Classement des collèges : comment ces établissements ont pulvérisé leurs résultats au brevet
Entre 2014 et 2017, certains collèges ont vu leur taux de réussite au brevet passer de 50 ou 60 % de réussite à près de 100 %. Comment expliquer ce phénomène ? L'Etudiant a enquêté auprès de trois établissements concernés pour comprendre les ressorts d'une telle progression.
40 points en quatre ans. Cela fait en moyenne 10 points chaque année. C’est la progression du taux de réussite au DNB (diplôme national du brevet) des collèges Roger-Salengro à Charleville-Mézières (08), Marcel-Pagnol à Caen (14) et de La Haute Vezouze au Cirey-sur-Vezouze (54). Ces établissements sont respectivement passés de 60 %, 46 % et 61 % de réussite au brevet, en 2014, à 97 %, 88 % et 99 % en 2017. Comment expliquer cette évolution exceptionnelle ?
La mixité sociale : l’élément clé ?
Dans ces trois établissements, les résultats se sont nettement améliorés en peu de temps. Deux d’entre eux ont un point commun : sur la période concernée, la mixité sociale s’est largement développée. À Caen, le collège Marcel-Pagnol était auparavant victime d’un “phénomène d’évitement”, explique Brigitte Lacoste, la principale. “Les familles des catégories socio-professionnelles supérieures se dirigeaient vers le privé ou bien allaient vers d’autres établissements grâce à des dérogations.” Par conséquent, les élèves du collège étaient les plus défavorisés, ce qui n’incitait pas davantage les familles favorisées à y placer leur enfant. “C'était un cercle vicieux”, souffle la principale.
À partir de 2015, tout a changé. “Notre collège a été classé REP+ et a bénéficié de moyens supplémentaires : les professeurs ont une heure de concertation par semaine, contribuant à une amélioration du taux de réussite. Cela a également permis d'inscrire deux heures par semaine d’aide aux devoirs dans l’emploi du temps de tous les élèves, explique Brigitte Lacoste. De fait, les familles favorisées rechignent moins à faire venir leurs enfants ici.” Résultat : en 2014, aucun élève des catégories sociales favorisées de l’école primaire (parmi les quatre du secteur) n’allait à Marcel-Pagnol. En 2017, plus de la moitié d'entre eux s’y sont inscrits.
Football et golf, des filières d'excellence
Au collège de La Haute Vezouze, l'évolution a été la même, mais pour des raisons différentes : “Il y a trois ans, raconte Isabelle Bauler, la principale de l’établissement, le secteur bénéficiait de la présence de trois petits collèges. Deux ont fermé et leurs élèves sont naturellement venus s’inscrire à Cirey. Nous sommes passés de 150 collégiens à 350… et ce sont beaucoup de bons élèves qui sont arrivés.”
Le collège Roger-Salengro, classé REP+, accueille 80 % d’élèves issus de familles de catégories socio-professionnelles défavorisées. Il propose deux filières d’excellence : football et golf. “Nous sélectionnons à la fois sur les performances sportives et scolaires”, précise Bruno Mounichetty, le principal du collège.
Les bons élèves de ces collèges obtiennent logiquement le brevet. Mais, désormais, les collégiens les plus en difficulté au départ réussissent également. L’arrivée des “bons” profite à tous, selon Brigitte Lacoste. “Les meilleurs ne souffrent pas d'être dans un établissement avec des élèves fragiles. Les études montrent que les bons élèves réussissent partout, et surtout, ils tirent vers le haut ceux qui se trouvent en grande difficulté.”
Un fort accompagnement des élèves
L’accompagnement des collégiens contribue à leur réussite. “Le Parcours Avenir, mis en place à la rentrée 2015, est très important, assure Bruno Mounichetty. Les enseignants suivent les élèves dès la sixième, afin qu'ils deviennent les moteurs de leur projet. C'est une source de motivation.”
Mêmes préoccupations au collège de La Haute Vezouze : ici, un gros travail autour de l'orientation est mis en place. “Nous cherchons à proposer aux élèves la voie qui leur convienne le mieux. Aux élèves en difficulté – on parle ici d'une moyenne générale autour de 6/20 ou moins –, nous parlons davantage de l'orientation vers une troisième prépa professionnelle par exemple, plutôt que vers une troisième générale qui les mènerait à l'échec.”
Au collège Marcel-Pagnol, le classement en REP + a “donné un nouvel élan à l'équipe”, relève Brigitte Lacoste. “Les enseignants ne comptent pas leurs heures pour accompagner les élèves.” Le travail de la vie scolaire est essentiel : “Ils font un gros travail pour repérer, par exemple, les premiers signes de décrochage, les premières absences. En trois ans, l’absentéisme a été divisé par deux”, se réjouit la principale.
Le nouveau brevet plus… bienveillant ?
Par ailleurs, depuis la session 2017, un nouveau format du brevet est en place. L’une des principales innovations est la prise en compte des “évaluations de compétences”, et non plus seulement des notes obtenues en cours d’année ou lors des épreuves terminales. Le brevet 2018, qui connaît lui aussi quelques modifications, conserve ce système.
La progression du taux de réussite de ces trois collèges a débuté avant la mise en place de cette formule. Toutefois, celle-ci ne serait pas étrangère à une meilleure réussite des élèves. “Elle a permis de valoriser les profils qui peuvent avoir des difficultés dans certaines matières, indique Isabelle Bauler. La prise en compte des compétences leur permet de rattraper des mauvaises notes ailleurs.” Selon la principale, cette formule est “plus juste et n’empêche pas un élève d’avoir le brevet s’il a une très mauvaise note en maths, par exemple.” “L'an dernier, le contrôle continu par compétences et l'oral avaient une place très importante, et il n’était pas alors nécessaire d'être très performant à l’écrit pour obtenir son brevet”, renchérit Bruno Mounichetty.
L’évaluation a ainsi favorisé les élèves… mais aussi les résultats au brevet. Des enseignants ont fait remonter certaines pratiques qui visent à rehausser les notes dans le but d’améliorer le taux de réussite de l'établissement. Mais, cette année, les épreuves terminales auront un coefficient plus important, équivalent aux compétences. “Les taux de réussite pourraient baisser. Mais c'est une bonne chose : il ne faut pas que le brevet soit distribué sans le moindre effort”, indique Bruno Mounichetty. Réponse en juillet prochain, au moment des résultats de la session 2018.