Premier emploi en Chine : conseils pour une installation expresse en Orient
Même si le pays ne fait plus autant fantasmer en termes d'opportunités qu'au tournant du XXIe siècle, la Chine, et son marché XXL, attire chaque année un grand nombre de jeunes diplômés français en quête d'aventure. Mais comment y faire sa place ? Conseils en direct de Shanghai.
Chaque année, après un séjour, un stage ou par soif d'aventure, de jeunes diplômés français débutent leur carrière en Chine, avec parfois en tête l'image d'un lieu où "tout est possible". Attention cependant...
Malgré ses 6,5 % de croissance annuelle, le pays connaît un ralentissement économique depuis plusieurs années. "Ce n'est plus l'Eldorado comme il y a dix ou 15 ans !", indique Éric Egiziano, le directeur général adjoint du cabinet de recrutement Lincoln associés en Asie. Certains pans de l'économie, comme l'énergie, souffrent.
D'autre part, notez que le salaire des juniors est, sauf exception, "bien plus faible qu'en Europe", précise Éric Egiziano. La plupart des contrats de droit chinois sont moins favorables qu'en France. Selon le secteur, la taille de l'entreprise ou la fonction, des aménagements pourront vous être proposés.
Enfin, les Chinois diplômés de l'enseignement supérieur sont de plus en plus nombreux. De plus en plus formés dans les universités étrangères, ils conjuguent une excellente maîtrise de l'anglais et de la culture chinoise... et constituent des concurrents de taille.
Des secteurs plus porteurs
Ces mises en garde bien à l'esprit, comment faire sa place en Chine ? Pour qui est motivé et bien préparé, l'économie chinoise, de plus en plus tournée vers l'innovation, offre encore de belles opportunités.
Pour les profils scientifiques, les nouvelles technologies, la santé, les nanotechnologies, l'environnement, l'agroalimentaire ou encore la construction constituent des secteurs porteurs. Côté managers, les fonctions commerciales - en particulier le e-commerce - et le marketing digital, les spiritieux ou le luxe recrutent. Géographiquement, le gros des opportunités pour un profil junior se situent encore sur la côte Est du pays.
Mais pour tirer son épingle du jeu, il ne suffit plus d'être Français. Vous devez remplir un certain nombre de prérequis. Et d'abord être diplômé.
Un permis de travail réservé aux meilleurs
Soucieux d'attirer des talents étrangers, tout en protégeant son marché du travail, le gouvernement chinois a instauré ces dernières années des restrictions à la délivrance d'un permis de travail pour les jeunes étrangers.
Aujourd'hui, vous devez pouvoir justifier au minimum d'un Bachelor (bac+3/4) et de deux années d'expérience pour décrocher le précieux sésame. "Cette réglementation varie selon les provinces et la tension du marché du travail local, précise Frédéric Szabo, directeur délégué d'Ubifrance pour la zone Chine. À Suzhou, par exemple, où il peine à absorber tous les diplômés chinois, le bureau du travail est encore plus strict et demande un bac+4 et 4 ans d'expérience professionnelle."
À l'inverse, Shanghai, qui cherche à se positionner comme une zone d'attractivité internationale, donne sa chance aux jeunes diplômés sortis de l'école, ayant obtenu des notes supérieures ou égales à 14/20 (B+ dans le système chinois) ou issus d'une université du top 100 du classement de Shanghai. "Vous serez alors autorisé à travailler dans la zone de libre-échange et de démonstration technologique de la ville", ajoute Frédéric Szabo.
Apprenez le mandarin
Une fois remplies ces conditions, pour décrocher un poste, il va falloir vous intéresser aux langues étrangères. Une bonne maîtrise de l'anglais est requise a minima et le mandarin vous sera demandé de plus en plus souvent par les entreprises. "Ne pas assez bien parler et surtout ne pas savoir écrire le chinois me ferment les portes de pas mal de postes très valorisants", reconnaît Victor, 23 ans, chargé de clientèle chez C2C Movers, une entreprise internationale d'aide au déménagement. "Apprendre la langue chinoise permet ensuite de comprendre la culture et les codes de ce pays si différent du nôtre", souligne Frédéric Szabo.
Grâce à sa maîtrise du mandarin, appris sur le campus de SKEMA Business School de Suzhou, puis entretenu quasi-quotidiennement, Camille, 24 ans, a obtenu très rapidement un poste de commerciale pour une marque de cosmétiques françaises lors de son retour en Chine, en 2015. Pendant un an, elle a sillonné le pays. Sa mission ? Former, en mandarin, des esthéticiennes chinoises à l'utilisation des produits. Une expérience instructive qui nécessite une bonne dose d'adaptabilité.
Intéressez-vous à la culture
Parce que la différence culturelle est importante, "les employeurs apprécient les candidats qui ont déjà vécu en Chine ou en Asie, à l'occasion de leurs études, par exemple. C'est le gage qu'ils seront capables de s'adapter au marché chinois", assure Victor. Ce diplômé du l'IBBA (International Bachelor of Business Administration) de Kedge BS a choisi la Chine après un séjour à l'université Tsinghua, à Pékin. À ce titre, "un stage peut aussi être un bon moyen de tester son appétence pour le pays", conseille Frédéric Szabo. Pour cela, au-delà de l'apprentissage du chinois, il va falloir faire un effort pour comprendre les codes, faire preuve d'humilité et d'un brin de philosophie. "Pour accepter la Chine, il faut penser en terme de solutions et non de problèmes !", s'amuse Victor.
