Oral de français du bac : l'incertitude angoisse les lycéens
Ils ne se sentent pas préparés à une épreuve dont ils ne savent toujours pas si elle se tiendra. Une situation difficile à vivre pour les élèves de première, qui alertent sur leur état de stress, mais aussi sur les inégalités que cela provoque.
Alors que la France se déconfine progressivement, au rythme des annonces gouvernementales, la période est particulièrement incertaine pour les quelques 530.000 élèves de première générale et technologique : l’oral du bac de français se tiendra-t-il ? Une inconnue que les lycéens sont loin de vivre sereinement.
"On ne sait pas qui croire"
"On est dans l’incertitude depuis un mois et c’est très stressant", témoigne Clara, élève de première à Paris. Oral ou pas, pour Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, cela ne devrait pas empêcher les élèves de se préparer, au cas où. Le 11 mai, il déclare ainsi sur BFM que "les élèves [le] remercieront dans dix ans, en se souvenant de leur lecture de 'Phèdre' pendant le confinement."
Mais le quotidien de tous les élèves de première n’est pas si facile. "Au début du confinement j’ai commencé à travailler l’oral puisqu’il était maintenu, mais finalement on ne sait pas et j’ai l’impression de travailler pour rien", se désole Clara, qui a écrit une lettre au ministre pour lui faire part de sa situation.
La lycéenne, qui se décrit comme une très bonne élève, ne mâche pas ses mots : "On subit une pression de folie, on ne sait pas qui croire. On est en panique, des amis à moi ont fait des crises d’angoisse ! À son époque, le ministre n’aurait pas aimé travailler comme ça. J’espère qu’il est au courant de ce qu’il nous fait vivre !"
Manque de préparation à un oral inédit
À Grenoble (38), Elise, Héloïse, Roxane et Sidonie ont passé une partie de leur confinement à scruter les annonces. "À chaque fois que le ministre parlait, on espérait qu’il allait annuler l’oral." Lassées, elles ont fini par lui écrire pour lui demander d’annuler l’examen. Elles s’expriment ici d’une même voix.
"C’est normal d’être toujours stressé pour un examen, reconnaissent-elles, mais là le stress redouble !" Au-delà du manque d’informations, elles expliquent ne pas se sentir suffisamment préparées à l’oral, qui inaugure sa nouvelle forme en 2020. "Même si les lycées rouvrent, on sait qu’on ne pourra pas rattraper le retard et avoir un oral blanc."
Les syndicats lycéens, qui demandent également l’annulation de l’oral, observent ces difficultés. "Les élèves ne savent pas comment se préparer seuls", constate Grégory Abelli, permanent de la FIDL (fédération indépendante et démocratique lycéenne). "On ne sait pas s’organiser pour cet exercice spécifique qu’on n’a jamais fait, on a besoin des profs", confirme Yanis Di Bartoloméo, secrétaire national de l’UNL (union nationale lycéenne), qui a lancé récemment une consultation auprès de ses adhérents.
Inégalités renforcées pendant le confinement
Or, concernant l’implication des professeurs, "il y a une énorme disparité, résume le lycéen. Certains ont eu des cours en visioconférence, d’autres, aucun." Cette inégalité entre les candidats est dénoncée par tous les lycéens interrogés par l’Etudiant. "On doit préparer autant de textes alors qu’on n’a pas les mêmes conditions de travail à la maison", pointe Grégory Abelli.
Le nombre de textes en lui-même pose problème. Les élèves doivent en préparer 15 s’ils passent un bac général, 12 pour un bac technologique. Or, "certains élèves ont vu à peine 10 textes avant le confinement, rapporte le syndicaliste de la Fidl. Ce n’est pas le même travail de préparer un tiers des textes tout seul que de tout voir en classe avec le prof." Tous les élèves n'ont pas non plus eu l'opportunité de passer un oral blanc, avant ou pendant le confinement.
Même sans parler de l’implication des professeurs, Yanis Di Bartoloméo observe par ailleurs que "l’absence de cadre de travail a joué sur la motivation des élèves. Une grande partie d’entre eux n’a pas réussi à continuer à travailler pendant le confinement."
Situation d'incompréhension
Enfin, on sent chez ces élèves une certaine forme d’incompréhension. "Pourquoi l’oral est la seule épreuve maintenue, alors que toutes les autres ont été annulées pour des raisons autant sanitaires que pédagogiques ?" interroge Grégory Abelli.
Comme les autres, il ne comprend pas l’intérêt de maintenir l’épreuve : "Même si les profs seront indulgents, ce ne sont pas des conditions d’examen. On a l’impression d’être une génération test, une génération sacrifiée, on l’a déjà vu avec les E3C."
Une incompréhension qui pousse Clara à imaginer d’autres théories : "Le ministre parle tout le temps des décrocheurs, j’ai l’impression qu’il veut maintenir l’oral pour punir ceux qui ne travaillent pas."
Alors que les professeurs, les proviseurs et la quasi-totalité de la communauté éducative demandent l’annulation de l’oral, Jean-Michel Blanquer devrait statuer sur son sort ce vendredi.
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