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"On espère lancer un mouvement de fond" : à Bordeaux, les écoles d’art mobilisées

Une manifestation à Strasbourg contre le manque de budget dans les écoles d'art.
Une manifestation à Strasbourg contre le manque de budget dans les écoles d'art. © Frederic MAIGROT/REA
Par Amandine Sanial, publié le 14 mai 2024
5 min

Quelques semaines après que la ministre de la Culture, Rachida Dati, a déclaré envisager la fermeture de "certaines écoles" d’arts et de design, syndicats et associations ont appelé à une mobilisation nationale ce lundi 13 mai. Une délégation regroupant plusieurs écoles a convergé à Bordeaux pour faire entendre leurs revendications auprès de la Drac.

Réunis autour d’une table dans un café de Bordeaux, une dizaine de professeurs, étudiants, mais aussi une artiste plasticienne et une autrice de BD peaufinent la liste des doléances. Dans quelques minutes, alors que les principaux syndicats et associations d’écoles d’art et de design ont rendez-vous au ministère de la Culture à Paris, ils seront reçus à la Drac Nouvelle-Aquitaine pour faire remonter leurs revendications.

En cause : la situation dramatique des écoles d’art territoriales, qui risque de s’accentuer si l’on en croit les propos de la ministre de la Culture. Auditionnée le 19 mars dernier à l’Assemblée nationale, Rachida Dati y évoquait la possibilité de "fermer certaines écoles", en soulignant le manque de moyens financiers.

Des propos qui ont poussé les organisations syndicales à agir vite : "On guettait les premières prises de parole publiques, et on a été horrifiés. Ça a mis le feu aux poudres", explique Camille de Singly, enseignante à l’Ebabx de Bordeaux et syndiquée au Snéad-CGT.

Alerter sur la responsabilité de l'État vis-à-vis des écoles d'art

Si les 34 écoles d’arts et de design publiques sont au bord du gouffre, c’est en effet par manque de financements, à quoi vient s’ajouter un problème structurel : placés sous le statut des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), les écoles d’art territoriales sont financées principalement par les collectivités locales, mais dépendent du ministère de la Culture.

"Les déclarations de la ministre marquent un changement de position du ministère, s’inquiète Florent Lahache, enseignant en philosophie à l'Ebabx et syndiqué au Snéad-CGT. Là, Rachida Dati dit explicitement que si les financeurs territoriaux veulent se désengager, l’État ne s’y opposerait pas. C’est un signal grave : se dire que les écoles d’art dépendent des élections municipales, c’est inquiétant."

En rencontrant la Drac, les professeurs, artistes et étudiants espèrent ainsi alerter sur la responsabilité de l’État dans la situation actuelle des écoles d’art, mais aussi sur leur futur. "On a besoin d’un soutien de la part de la Drac, et qu’elle se positionne sur ce qu’elle veut comme enseignement artistique dans sa région", abonde Yann Grolleau, enseignant à l’EESI sur le site d’Angoulême.

Les écoles de Pau-Tarbes et Angoulême en danger

À l’instar de l’ESAD de Pau-Tarbes, qui fait face à de grandes difficultés financières et à un manque de personnel, l’EESI fait partie des écoles particulièrement en danger dans la région : l’option art va être orientée pour se concentrer désormais sur la bande-dessinée. "Sous couvert de renforcer un parcours BD, toutes les autres pratiques sont fragilisées. Le fait de donner trop de place à un des domaines fait que les autres n’en ont plus", explique Yann Grolleau.

Hors de la région, d’autres établissements sont même menacés de fermeture, comme l’école des beaux-arts de Chalon-sur-Saône. Pour Lucile Maisonneuve, qui y a étudié avant son master à Bordeaux, la mobilisation du jour doit aussi permettre de parler d’une seule voix : "Je suis ici pour défendre les petites écoles. L'enseignement à Châlons était hyper riche, c'est primordial de maintenir les écoles comme celle-ci. Je suis aussi présente pour l'après, car on ne sait pas ce que vont devenir les écoles d'art."

S’agissant de l’Ebabx, l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, la situation financière semble moins catastrophique que ce qui avait été annoncé l’an passé. "Nous sommes dans une école qui pour l’instant n’a pas de problème, mais ça pourrait être notre tour demain. Aujourd’hui, on porte aussi la voix des autres écoles. Il y a un sentiment de solidarité très fort qui s’est installé", résume Florent Lahache.

Une proposition de loi pour les artistes-auteurs

L’inter-organisation dresse une liste de revendications claires, qui comprend un secours financier aux écoles en danger qu’elle chiffre à 20 millions d’euros, ainsi qu’une exonération des droits d’inscription pour les étudiants boursiers.

Mais la liste ne s’arrête pas aux murs des écoles : les syndicats et associations soutiennent une proposition de loi pour la "continuité de revenus", qui permettrait notamment aux artistes-auteurs d’accéder à l’assurance chômage et qu’ils défendront le 20 mai à l’Assemblée.

Au-delà des écoles, c’est tout l’écosystème de l’art qui est en jeu : "On espère lancer un mouvement de fond, plus large, sur la situation de l’art et de la culture, détaille Florent Lahache. Et on ne pourra pas le faire si on ne se regroupe pas tous, écoles, professeurs, artistes et étudiants."

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