Julien Vidal : "85% des métiers de demain existent déjà"
Artisan, banquière, restauratrice, berger ou lobbyiste, ils ont fait le choix de mettre leur profession au service de l'écologie et de la solidarité. Fiches métiers et témoignages, le podcasteur Julien Vidal leur a donné la parole dans un ouvrage dédié aux métiers d'avenir.
Après une carrière de quelques années dans l'humanitaire, Julien Vidal a lancé en 2016 le mouvement "Ça commence par moi" pour mettre en avant des initiatives écologiques et citoyennes. L'animateur du podcast 2030 Glorieuses vient de publier son troisième livre, Mon métier aura du sens, qui s'intéresse aux métiers d'avenir. Interview.
Le titre de votre ouvrage est une affirmation : "Mon métier aura du sens." Est-ce que ça veut dire que tous les jeunes exerceront demain un métier qui aura du sens ?
C'est à la fois une promesse pour les jeunes et un vœu pieu. Car étant donné que l'humanité fait face à des enjeux écologiques et solidaires primordiaux pour garantir la pérennité du vivant sur cette planète dans des conditions stables et décentes, on n'aura pas d'autre choix que de préserver et déployer les métiers qui ont du sens.
Le titre est une manière de viser l'étape d'après. En ce moment, on parle du fait de moins travailler, qui permettrait de réduire l'empreinte de nos économies. C'est intéressant mais ce n'est pas assez ambitieux. La question aujourd'hui n'est plus de faire moins mal, mais de faire bien, de remettre du sens profond, radical, ambitieux avec nos métiers.
On dit souvent que 85% des métiers de demain n'existent pas encore. A l'inverse, vous affirmez que 85% des métiers de 2030 existent déjà. Qui a raison ?
Ce chiffre est sorti de la tête de personnes membres du think tank de Dell, qui ne sont pas partis avec la vision la plus neutre de l'économie et du futur. Ils viennent avec un biais : défendre des intérêts économiques basés une technologie techno-futuriste.
Je viens avec un autre biais qui est de garantir la pérennité de l'humanité sur la Terre dans les décennies à l'avenir. Je dis qu'au contraire, on a l'occasion de réinventer nos modes de vie vers un modèle plus solidaire, plus durable. Mais aussi plus joyeux et vivant. Et dans cette direction, 85% des métiers existent déjà. C'est une estimation au doigt mouillé évidemment, mais depuis que j'anime le podcast 2030 Glorieuses, je réalise que l'expression métiers de demain est presque à bannir tant ces métiers existent. Ce sont des métiers que se déploieront largement demain.
L'ouvrage met en avant une trentaine de fiches métiers et témoignages. Comment les avez-vous choisis ?
Je les ai choisis de manière complètement aléatoire ou presque. Cela fait trois ans que je donne la parole à ces personnes, en essayant de varier, même si je ne propose pas un catalogue complet.
Vous expliquez que les limites planétaires et la neutralité carbone en 2050 vont rebattre les cartes du travail. Concrètement, quels secteurs seront concernés ?
Je me base sur des rapports qui existent déjà sur ces sujets. Par exemple le Plan de transformation de l'économie française du Shift Project, qui se demande à quoi ressemblera l'économie sous le prisme des enjeux écologiques et solidaires. Ils disent que d'ici 2050, 1.100.000 emplois seront créés et 800.000 détruits. Ils comptent par exemple 450.000 emplois en plus dans l'agriculture, 30.000 dans la forêt, 230.000 dans l'industrie du vélo, mais 86.000 en moins dans le logement…
Il va y avoir des grosses variations et des redirections. Je voulais montrer que l'écologie ce n'est pas que la fin de l'abondance, c'est aussi le début de plein d'autres abondances et de croissances. Ce sont tout un tas de métiers et de filières qui vont se développer. Par exemple ces dernières années on a vendu plus de vélos neufs que de voitures en France.
Les diplômés des grandes écoles font depuis quelques années de discours de rupture avec le modèle économique actuel. Est-ce que cela vous surprend ?
Cela ne me surprend pas du tout. Au contraire, ça fait partie de mes sources d'espoir, car ces étudiants osent déplaire à celles et ceux qui voulaient qu'ils cochent des cases. Ils osent s'écouter vraiment sans attendre la crise de la quarantaine pour se dire que ce n'est plus possible de gâcher tout ce temps à faire un boulot qui nous ne plaît pas et qui contribue à détruire le monde.
Ils le font aussi parce qu'ils ont conscience de leur responsabilité. Ils font partie des plus chanceux, de l'élite. Et les classes supérieures ont cette responsabilité de prendre la hauteur de vue dont ils disposent pour faire des choix que d'autres ne peuvent pas faire à leur place. C'est important car ça pose des modèles et des nouvelles attentes.
Quel conseil donneriez-vous aujourd'hui aux lycéens qui commencent leur processus d'orientation de plus en plus tôt ?
Je comprends qu'ils ne voient pas forcément de clé pour se libérer de Parcoursup, mais ce n'est pas grave. La quasi-intégralité des personnes à qui j'ai donné la parole ne font pas le métier pour lequel elles ont été formées. Je leur dirais donc qu'il n'est jamais trop tard pour trouver sa voie et tirer le fil de notre passion et de notre vocation. Cela se fait à coup de rencontres, de bénévolat, de service civique... Il ne faut pas que leur angoisse leur mette des œillères qui invisibilisent ces perches qui leur seront tendues.