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Apprendre par le numérique pour un lycéen : mission (im)possible ?

Jeunes et nouvelles technologies en classe // © iStockphoto
Progresser en maths grâce aux NTIC ? Vous n'y croyez pas trop. // © iStockphoto. © iStockphoto
Par Isabelle Dautresme, publié le 27 août 2014
1 min

On vous dit scotchés à vos écrans et branchés nouvelles technologies. On pensait donc vous voir applaudir des deux mains l’entrée en classe des tablettes, smartphones, “serious games” et autres réseaux sociaux. Mais à vous écouter, apprendre en jouant grâce au numérique, ce n’est vraiment pas sérieux. Trop conservateurs, les élèves ? Enquête.

"Moi, quand je vais au lycée c'est pour travailler, certainement pas pour jouer", lâche Malone en 1re S quand on lui parle d'apprendre avec des outils numériques. "Il y a un côté démago à tweeter en classe ou à vouloir faire croire que l'on peut progresser en maths le nez collé à un smartphone", assure de son côté Louise, en seconde. "Quant à faire de l'histoire en maniant la console de jeux, c'est du grand n'importe quoi !" s'insurge même Julie. Cette élève de 1re ES n'a pas très bien vécu que son prof d'histoire-géographie "n'ait pas fait un seul vrai cours de l'année".

Conservateurs les élèves ? Tous ceux rencontrés affirment pourtant passer entre une heure et demie et deux heures chaque jour derrière un écran. Alors pourquoi une telle réticence des "digital natives" lorsqu'un professeur s'empare de ces nouveaux outils ? Éric Bruillard, professeur d'université et directeur du laboratoire STEF (Sciences techniques éducation formation) de l'ENS (École normale supérieure) Cachan avance une explication : "Pour la plupart des jeunes, les lecteurs MP3, tablettes, réseaux sociaux, relèvent de la sphère privée. Ils participent à la construction de leur propre monde. Ils n'ont donc pas leur place en classe. Les élèves n'attendent pas de l'école qu'elle reproduise ce qu'ils font ailleurs."

Apprendre en jouant, "ce n'est pas sérieux !"

Même constat pour les "serious games" (jeu sérieux), qui ont pourtant le vent en poupe auprès des enseignants innovants. En témoigne Caroline Jouneau, professeure d'histoire-géographie au lycée Germaine-Tillon à Sain-Bel (69) : "Si je me lance trop brutalement dans une séance qui a l'étiquette 'jeu', j'ai toutes les chances de me confronter au refus des élèves. Même ceux qui acceptent de jouer ne s'investissent pas vraiment. Ils restent en surface." Un peu comme si pour vous, le collège et le lycée étaient des temples de la tradition où la modernité et le jeu n'auraient pas leur place.

"Ce qu'on veut, nous, c'est que nos profs nous apportent les connaissances nécessaires pour réussir le bac. Rien d'autre !"

C'est que vous ne croyez pas vraiment à la capacité de ces outils à transmettre des savoirs académiques. "Avec les TICE [technologies de l'information et de la communication pour l'école], il y a souvent l'idée que la théorie est moins 'importante' que la pratique", explique Silvia André, psychologue clinicienne. D'où votre réticence. Caroline Jouneau confirme : "Le jeu n'est pas considéré comme un outil pédagogique par les élèves. Ils n'ont pas confiance." C'est d'autant plus vrai s'il est "utilisé" dans des disciplines qui font appel à une somme importante de connaissances et d'informations. Comme s'il existait des matières dans lesquelles on pouvait jouer – telles l'EPS (éducation physique et sportive) ou les langues – et des disciplines trop sérieuses pour les pratiques ludiques. En témoigne Lucas en terminale S : "On a joué aux jeux vidéo toute l'année en cours d'anglais. C'était très bien, mais je ne vois pas comment on peut les utiliser en histoire-géographie, vu la lourdeur du programme."

Le cours magistral rassure

Et, selon vos enseignants, plus vous avancez dans votre scolarité, moins vous êtes ouverts au changement. En cause ? Le "formatage" dont vous faites l'objet depuis que vous allez à l'école. Pour vous, c'est au professeur de faire cours et aux élèves de prendre en notes. Or avec les nouvelles technos et le numérique, les rôles se répartissent différemment : c'est vous qui construisez votre propre cours avec l'aide du professeur. "Les élèves doivent être autonomes", analyse Caroline Jouneau. "Avec le numérique, ils doivent s'impliquer en classe, poser des questions. Or généralement, ils n'aiment pas ça", renchérit de son côté Géraldine Duboz, professeure d'histoire-géographie au collège du Plateau à Lavans-lès-Saint-Claude (39).

Julien, en 1re S, est bien de cet avis : "Ce qu'on veut, nous, c'est que nos profs nous apportent les connaissances nécessaires pour réussir le bac. Rien d'autre !" Selon Ghislain Dominé, professeur d'histoire-géographie à la cité scolaire Émile-Zola à Watrelot (59), "le cours magistral permet justement de travailler en s'investissant peu pendant le cours". Selon l'auteur de "Les TICE en classe,mode d'emploi", il convient aux bons élèves, très scolaires, alors que "les 'serious games' ou autres TICE demandent une certaine capacité d'analyse et de la prise de risque."

Des vertus pourtant insoupçonnées pour des élèves

Pour Caroline Jouneau, "c'est justement parce que ces technologies permettent de renforcer l'autonomie des élèves qu'il est intéressant de les utiliser en classe". Autre avantage : le jeu permet de donner du sens aux apprentissages. "Les élèves font davantage le lien entre les concepts et la réalité", poursuit l'enseignante. Caroline Tombereau, professeure d'histoire-géographie au collège Branly à Grand-Quevilly (76), voit surtout dans l'usage de ces technologies, un moyen d'aider les élèves les plus en difficultés. Et ce n'est pas Laura, élève timide de seconde, qui la contredira : "Cette année, mon prof d'histoire nous a fait jouer à des jeux de rôle en ligne. Je me suis très bien débrouillée, même mieux que les autres. Ça m'a redonné confiance en moi."

Et Ghislain Dominé d'analyser : "L'usage des technologies de l'information et de la communication en classe permet de valoriser des compétences comme la créativité et la réflexion. Ce qui n'est pas le cas dans un cours magistral. Or dans la vie, il faut être capable de prendre des chemins détournés pour être innovants, non ?"

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