Au cœur de l’ENS Louis-Lumière : en tournage avec les futurs pros du cinéma
Au cœur de la Cité du cinéma à Saint-Denis, l’École normale supérieure Louis-Lumière forme aux métiers du cinéma, du son et de la photographie. Réputé très technique, l’établissement laisse aussi place à la pratique et garantit une vraie polyvalence à ses étudiants.
"Moteur... Action !" Depuis ce matin, les scènes s’enchaînent dans le studio de l’École normale supérieure Louis-Lumière. Sur le plateau, les étudiants s’activent autour des comédiennes. Derrière la caméra, en train de régler les lumières, ou la perche en main, chacun a un rôle bien précis : "Ils forment une mini-équipe de cinéma", explique leur professeur, Tony Gauthier. Une mini-équipe qui regroupe huit étudiants en "cinéma", et quatre en "son", deux des spécialités proposées à Louis-Lumière. La troisième est dédiée à la "photographie".
Sur les plateaux comme des pros
"Coupez !" Ariane retire son casque et retourne sur le plateau pour donner quelques conseils aux comédiennes. Son rôle ? Réalisatrice, le métier de l’image par excellence. Mais les étudiants en cinéma de Louis-Lumière touchent à tout : cadreur, assistant caméra, directeur de la photographie, électro-machino… À tour de rôle, ils occupent chacun de ces postes au fil des projets. Le principe est le même au son ; aujourd’hui, c’est Thibaut qui est le chef-opérateur. Assis derrière une table de mixage, un casque sur les oreilles, il règle les niveaux d’enregistrement. Sur le plateau, deux de ses camarades jouent les perchistes. Le plus dur ? Garder la perche où est fixée le micro hors du cadre de la caméra.
"Pour cet exercice, on part de la page blanche pour aller jusqu’à la salle de cinéma", résume Tony Gauthier. Les étudiants disposent de tout le matériel nécessaire et ont reçu en amont des cours théoriques qui balaient les notions physiques du fonctionnement de l’œil et de la lumière, mais aussi les procédés pour apprendre à se servir d’une caméra ou à construire "un plan de feu" : "C’est le plan des lumières pour une scène", précise Clément, perché sur un tabouret, en train d’accrocher différents spots sur un "grill".
Dans ce deuxième studio, une autre équipe de cinéma prépare le plateau pour un tournage qui aura lieu le lendemain. Les étudiants installent les différents projecteurs, testent les lumières et se familiarisent avec une nouvelle caméra : montée sur un chariot placé sur rails, elle permet de faire des travelings, c’est-à-dire qu’elle opère des déplacements dans l’espace : "C’est la première fois qu’ils l’utilisent, expose Sylvie Carcedo, intervenante pour le cours. Je leur montre comment la manier en toute sécurité, et comment bien se placer pour filmer", décrit-elle, pendant que Naomi, réalisatrice et cadreuse sur ce projet, est penchée sur l’objectif.
Dans ce deuxième studio, une autre équipe de cinéma prépare le plateau pour un tournage qui aura lieu le lendemain. Ils installent les différents projecteurs, testent les lumières et se familiarisent avec une nouvelle caméra : montée sur un chariot placé sur rails, elle permet de faire des travelings, c’est-à-dire qu’elle opère des déplacements dans l’espace : "C’est la première fois qu’ils l’utilisent, expose Sylvie Carcedo, intervenante pour le cours. Je leur montre comment la manier en toute sécurité, et comment bien se placer pour filmer", décrit-elle, pendant que Naomi, réalisatrice et cadreuse sur ce projet, est penchée sur l’objectif.
Du laboratoire argentique aux logiciels 3D
C’est derrière un autre objectif qu’Élise, étudiante en deuxième année de photographie, se cache aujourd’hui. Elle déroule une toile violette, couleur de fond qu’elle a choisie pour son projet : "Je vais prendre mon vélo en photo, et avec un logiciel 3D, je vais faire fondre les pneus", détaille-t-elle. Un exercice typique qui mêle la prise de vue et la postproduction, deux phases clés dans les métiers de ces futurs photographes, qui se résument rarement à appuyer sur le déclencheur.
Pour plonger ses étudiants dans la réalité du terrain, l’école a tissé de nombreux partenariats. Et voilà les étudiants de première année dans la peau d’un photographe-graphiste. Leur job ? Réaliser une affiche pour la Fondation Scelles, qui lutte contre la prostitution. Le principe : une photographie sans être humain, un titre, un texte court et un logo. "Ils ont dû trouver une idée de photo, prendre le cliché en studio et le retoucher sur ordinateur, explique leur professeur Franck Maindon. Maintenant, ils doivent créer leur affiche, choisir les couleurs, les bonnes proportions, etc."
Après Photoshop, ils manipulent maintenant InDesign pour la mise en page. Même si l’école a encore un laboratoire argentique, elle initie ses élèves aux nouvelles technologies. Maya ou After Effects, qui permettent de travailler en 3D, font partie de la panoplie de logiciels disponibles dans les laboratoires numériques, à côté des imprimantes 3D… mais non loin des chambres noires.
