Des jeunes chercheurs racontent leurs premiers pas en doctorat
Si se lancer dans l'aventure du doctorat reste une vocation pour les étudiants-chercheurs, la question du financement et de l'intégration dans un milieu académique qui possède ses propres codes, n'est pas toujours facile à appréhender.
S’imprégner de nouveaux codes. C'était l'un des premiers défis qu’a dû relever Léonard, 32 ans, inscrit en première année de doctorat à l’ENSAD (École nationale des arts décoratifs), au sein de la formation doctorale SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche) de l’université PSL.
"J’étais intéressé par la recherche, mais je ne connaissais pas vraiment ce milieu. Ce n’est pas mon monde", confie l’étudiant-chercheur, formé à l’ébénisterie chez les Compagnons du Tour de France.
C’est durant ses quatre années d’études à l’Ensad entre 2019 et 2022 qu’il commence à découvrir et à s'intéresser au monde de la recherche. "J’allais à des colloques, je me renseignais sur les sujets et j’ai fini par voir un parallèle avec le compagnonnage", poursuit l’étudiant qui a fait une année de pré-doctorat à l’Ensad Lab afin de s’initier au monde académique.
Trouver un financement pour sa thèse
Chaque année, environ 15.000 docteurs sont diplômés en France. Cependant, faire de la recherche et être financé n'est pas une mince affaire. Pour espérer être admis en "D1" (première année) et y rester jusqu’à l’obtention du doctorat, mieux vaut être préparé, accompagné et financé.
Ainsi, à la rentrée 2022-2023, huit doctorants sur dix inscrits en 1re année de doctorat ont pu bénéficier d’un financement. Selon le domaine scientifique, de fortes disparités subsistent.
Pour Éloïse, 24 ans, signer un contrat doctoral avec l’École doctorale 483 Sciences sociales de l’université de Lyon (69) lui a permis de démarrer sa première année de thèse avec sérénité. "Si je décide de me reposer en semaine, de faire du sport ou de me consacrer à ma thèse le week-end, je peux le faire", avance la jeune femme qui s’estime "bien lotie" contrairement à d’autres étudiants chercheurs.
Pétronille, elle, est doctorante en première année de psychologie et linguistique à l’université Paris 8 Saint-Denis (93). La jeune chercheuse a trouvé une entreprise, qui a accepté de financer son projet doctoral dans le cadre d'une Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche). Dans ce contexte, son entreprise d’accueil lui a également proposé, en amont, un poste de psychologue d'un an en Bretagne.
Apprendre à se positionner comme chercheur
Mais entre la recherche et la profession de psychologue, pas facile de se positionner pour la jeune femme. "La question de la répartition du temps de travail dans le cadre de la convention Cifre n’a pas toujours été claire. Mes directeurs de thèse penchaient pour 100% du travail en thèse (le temps terrain devait être dédié à la recherche et non à des suivis psychologiques) alors que la structure d’accueil proposait 75% en entretiens cliniques et entretiens de recherche indistinctement et 25% de recherche en labo…", explique-t-elle.
Une situation tendue et stressante pour la trentenaire, partagée entre ses encadrants qui lui font confiance en acceptant de soutenir son projet et la structure d’accueil, qui lui a accordé un financement.
Pour accompagner les chercheurs, certains dispositifs existent, à l'image de la formation "Se positionner comme jeune chercheur.e" créée en 2019 par Adoc Métis, société de conseil spécialisée dans la gestion des ressources humaines de l’ESR.
"C’est un peu la formation qu’on aurait aimé avoir en débutant notre doctorat", souligne Anna-Livia Morand, docteure et l’une des créatrices du programme. La formation offre un panorama de tout ce que les jeunes chercheurs doivent savoir durant le doctorat : comment s’intégrer dans le milieu académique, comment fonctionne l’enseignement supérieur, quels sont les droits et devoirs des doctorants…
"Ce dernier point n’est d’ailleurs pas toujours très clair pour les étudiants-chercheurs", développe Anna-Livia Morand.
Sans financement, transformer son terrain de thèse en opportunité
Mais tous les doctorants n'obtiennent pas de financement. Dans ce contexte, poursuivre sa thèse demande de faire preuve d'imagination. Sylvain, inscrit en quatrième année de sociologie et anthropologie politique à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne (42) n'a pas pu recevoir un financement approprié.
Pour poursuivre dans la recherche, le jeune homme est parvenu à transformer son terrain de thèse en opportunité en créant sa propre entreprise spécialisée dans la prise de parole en public.
"Quand on est en doctorat, la plupart des gens veulent finir enseignant-chercheur. Mais les places sont chères", affirme celui qui a été finaliste en 2024, du concours Ma thèse en 180 secondes.
En créant son entreprise, l'étudiant-chercheur peut à la fois financer ses études et avoir un débouché concret à l'issue de sa formation. Un type d'opportunité que d'autres peuvent-ils saisir ?