends ensemble."
Les rémunérations à l'embauche sont à la mesure de l'exigence de ces formations, et dans des disciplines comme les sciences de gestion, les maths ou l'informatique, les salaires font jeu égal avec ceux des écoles de commerce et d'ingénieurs.
Des prépas à l'université
À côté des traditionnelles CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), les universités accueillent, elles aussi, des préparationnaires, le plus souvent en partenariat avec un lycée. Les cours se déroulent alternativement dans les deux établissements. Rythme soutenu, encadrement important avec de nombreuses heures de cours en petit groupe face à un enseignant : la formation s'apparente à celle des prépas "classiques". D'autant plus pour les CUPGE (cycles universitaires préparatoires aux grandes écoles), qui suivent les mêmes programmes, avec l'objectif de préparer les élèves aux concours des écoles d'ingénieurs ou de management.
Autre modèle, les CPES (classes préparatoires aux études supérieures) visent, elles, à amener les étudiants à intégrer une CPGE (CPES en un an) ou à rejoindre une école d'ingénieurs dans le cadre des admissions sur titre (CPES en deux ans).
Quant à la sélection, "le taux de pression n'est pas très différent de celui d'une CPGE de ville moyenne", estime Gilles Roussel, président de la commission formation de la CPU (Conférence des présidents d'université). Tout en ouvrant des portes plus larges qu'une licence, en raison de la pluridisciplinarité de la formation.