Consulter aussi : Les offres de stages en Chine sur letudiant.fr
Cultivez votre réseau
Pour décrocher un poste, envoyer des CV ne suffira pas. La communauté d'expatriés internationaux – français, notamment – est un puissant relai sur lequel il faut savoir s'appuyer. Un conseil donc : cultivez votre réseau ! "Il faut se déplacer sur les événements organisés par des représentants de la communauté française. Les gens sont plus accessibles à Shanghai qu'en France", conseille Victor.
Clément, 26 ans, le responsable Chine de Lollipops, une marque française de sacs à main, en VIE (volontariat international en entreprise), confirme : "Il faut actionner tous les leviers. Lorsque je suis arrivé en octobre 2015 à Shanghai, j'ai refait des dîners, envoyé des mails, participé à des événements networking via la Jeune chambre économique et commerciale... Finalement, j'ai trouvé mon emploi en un mois via une offre publiée sur le forum "Bonjour Chine"."
S'il n'est pas toujours évident de décrocher un premier poste, une fois le pied dans la porte, il est possible d'accéder rapidement à des responsabilités. Après quelques mois seulement de VIE au sein de Lollipops, Clément a été choisi par le siège pour remplacer son responsable sur le départ. "En France, on regarde ce qu'on a fait. En Chine, on regarde ce dont on est capable !", résume Clément.
Start-uppers, la Chine s'ouvre à vous
Fini le temps où les étrangers étaient obligés de passer par des joint-ventures pour créer leur entreprise en Chine. "À part quelques secteurs stratégiques comme l'automobile, l'énergie ou la santé, il est désormais possible de monter des entreprises détenues à 100 % par des étrangers, à travers le statut de "WFOE" (Wholly Foreign Owned Enterprise)", précise Frédéric Szabo.
Le flot de jeunes Français sur place comprend ainsi "de plus en plus de jeunes diplômés, qui viennent monter leur entreprise", remarque Javier Gimeno,le directeur général de Saint-Gobain Asie-Pacifique et président de CCI France en Chine. Leurs secteurs de prédilection : les e-services ou le conseil.
À côté de leurs postes salariés, Camille et Clément ont ainsi développé leur start-up de création de bijoux : Zoaje. En tant qu'étrangers, ils ont dû passer par un agent, qui a pris en charge les formalités (dépôt du nom, définition des statuts, etc.). "C'est une obligation si la société est détenue seulement par des étrangers. De toute façon, tout est intégralement en chinois et les lois changent régulièrement...", remarque Clément.
Pas de difficulté majeure, donc, puisque les agents s'occupent de tout. Selon les deux entrepreneurs, "le principal frein reste le coût global qui nécessite un réel investissement : frais d'agent, injection du capital, frais d'ouverture, machine du gouvernement à acheter pour éditer les factures et problème du visa, au moins pour la période de la création d'entreprise..."
Camille et Clément, diplômés de Skema BS, ont fondé Zoaje, une entreprise de création de bijoux en Chine. //
© Cécile Peltier
Osez l'incubateur
N'hésitez pas à intégrer l'un des nombreux incubateurs, publics ou privés, qui ont fleuri ces derniers mois en Chine et accueillent des jeunes entrepreneurs à des prix défiants toute concurrence. Avant de vous lancer, Frédéric Szabo recommande cependant de "bien se renseigner sur les partenaires et les business angels qui participent à la vie de l’incubateur".
Si le marché chinois vous attire, appuyez-vous également sur la JCEF (Jeune chambre économique française) de Shanghai et CCI France Chine. L'organisation, qui fédère les quelque 1.500 entreprises hexagonales installées en Chine, vient de créer un club pour aider les jeunes entreprises françaises qui cherchent des investisseurs.
En outre, la French Tech, installée par Ubifrance à Shanghai, Pékin et Shenzen, a une mission d'accélération pour les nouvelles entrantes sur le marché chinois. Le programme "Pop & pitch" permet par exemple de tester son pitch devant un jury de mentors en vue d'une future levée de fonds.
"Les Chinois vont de plus en plus investir en France"
Et ensuite, si l'envie vous prenait de rentrer au pays ? Sachez qu'une expérience en Chine sera toujours valorisée sur un CV. "La Chine va de plus en plus investir en France et en Europe, et ses entreprises vont rechercher des Français susceptibles de travailler avec elle depuis l'Hexagone", prédit Éric Egiziano. Anticipez !
Stage ou VIE, mode d'emploi
Réaliser un stage peut-être un bon moyen de savoir si vous êtes fait pour la Chine. Le programme "1.000 stagiaires", issu d'un partenariat bilatéral, permet la délivrance d'un visa de stage de trois à six mois dans une entreprise française installée en Chine à des jeunes diplômés français ayant validé au moins un bac+2. Cela leur est possible jusqu'à un an suivant la fin de leurs études. "Toutes les offres pour 2017 ne sont pas pourvues !", lance Frédéric Szabo.
Si vous avez moins de 24 ans, le VIE (volontariat international en entreprise) est également un cadre rassurant pour une première expérience professionnelle en Chine. Environ 600 VIE sont proposés chaque année dans la zone Chine continentale et Hong-Kong.