Étudiants, et si votre engagement associatif passait par la coloc' ?
Partager sa vie quotidienne avec d'autres étudiants tout en s'investissant dans un projet citoyen : tel est le principe des "koloc's solidaires" de l'Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), qui se développent peu à peu en France. Une idée venue de l'université catholique de Louvain en Belgique où ce mode de logement est une véritable institution.
"La plupart des associations présentes dans les quartiers en difficulté organisent des événements durant la journée. Nous, nous vivons ici, ce qui signifie que nous sommes présents le soir et le week-end, comme les autres habitants. Étudiant en master d'urbanisme à Grenoble, Étienne, 22 ans, fait partie d'une "kolocation à projets solidaires" ou "kaps", dans le quartier du Mistral. Le principe de cette initiative lancée par l'Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) ? Réunir, dans des appartements de trois à six chambres, des étudiants désireux de s'investir dans un quartier pour favoriser la mixité sociale.
"Notre rôle est de tisser des liens à travers l'organisation d'événements comme les 'gratuiteries' : les gens viennent avec les objets dont ils ne veulent plus, et peuvent repartir avec ceux que déposent les autres, tout en partageant un petit déjeuner", décrit Étienne. Parmi les autres projets menés cette année, la disco-soupe : "on a récolté des légumes sur le marché puis invité les habitants à venir la préparer, puis la déguster avec nous dans une ambiance festive", explique-t-il.
D'une manière générale, faire partie d'une kaps est, comme il le dit, "l'occasion d'échanger avec des gens auxquels on n'aurait jamais parlé sinon, et aussi de relativiser l'image qui colle souvent aux quartiers défavorisés. Le Mistral, par exemple, est largement associé au trafic de drogue mais au-delà d'un espace investi par les dealers, le reste du quartier est très paisible et convivial", assure le jeune homme, ravi de cette expérience associative qui lui a aussi permis de rencontrer non seulement ses colocataires, mais plus largement la cinquantaine d'étudiants investis dans le quartier.
Des colocs qui engagent
Expérimentées depuis 2010, les kaps se répandent peu à peu en France, rassemblant aujourd'hui 400 étudiants dans 17 villes . Cependant, les effectifs se concentrent surtout au Mistral à Grenoble (60 étudiants), au Mirail à Toulouse (70) et à Oullins dans la banlieue lyonnaise (90).
À la rentrée 2015, de nouvelles colocations doivent ouvrir à Vaux-en-Velin, également en bordure de Lyon, et dans le 13e arrondissement parisien. En 2016, ce sera au tour du quartier de La Chapelle, dans le nord de la capitale, d'accueillir des "kapseurs". L'Afev espère ainsi atteindre un millier d'étudiants en 2017.
Culture de jardins partagés, ateliers cuisine, publication d'un journal local ou encore animation d'un vélo-café itinérant pour favoriser les échanges entre habitants… Les actions peuvent être diverses. À côté des projets collectifs, qui demandent un investissement d'environ 3 à 5 heures par semaine, les étudiants peuvent s'engager à accompagner individuellement un jeune du quartier, comme le font les autres bénévoles de l'Afev.
De son côté, l'association s'occupe, en partenariat avec le Crous ou des bailleurs sociaux, de trouver les logements, qui peuvent ou non se situer dans des résidences étudiantes. À charge pour le jeune de payer son loyer, d'un montant avoisinant les 250 ou 300 €.
"Discosoupe" organisée par les Kapseurs du quartier du Mistral à Grenoble. // © Afev
Un dispositif d'inspiration belge…
Les koloc' solidaires de l'Afev s'inspirent d'un dispositif mis en place à Louvain-la-Neuve, en Belgique, depuis 40 ans, et dont elles ont d'ailleurs conservé le nom : "kaps" est en effet l'acronyme de "kots-à-projet", un "kot" désignant en flamand une chambre étudiante (à l'origine, le terme signifiait même placard à balai…). Organisé par l'université catholique de Louvain, dont la mission englobe le logement des étudiants, contrairement à la France où cette compétence est du ressort des Crous, le système des kaps est aujourd'hui une véritable institution.
En 2015, 800 étudiants sont engagés dans 80 projets qui, contrairement aux koloc' de l'Afev, n'ont pas tous une teinte solidaire ou sociale. Les thématiques sont extrêmement diverses, de la dégustation de bière (Brassikot) à la sensibilisation au handicap (Kotidien), en passant par la prévention des maladies sexuellement transmissibles (Kap Hot), la musique (Kot-é-rythmes, Kot et mix…) ou le théâtre (Improkot).
Chaque année, les équipes en place se renouvellent partiellement et d'autres se constituent autour de projets inédits. Des "soupers de recrutement" sont organisés à cette fin, tandis que la "foire des kots-à-projet" est l'occasion de présenter les activités de chacun.
Si l'UCL compte 15 % d'étudiants étrangers, majoritairement français, ceux-ci sont peu nombreux à faire partie des kaps, car encore faut-il connaître ce dispositif. C'est par des amis belges que Valentin, 24 ans, en a entendu parler. Étudiant en histoire de l'art, le jeune homme est venu passer un an à Louvain-la-Neuve : après ma licence à Tours et un échange universitaire au Costa Rica j'avais envie de bouger et l'UCL a la réputation d'être une bonne université avec une vie étudiante dynamique", explique-t-il.
Des étudiants de l'université de Louvain engagés dans le "Kot Verdom" pour défendre la culture belge. // © S.Blitman
…source d'une vie étudiante dynamique
Une fois son inscription validée, Valentin se renseigne auprès de l'université qui lui indique les kots où il reste des places disponibles, et après un échange téléphonique avec les étudiants de Kot Verdom, le voilà qui intègre cette association centrée sur la défense de la culture belge, "flamande et wallonne", précise-t-il. Au programme : projections de films, organisation d'un souper moules-frites, dégustation "cheese and beer" en compagnie d'un zythologue (comprenez un spécialiste de la bière), visite d'une brasserie, déplacement au stade pour soutenir les Diables rouges, l'équipe nationale de foot… En un an, Valentin est devenu incollable sur la recette des spéculoos et l'histoire de la monarchie belge !
"En tout, on est dix 'kokoteurs', raconte-t-il. Toutes les semaines, on a une réunion pour se répartir les tâches et voir où chacun en est, c'est une ambiance qui ressemble un peu aux scouts. Ensuite, à chacun de s'organiser pour concilier ce calendrier avec ses études".
Au quotidien, la colocation fonctionne sur le mode collectif : "on organise régulièrement des 'dîners commu' où deux personnes préparent le repas pour tout le monde, raconte Valentin pour qui, "au-delà du projet associatif, la vie communautaire est en elle-même un argument pour venir étudier à Louvain !"
Pour en savoir plus sur les kots-à-projet de l'université catholique de Louvain, lire l'article d'EducPros.
Pratique
Faire partie d'une kaps en France…
Après inscription sur le site des "kolocations solidaires" de l'Afev, vous devrez passer un entretien puis rédiger une lettre de motivation pour confirmer votre volonté de vous engager dans une kaps. Celles-ci sont ouvertes à des jeunes étudiants, apprentis ou volontaires de moins de 30 ans, en capacité à payer leur loyer, et surtout motivés par la démarche.
… ou à l'université catholique de Louvain
Si vous êtes en France, vous trouverez toutes les informations sur le portail des kots-à-projet. Les frais de scolarité à l'UCL se montent à 835 € pour les ressortissants de l'Union européenne, avec des dégrèvements possibles pour les boursiers. Quant au loyer pour une kaps à Louvain-la-Neuve, il s'élève à environ 300 €.