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Interview

Nicolas Vanier : mes 20 ans

Par Propos recueillis par Séverine Tavennec, publié le 26 février 2010
1 min

Il n’a que 17 ans quand il prend son sac à dos et part à l’aventure pour la première fois. L’explorateur Nicolas Vanier parcourt ainsi le Grand Nord depuis plus de 30 ans. Des expéditions entrecoupées de retours en France, notamment pour passer un bac scientifique et faire des études d’ingénieur. Récit des voyages qui ont formé sa jeunesse.


Nicolas Vanier mes 20 ansQuels souvenirs gardez-vous de vos années lycée ?
 
J’étais pensionnaire dans un lycée agricole à Montargis, dans le Loiret. J’y suivais un bac D [devenu l’actuel bac S], option agronomique. Cet établissement se trouvait au milieu des champs. Je m’y sentais bien. Il faut dire que je revenais de loin : j’ai eu beaucoup de difficultés scolaires jusqu’en classe de 3ème. À l’époque, j’étais sur Paris et je détestais cette ville. Je n’étais définitivement pas dans mon univers. J’ai vécu mon enfance en Sologne et la nature me manquait. Cela influait sur mes résultats scolaires. Mes parents ont donc pris la décision de m’envoyer à Montargis. Dès l’instant où j’ai intégré ce lycée, j’ai obtenu de bons résultats et j’ai noué de nombreuses amitiés.

En fin de seconde, vous êtes parti pendant l’été en Laponie.

 
Adolescent, j’étais déjà très attiré par le Grand Nord. Rien pourtant n’explique cette passion. Dans mon entourage, personne ne partageait cette attirance. Mais un beau matin d’été, alors que j’avais 17 ans, j’ai pris mon sac à dos, direction gare du Nord à Paris, jusqu’à la dernière gare, Kiruna, située en Laponie suédoise. Cela ne me coûtait rien puisqu’à l’époque, la SNCF offrait aux jeunes un pass valable 2 mois, partout en Europe, pour une somme modique. Mon voyage a duré à peu près 30 heures. Pendant un mois, j’ai traversé à pied les vastes plateaux de Laponie, à la rencontre des éleveurs de rennes.

L’été suivant, vous avez opté pour le Canada.

 
Pour payer mon billet d’avion, j’ai travaillé occasionnellement en tant que docker au Havre, pendant un mois. J’ai pu vivre une belle aventure avec des amis, à savoir traverser le Canada en canoë sur les traces des Indiens montagnais, depuis la ville québécoise de Schefferville jusqu’à la baie d’Ungava.

Vous avez décroché votre baccalauréat l’année suivante et pris dans la foulée une année sabbatique.

 
J’avais entendu parler d’une expédition qui se montait, sponsorisée par la chaîne de télévision Antenne 2 [devenue aujourd’hui France 2], et dont le but était de traverser le Nouveau-Québec Labrador en traîneaux à chiens. J’ai harcelé ceux qui l’organisaient. Finalement, j’ai réussi à faire partie de l’équipe. Nous étions 4 à la composer : 2 Canadiens et 2 Français. J’étais le plus jeune. Les autres avaient tous entre 35 et 45 ans. Je conserve un merveilleux souvenir de cette première grande expédition.

Que pensaient vos parents de vos escapades ?

 
Déjà, j’avais décroché mon baccalauréat, ce qui leur tenait beaucoup à cœur. Et puis, même s’ils ressentaient une certaine inquiétude à me voir partir, ils m’ont toujours encouragé à suivre ma voie. Ils ne m’ont jamais vraiment donné de conseils, mais m’ont toujours accompagné sur le chemin que je souhaitais prendre. Ils ont eu très tôt confiance en moi. Il faut dire que mes voyages ont été progressifs. Je suis parti pour la première fois à l’âge de 14 ans : à cette époque, j’ai traversé les Pyrénées. Et puis, au fil des années, mes expéditions étaient de plus en plus mûries, préparées. J’ai accumulé de l’expérience. Cela devenait une évidence pour tout le monde que c’était ma voie.

À votre retour du Nouveau-Québec Labrador, vous vous êtes inscrit dans une école d’ingénieurs, l’ISTOM. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

 
Cette école d’ingénieurs qui forme des spécialistes de l’agrodéveloppement international dispensait un cursus qui m’intéressait. Cela me semblait important d’avoir un bagage en plus du bac. Je dois pourtant avouer que je n’étais pas un étudiant très assidu. Heureusement, j’avais des copains sympas qui me donnaient les cours. Je ne pensais qu’à ma prochaine expédition. J’étais ailleurs. J’envoyais des dossiers, je recherchais des financements… J’ai quand même réussi à décrocher mon diplôme.

