Un site de "sugar daddy" racole devant les facs parisiennes
Le site de rencontre Richmeetbeautiful.fr propose aux étudiants de sortir avec un "sugar daddy" ou une "sugar mama", un homme ou une femme riche, pour financer leurs études. En ce moment même, une voiture publicitaire fait la tournée des universités parisiennes et choque les étudiants.
"Hey les étudiant(e)s ! Pas de prêt étudiant, sortez avec un sugar daddy/mama". La publicité du site Richmeetbeautiful.fr, tirée par une Volkswagen, est restée de longues minutes devant l'université Paris-Descartes, mardi 24 octobre 2017. Si bien que la directrice de la communication de l'établissement s'est fendue d'un tweet :
Hier, devant l’université, tout simplement... #SugarDaddy #Prostitution #Honteux pic.twitter.com/14O6hS7GbP
— ATixier (@ATixier) October 25, 2017
Le tweet entraîne très vite de vives réactions, de Jimmy Losfeld, le président de la Fage, à Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur :
Surfer sur la précarité étudiante pour inciter à la prostitution est ingnoble! @La_FAGE va saisir la justice. @Anne_Hidalgo @MarleneSchiappa https://t.co/E5KU8FztZp
— Jimmy Losfeld (@Jimmy_FAGE) October 25, 2017
Si cette situation est avérée, c’est inadmissible. Ce genre de publicité n’a pas de place sur nos campus. https://t.co/z18qCwoMNA
— Frédérique Vidal (@VidalFrederique) October 25, 2017
Dans un communiqué, la Fage a donc annoncé avoir déposé une plainte pour proxénétisme auprès du procureur de la République de Paris. Le syndicat étudiant a également saisi le jury de déontologie publicitaire, une instance placée auprès de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité. "D’un cynisme total, la société à l’origine de la publicité considère la population étudiante comme un marché ; elle prospère sur la précarité rencontrée par une partie des jeunes", s'insurge la Fage.
"Sugar daddy", seul le nom est mignon
Richmeetbeautiful.fr est un "réseau de rencontres en ligne" qui se propose de mettre en relation des hommes et des femmes riches avec des étudiants "attirants, à la recherche d'un mode de vie qui leur permettent de réaliser leurs rêves et d'atteindre leurs objectifs futurs". En d'autres termes, de flirter, voire d'avoir des relations plus intimes pour changer de train de vie ou financer ses études.
En Belgique, la société a déjà été retoquée pour "atteinte à la dignité humaine", pour une publicité semblable, par le jury d'éthique publicitaire. De son côté, l'entreprise, que nous avons contactée, assure que tout est légal. Elle donne même les dates de la "tournée" publicitaire.
"C'est dégueulasse"
Mercredi 25 octobre, comme prévu, à 15 h, la voiture publicitaire se gare donc devant les portes de l'UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie). Trois étudiants, qui viennent de finir les cours, passent devant la publicité en riant : ils sont sidérés qu'"une telle chose soit possible en France". Arthur, en licence 1 de mathématiques-physique, se dit lui aussi "choqué" : "Je ne sais pas si c'est légal, mais dans tous les cas, ce n'est pas moral. Non, franchement, inciter des jeunes à coucher pour financer leurs études..."
"C'est dégueulasse, s'étouffe Violette, étudiante en troisième année de biologie. Surtout dans ce contexte de l'affaire Weinstein [le producteur américain accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles]". Elle précise sa pensée : "C'est dégueulasse parce que ce ne sont pas de simples relations physiques. Il y a une relation à l'argent qui peut s'apparenter à de la prostitution". Violette vit chez ses parents, mais beaucoup de ses camarades n'ont pas d'autre choix que de travailler pour financer leurs études. Celles et ceux qui sont le plus "dans la merde financièrement" pourraient, en dernier recours, s'inscrire sur ce genre de sites. L'étudiante en est convaincue.
Dernières dates de la tournée ?
Quelques minutes après s'être installée, la voiture publicitaire, garée sur un accès pompiers, est chassée par la sécurité de l'université. Elle repart vers une autre université, mais son périple pourrait être de courte durée. Ce soir, la mairie de Paris a saisi la préfecture de police afin de retirer la publicité de l'espace public.
Nous condamnons avec fermeté cette publicité honteuse. Nous travaillons avec la @prefpolice pour la faire disparaître de nos rues. pic.twitter.com/GIAxsVBllH
— Paris (@Paris) October 25, 2017