La théorie pour mieux pratiquer
Pour maîtriser au mieux la retouche d’image, les étudiants avalent, comme leurs camarades en son et en cinéma, des heures de cours théoriques : théorie des arts et esthétique, histoire de la photographie, optique… entre deux détours dans les laboratoires de sensitométrie et de colorimétrie : "Là, on essaie de voir si la qualité de la lumière varie en fonction de son intensité", résume Jade, étudiante en première année.
Dans le noir, avec une seule lampe qui éclaire un petit carré blanc, elle et ses camarades mesurent la température et l’indice de rendu des couleurs. Le but : vérifier la qualité d’une source, autrement dit, d’une lumière. "Pour voir si elle va distordre les couleurs ou si elle permettra de bonnes prises de vue", complète le professeur, Alain Sarlat.
Et si on mixait les Beatles ?
Les cahiers sont également de sortie pour les étudiants en première année de son, à l’étage du dessous. Quatre d’entre eux écoutent les conseils de leur professeur, Pascal Spitz. Devant eux, une immense table de mixage, flanquée de dizaines de boutons, et deux écrans. En face, une vitre légèrement teintée donne sur une grande pièce où l’on distingue un piano ; pas de doute, nous sommes dans la régie d’un studio d’enregistrement.
Mais avant de toucher à toutes les manettes, quelques explications ne sont pas de trop : "Vous devez définir votre projet esthétique sonore, affirme Pascal Spitz. En fonction du style musical, l’orientation sonore n’est pas la même : on ne fait pas le même mixage pour du rock ou pour de la funk."
Après une bonne heure de théorie, place à la pratique : par groupe de deux, les étudiants doivent mixer un morceau des Beatles. Première étape : l’écouter. Puis, grâce à un logiciel, les pistes de chaque instrument s’affichent. Le but du mixage ? Privilégier la voix ou la guitare sur le piano ou la batterie, ajouter des effets, effacer les défauts… Un travail – technique – d’artiste !
En studio son
… Et un travail qui fait surtout rêver Lisa et Salomé, à l’autre bout du couloir. Derrière leurs écrans, où les pistes défilent, les deux étudiantes de troisième année bougent au rythme de la musique qui résonne dans la salle. De l’autre côté de la vitre, Tristan, chanteur d’un jeune groupe, scande ses paroles dans le micro. "On refera ce passage-là", prévient Salomé.
Hier, Des Corps Inconnus (groupe funk rock) a enregistré la musique de quatre titres, sous la houlette des deux jeunes filles : "On place les micros sur les instruments, on surveille l’enregistrement, on donne des conseils sur l’interprétation", énumère Lisa. Comme au cinéma, plusieurs prises sont souvent nécessaires. Parfois pour répéter un simple couplet, ou même juste une phrase. Après l’enregistrement, place au montage et au mixage.
La production de cet EP est un projet personnel pour Lisa et Salomé. Pourtant, il n’est pas toujours facile de dégager du temps libre en dehors de la quarantaine d’heures de cours qu’enchaînent les étudiants de Louis-Lumière. "On travaille la nuit, et pendant les vacances", plaisante un groupe d'étudiants en photographie, en pause dans la cafétéria. Malgré ce rythme soutenu, ils gardent le sourire et parviennent même à s’occuper de leur association, 48+, qui propose notamment des expositions. "Et nous devons aussi trouver un stage, s’inquiète Marie-Pierre, mais les professeurs nous suivent de près, ils nous connaissent plus personnellement au fil des mois et nous conseillent sur nos choix."
Pour ses 150 étudiants, Louis-Lumière fait figure de seconde maison. Une maison où l’on peut croiser, dans la galerie qui fait office d’accueil, les voitures volantes du "Cinquième Élément", ou le traîneau du Père Noël de "Santa & Cie". L’ingénieur du son, le responsable du montage et deux assistants caméra de ce dernier film sont d’ailleurs d’anciens élèves de l’école ; presque chaque mercredi, des techniciens passés par Louis-Lumière apparaissent aux génériques des derniers films.
Chaque spécialité – cinéma, son, photographie – de l’ENS Louis-Lumière a son propre concours d’admission. Ces concours sont ouverts aux titulaires d’un bac+2, âgés de moins de 27 ans. Seize candidats sont sélectionnés pour chaque cursus. Le concours se déroule en trois phases : un QCM (questionnaire à choix multiple), des exercices écrits et un entretien. La connaissance de la culture du média choisi est indispensable. Les annales et le programme des concours sont en ligne. Une classe Égalité des chances est ouverte aux boursiers qui souhaitent préparer les concours.
Le cursus se déroule en trois ans, qui incluent des stages (obligatoires sauf en cinéma), et la possibilité d’un échange à l’étranger. Un diplôme de master leur est délivré au terme de la formation.
L’ENS étant une école publique, les frais d’inscription se limitent à des frais universitaires (environ 300 € par an).