Quel avenir pour les métiers du nucléaire ?
Pas très glamour, le secteur du nucléaire… Pourtant, c’est un domaine actif, qui devrait beaucoup recruter dans les prochaines années. Quels seront les métiers en vogue quand vous arriverez sur le marché du travail ? Comment vous y former ? Professionnels et responsables de formation répondent.
Pierre Benech, Directeur de Phelma, école d’ingénieurs de physique, électronique, matériaux.
"La pyramide des âges atteste d’un certain vieillissement du personnel. En France, on était en train de s’endormir… Mais le spectre de l’augmentation du prix du pétrole et la peur de la raréfaction de l’énergie ont entraîné un redémarrage du nucléaire depuis 4 ans. Toute une série de projets a été lancée (dont le nouveau réacteur EPR). Il y aura donc un appel d’air dans tous les métiers. La recherche, la conception (cœur du réacteur) et la réalisation (BTP, équipement de contrôle, sécurité) seront les premiers secteurs concernés."
Quels choix d’études aujourd’hui ?
"Il est indispensable, quel que soit son parcours, de suivre un module de sensibilisation pour acquérir une culture du nucléaire. On n’est pas très poétique dans ce domaine, et on ne manipule pas un morceau de combustible à la légère ! Il faut apprendre à respecter les consignes de sécurité et suivre les procédures pour ne pas s’exposer et impliquer les autres. La voie royale, c’est d’intégrer une formation d’ingénieur spécifique (génie nucléaire) comme la nôtre. D’autres écoles (Chimie Paris, l’École nationale supérieure de chimie de Montpellier, l’INSTN, les Mines de Nantes) placent facilement leurs étudiants, mais dans des champs différents."
Jérôme Eymery, Responsable du recrutement France chez Areva.
Quels sont les métiers qui recruteront d’ici à 5 ans ?
"Les grands groupes comme Areva se concentrent sur deux grands types de métiers : la conception des réacteurs et le cycle du combustible (extraction du minerai d’uranium, son traitement chimique, son enrichissement et la finalisation du combustible). Il convient de rappeler que le secteur du nucléaire n’emploie pas que des ingénieurs. Les personnes qui présentent un profil technique avec des compétences en mécanique ou en contrôle commande sont aussi recherchées."
Quels choix d’études aujourd’hui ?
"Qu’ils viennent des écoles d’ingénieurs ou de l’université, les étudiants doivent construire leur cursus en faisant de très bons stages afin de mettre en valeur leur formation technique et acquérir un excellent niveau d’anglais. Dans le secteur du nucléaire, les projets et les clients sont internationaux. Il faut donc être capable de travailler dans une équipe pluriculturelle. Les futurs candidats qui n’ont pas un très bon niveau en langues doivent impérativement se prendre en main pour progresser dans ce domaine."
Jean-Pierre Vermot-Desroches, Secrétaire du Comité professionnel des sociétés en assainissement radioactif.
Quels sont les métiers qui recruteront d’ici à 5 ans ?
"Globalement, le secteur du nucléaire a besoin de 10.000 personnes par an pendant 10 ans. Ce chiffre tient compte de la pyramide des âges et de l’apparition de nouveaux marchés. Les 4 grands domaines du nucléaire seront concernés par les embauches : les nouvelles constructions, la modification du parc nucléaire, la maintenance, le démantèlement des installations."
Quels choix d’études aujourd’hui ?
"C’est important que les entreprises puissent puiser dans un vivier de compétences le plus large possible. Parmi les établissements homologués par le Cefri (comité français de certification des entreprises pour la formation et le suivi du personnel travaillant sous rayonnements ionisants), l’INSTN est une école fondamentale qui développe de multiples programmes de formation pour l’industrie nucléaire."
Laurent Turpin, Directeur de l’INSTN (Institut national des sciences et techniques nucléaires)
Quels sont les métiers qui recruteront d’ici à 5 ans ?
"Tous les niveaux de qualification sont concernés par le renouvellement mécanique du personnel. Ce dernier phénomène va se traduire par le recrutement de plusieurs centaines d’ingénieurs et de techniciens supérieurs. Une autre tendance sera génératrice d’emplois : les gouvernements étrangers (Chine, Inde, Europe) demandent l’assistance de la France pour faire mûrir leur projet ou acheter de la technologie. Pour répondre à cette demande, les grands industriels hexagonaux vont devoir recruter, tout comme leurs prestataires en génie civil et en architecture industrielle."
Quels choix d’études aujourd’hui ?
"Le nucléaire reste un grand métier d’ingénieur. À un moment ou à un autre, on passe dans une usine ou par un bureau d’études. Il faut aimer ça ! Les jeunes doivent construire leur parcours dans une logique de double compétence en optant pour une formation initiale (généraliste, en mécanique…), puis pour une spécialisation dans le nucléaire. Je conseille d’éviter les affichages trop génériques comme “la sûreté”. Je ne pense pas que ce genre de cursus soit très attractif. Pour choisir une école ou une université, je recommande aux étudiants de privilégier les établissements qui ont une expérience dans la formation nucléaire."
Florence Schreiber, Directrice des ressources humaines de la DPI (Direction de la production et de l’ingénierie) d’EDF.
Quels sont les métiers qui recruteront d’ici à 5 ans ?
"Il y aura de la place pour beaucoup de monde ! Une grande variété de profils intéresse le secteur du nucléaire, aussi bien dans l’ingénierie (conception, construction et déconstruction des centrales) que dans l’exploitation nucléaire (conduite et maintenance) et à tous les niveaux de formation, de bac à bac +5. Le secteur de la recherche et développement (R & D) recrute également."
Quels choix d’études aujourd’hui ?
"Pour avoir le plus de chances d’être recruté, il faut aller vers les filières qui proposent des cursus en électrique, électrotechnique, automatisme, chimie, mécanique, génie civil et, dans une moindre mesure, en logistique et environnement. Des profils généralistes sont aussi recherchés. Quand une personne est engagée, par exemple à la conduite d’une centrale nucléaire, elle intègre pendant 2 ans un cursus de formation interne qui lui permet d’assimiler les détails de fonctionnement de l’installation en toute sûreté. Les salariés continuent ensuite à se former tout au long de leur parcours."