Interview
Handicap et emploi : évaluer ses limites
publié le 01 septembre 2009
5 min
Entretien avec Christine Champonnois, psychologue et psychothérapeute à Dijon, spécialiste des jeunes en situation de handicap.
Est-ce plus difficile pour un jeune en situation de handicap de se confronter au monde de l’entreprise ?
Le monde de l’entreprise n’est pas tendre. Il faut montrer que l’on est le meilleur, où il faut réussir. Le travail peut être l’occasion de réactiver des souffrances narcissiques, de renvois désagréables avec des phrases du type "toi avec ton handicap…". Il faut trouver des façons de réagir, avoir suffisamment confiance en soi pour résister à ces atteintes.
En arrivant sur le marché de l’emploi, il faut avoir conscience de ses compétences, mais aussi du handicap que l’on présente et des limites concrètes qu’il impose. Aux étudiants qui veulent devenir journalistes, je demande comment ils imaginent leur travail, s’ils peuvent prendre le train facilement, etc. De la même façon, un jeune avec un handicap moteur lourd qui a fait des études supérieures peut tout à fait prétendre à des postes importants. Mais comment va-t-il faire avec son handicap ? Est-il fatigable ? Peut-il écrire ou aller aux toilettes seul ? Il y a un certain nombre de troubles dont il n’a pas forcément conscience. Or c’est en ayant cerné ses vraies difficultés qu’il peut les anticiper et les résoudre. Parce qu’il vaut bien mieux se présenter en disant "voici quels sont les aménagements dont j’ai besoin", plutôt que de les découvrir un peu tard.
Il faut avoir fait un travail de renoncement à une certaine normalité. Sinon le jeune peut avoir des revendications qui ne vont pas être comprises par le monde du travail. L’entreprise va lui donner un emploi, lui permettre de gagner sa vie, d’avoir une place dans la société, de progresser dans sa vie, mais il ne faut pas compter sur l’entreprise pour compenser un handicap ou normaliser tout. On ne peut pas compter sur les autres dans le monde du travail.
Non ! Bien sûr, il y a des choses auxquelles le jeune en situation de handicap devra renoncer, comme tout le monde. C’est le cas de l’étudiant qui a échoué deux fois à l’examen de médecine et qui doit revoir son orientation, par exemple. C’est compliqué, car en même temps, il ne faut pas être dans une trop grande désespérance. Il faut aussi se permettre de rêver, garder sa capacité de créativité, d’invention. C’est également cela qui permet d’avancer. J’ai toujours en tête ce directeur de télé espagnole qui était aveugle. Il y a cru et a rendu son projet possible. Le piège, c’est de se positionner du côté du handicap.
La personne en situation de handicap doit être actrice de sa propre insertion. Qu’elle ne se victimise pas, mais qu’elle n’hésite pas non plus à demander des adaptations des conditions de travail si elle y a droit. Par exemple, ce serait dommage de ne pas les réclamer et de rater sa période d’essai parce que l’on n’a pas été assez compétitif, alors que le poste aurait pu être aménagé.
Comme tout le monde. En s’entraînant aux entretiens d’embauche, en montrant que l’on a envie de travailler, que c’est important pour soi. Il faut montrer sa détermination, mettre en avant son envie, y aller, se bagarrer et convaincre le recruteur qu’il ne regrettera rien.
En ne racontant pas sa vie et en revenant toujours à la question professionnelle et aux réalités de base. Il n’y a pas à parler de l’intimité de son handicap ni de son histoire. La personne est en fauteuil roulant ? Qu’elle précise que ce n’est pas gênant si elle travaille dans un bureau. L’annonce présente un métier qui demande telles compétences ? Si vous les avez, cela suffit. Ensuite, mieux vaut mettre en avant ce qui ne pose pas de problème : "Je maîtrise bien les logiciels, je n’ai pas de problème de déplacement, je conduis ma voiture et je suis ponctuel", etc.
Tout dépend de son parcours. Ce jeune a-t-il déjà quitté le cocon familial pour une vie étudiante ? Comment a-t-il fait ? A-t-il l’habitude de vivre seul, de se réveiller seul ? Peut-il prendre les transports en commun ? A-t-il fait partie d’associations ? La famille n’aide pas forcément à une prise de responsabilité. La confiance en soi naît dans le fait qu’il faut s’autonomiser. Dans ce cas-là, toute expérience en dehors de la famille, avec une aide ménagère ou en colocation, peut aider. Elle permet souvent une meilleure capacité d’adaptation.
En se demandant d’abord quel regard on porte sur soi-même. Il faut essayer de ne pas s’enfermer chez soi. Il vaut mieux sortir, avoir des activités, tout cela permet de mieux s’insérer dans l’entreprise, car on s’étaye de l’intérieur. Il s’agit d’être apprécié pour ce qu’on est, pour sa capacité à être en relation, à avoir des amis. Pas pour son handicap.