Que vous reste-t-il de cette formation ?

 
Cela m’a certainement aidé dans la gestion des nombreuses démarches administratives que l’on doit remplir quand on prépare une expédition : avoir une certaine rigueur, suivre un projet jusqu’au bout, convaincre… Et puis, cela a peut-être aussi rassuré mes parents, même s’ils ont toujours cru en moi.

Vous avez enchaîné les expéditions : les montagnes Rocheuses, l’Alaska, la Sibérie, la Mongolie… Comment viviez-vous le retour de vos périples ?

 
Ce n’était pas facile, surtout quand j’avais l’âge de 23-25 ans, je me retrouvais en décalage avec mes amis. Je n’avais pas de quoi me payer un restaurant par exemple. Je vivais dans la ferme familiale, en Sologne. Je n’avais donc pas de loyer à ma charge. Je me chauffais au bois. Cela me suffisait. De leur côté, mes copains avaient une situation professionnelle. Nos ressources financières n’étaient pas les mêmes. J’avais fait ce choix de vie avec, certes, de nombreux sacrifices à la clé, mais je réalisais mon rêve de gosse. Puis, j’ai écrit des livres, réalisé des films à propos de mes expéditions : j’ai pu ainsi commencer à vivre de ma passion.

Dans votre petite bande d’amis, vous rencontrez celle qui deviendra finalement votre femme…

 
C’était la cousine de mon meilleur ami. Cela s’est fait naturellement, on se connaissait depuis toujours. Elle avait 17 ans, j’en avais 28. Elle a suivi des études pour devenir attachée de presse, puis finalement m’a accompagné dans de nombreux voyages. Plus tard, avec notre fille, alors âgée d’un an et demi, nous sommes partis dans les montagnes Rocheuses. Nous avons commencé notre périple à cheval, et nous avons passé l’hiver dans une cabane en bois.

Vous mettez à disposition des établissements du matériel pédagogique pour sensibiliser les jeunes aux problèmes de l’environnement, que vous évoquez également dans votre dernier film, "Loup"…

 

Il ne s’agit pas d’être alarmiste, mais de tirer une sonnette d’alarme tout en donnant matière à rêver : il y a urgence à protéger notre planète. La solution tient en chacun d’entre nous, en notre capacité individuelle à changer notre comportement, notre façon de consommer. Les enseignants sont très friands de ce genre de films. C’est une porte d’entrée pour évoquer des sujets plus graves, comme le réchauffement climatique, l’effet de serre, l’épuisement des ressources naturelles…

Aujourd’hui, des jeunes viennent-ils vous demander conseil ? Que leur dites-vous ?

 

Chaque jour, je reçois de nombreuses lettres de jeunes qui veulent partir. C’est très disparate : il y a les doux rêveurs et ceux, à la réflexion plus structurée, qui ont préparé un dossier avec un projet précis, qui demandent un parrainage, qui posent des questions très techniques. C’est alors un plaisir de les aider. Je leur conseille surtout d’être opiniâtres, d’aller au bout de leur projet. Le moteur, c’est la passion, et ce moteur marche avec un carburant qui est la volonté et une bonne dose de culot.

> Pour plus d’infos sur Nicolas Vanier : www.nicolasvanier.com


Biographie
1962
: naissance à Dakar.
1979 : il parcourt à pied les vastes plateaux de Laponie.
1980 : il traverse le Canada en canoë sur les traces des Indiens montagnais.
Hiver 81-82 : il traverse le Nouveau-Québec Labrador en traîneaux à chiens.
1986-1987 : pendant un an et demi, Nicolas Vanier et son équipe parcourent 7.000 kms à travers les zones les plus sauvages des Rocheuses et de l’Alaska, avec 12 chevaux, 24 chiens de traîneau, un radeau en sapin et deux canoës indiens.
1989 : il réalise un film sur la course des trappeurs, pour Canal +, et un reportage photo au cours d’une expédition en canoë à la rencontre du plus grand troupeau de caribous du monde au Labrador.
1994-1995 : il part un an avec sa femme et sa petite fille pour un grand périple à cheval (2.500 km jusqu’en Alaska).
2004 : sortie au cinéma du long-métrage le Dernier Trappeur, qu’il a réalisé.
Décembre 2009 : sortie en salles de son nouveau film, Loup.
 

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