École de commerce : vers la fin du modèle PGE ?
La baisse du nombre d'élèves en prépa économique a des conséquences directes sur le programme Grande école, cursus phare des écoles de commerce.
Cette année plus que les autres, la question de l’attractivité des écoles de commerce se pose. Si les plus grandes d'entre elles – comme HEC, Essec, ESCP, Edhec ou emlyon – n’ont aucun mal à remplir leurs rangs, celles en milieu de tableau souffrent. En 2023, 11 écoles post-prépa sur 24 n’ont pas fait le plein.
Est-ce le signe de la fin du modèle ? Rien n’est moins sûr. "Les écoles de commerce comme les formations en management ont acquis leurs lettres de noblesse. Elles amènent à des types de métiers très variés qui ont aujourd’hui toute leur place dans la société", résume ainsi Pierre Tapie, directeur de Paxter, un cabinet de conseils, et ancien directeur général de l’Essec.
Le modèle de la prépa, un OVNI ?
Une vision partagée par Thomas Roux, directeur de Xerfi, une société d’analyse de marché. "Les écoles de commerce sont toujours très attractives. Le juge de paix reste le placement des étudiants sur le marché du travail. Et aujourd’hui, les formations sont adaptées, avec des taux d’insertion très bons."
C’est finalement le modèle PGE (programme Grande école) post-prépa qui semble aujourd’hui interroger. "Le modèle grande école à la française n’est pas remis en cause. Ce qui l’est, c’est celui de la classe prépa qui est un OVNI à l’international. Or les écoles de commerce se fondent sur un marché international. Beaucoup d’étudiants préfèrent suivre des études dans des établissements étrangers en Italie, en Suisse ou ailleurs", estime ainsi Elian Pilvin, directeur général de l’EM Normandie.
Pour Thomas Roux, ce modèle est toujours valide pour les dix premières écoles de commerce qui remplissent largement leurs promotions. "Il y a eu une hausse massive des effectifs dans les programmes des établissements de haut de tableau. Les candidats se précipitent sur ces grandes écoles, ce qui assèche le vivier de ceux prêts à aller dans les écoles de milieu de tableau", confirme aussi Pierre Tapie.
L’EM Strasbourg en a fait les frais cette année avec... 128 places vacantes sur les 220 ouvertes. "Toutes nos écoles de commerce se portent bien, mais sur la filière post-prépa, la baisse des effectifs est liée à la baisse du nombre de candidats et non à une baisse d’attractivité", nuance Babak Mehmanpazir, nouveau directeur général de l’école strasbourgeoise.
Les écoles diversifient leur offre de formation
Pour pallier cet assèchement, de nombreux responsables ont changé de modèle économique. En plus de leur PGE, la majorité propose des bachelors, BBA, mastères spécialisés et autres masters of science. Même HEC, qui a très longtemps résisté, ouvre, à la rentrée 2024, un bachelor international avec l’université italienne de Bocconi.
L’EM Normandie, de son côté, a anticipé cet essoufflement du modèle dès 2006. "Nous avons fait le pari de réorienter le marché naturel de l’école vers le post-bac, tout en conservant une partie de nos effectifs post-prépa. Et aujourd’hui, nous sommes l’un des leaders sur ce segment", analyse Elian Pilvin.
Un choix judicieux pour l’école qui "accueille plus de meilleurs élèves en post-bac qu’en post-prépa". Elle tire aussi son épingle du jeu avec ses autres programmes bachelors, BBA et internationaux.
Une diversification que l’EM Strasbourg a aussi impulsée avec des bachelors, des mastères spécialisés et un recrutement international. L’ouverture d’un PGE post-bac se pose aussi à plus long terme.
Mais ce développement de nouveaux programmes français et internationaux tous azimuts risque encore de réduire le nombre d’étudiants en prépa économique… jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus ?
Notre dossier spécial classement 2024 des grandes écoles de commerce