Justement, comment s’y préparer ?
En arrivant sur le marché de l’emploi, il faut avoir conscience de ses compétences, mais aussi du handicap que l’on présente et des limites concrètes qu’il impose. Aux étudiants qui veulent devenir journalistes, je demande comment ils imaginent leur travail, s’ils peuvent prendre le train facilement, etc. De la même façon, un jeune avec un handicap moteur lourd qui a fait des études supérieures peut tout à fait prétendre à des postes importants. Mais comment va-t-il faire avec son handicap ? Est-il fatigable ? Peut-il écrire ou aller aux toilettes seul ? Il y a un certain nombre de troubles dont il n’a pas forcément conscience. Or c’est en ayant cerné ses vraies difficultés qu’il peut les anticiper et les résoudre. Parce qu’il vaut bien mieux se présenter en disant "voici quels sont les aménagements dont j’ai besoin", plutôt que de les découvrir un peu tard.
Faut-il renoncer à certains postes ?
Il faut avoir fait un travail de renoncement à une certaine normalité. Sinon le jeune peut avoir des revendications qui ne vont pas être comprises par le monde du travail. L’entreprise va lui donner un emploi, lui permettre de gagner sa vie, d’avoir une place dans la société, de progresser dans sa vie, mais il ne faut pas compter sur l’entreprise pour compenser un handicap ou normaliser tout. On ne peut pas compter sur les autres dans le monde du travail.
Faut-il donc avoir une ambition a minima ?
Non ! Bien sûr, il y a des choses auxquelles le jeune en situation de handicap devra renoncer, comme tout le monde. C’est le cas de l’étudiant qui a échoué deux fois à l’examen de médecine et qui doit revoir son orientation, par exemple. C’est compliqué, car en même temps, il ne faut pas être dans une trop grande désespérance. Il faut aussi se permettre de rêver, garder sa capacité de créativité, d’invention. C’est également cela qui permet d’avancer. J’ai toujours en tête ce directeur de télé espagnole qui était aveugle. Il y a cru et a rendu son projet possible. Le piège, c’est de se positionner du côté du handicap.
Comment trouver la bonne attitude dans ces conditions ?
La personne en situation de handicap doit être actrice de sa propre insertion. Qu’elle ne se victimise pas, mais qu’elle n’hésite pas non plus à demander des adaptations des conditions de travail si elle y a droit. Par exemple, ce serait dommage de ne pas les réclamer et de rater sa période d’essai parce que l’on n’a pas été assez compétitif, alors que le poste aurait pu être aménagé.
Comment faire face aux réticences d’un recruteur ?
Comme tout le monde. En s’entraînant aux entretiens d’embauche, en montrant que l’on a envie de travailler, que c’est important pour soi. Il faut montrer sa détermination, mettre en avant son envie, y aller, se bagarrer et convaincre le recruteur qu’il ne regrettera rien.
Comment parler de son handicap à son employeur ?
En ne racontant pas sa vie et en revenant toujours à la question professionnelle et aux réalités de base. Il n’y a pas à parler de l’intimité de son handicap ni de son histoire. La personne est en fauteuil roulant ? Qu’elle précise que ce n’est pas gênant si elle travaille dans un bureau. L’annonce présente un métier qui demande telles compétences ? Si vous les avez, cela suffit. Ensuite, mieux vaut mettre en avant ce qui ne pose pas de problème : "Je maîtrise bien les logiciels, je n’ai pas de problème de déplacement, je conduis ma voiture et je suis ponctuel", etc.
Et une fois le poste convoité obtenu, l’intégration est-elle plus difficile pour un jeune handicapé que pour un autre ?
Tout dépend de son parcours. Ce jeune a-t-il déjà quitté le cocon familial pour une vie étudiante ? Comment a-t-il fait ? A-t-il l’habitude de vivre seul, de se réveiller seul ? Peut-il prendre les transports en commun ? A-t-il fait partie d’associations ? La famille n’aide pas forcément à une prise de responsabilité. La confiance en soi naît dans le fait qu’il faut s’autonomiser. Dans ce cas-là, toute expérience en dehors de la famille, avec une aide ménagère ou en colocation, peut aider. Elle permet souvent une meilleure capacité d’adaptation.
Comment peut-on aussi se préparer au regard des nouveaux collègues ?
En se demandant d’abord quel regard on porte sur soi-même. Il faut essayer de ne pas s’enfermer chez soi. Il vaut mieux sortir, avoir des activités, tout cela permet de mieux s’insérer dans l’entreprise, car on s’étaye de l’intérieur. Il s’agit d’être apprécié pour ce qu’on est, pour sa capacité à être en relation, à avoir des amis. Pas pour son handicap.