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Interview

Les 20 ans de Benjamin Bejbaum, créateur de Dailymotion

Par Propos recueillis par Jessica Gourdon, mis à jour le 07 avril 2015
1 min

Que faisait à 20 ans le fondateur d’une des pépites du Web français ? Créateur de Dailymotion, plateforme de vidéos (137 millions d'utilisateurs actifs mensuels) en passe d’être rachetée par Vivendi, Benjamin Bejbaum est à l’origine d’une des plus grandes success stories du Web hexagonal. Retour sur le parcours d’études tout en zigzag de cet entrepreneur que l’Etudiant avait rencontré en 2011.


benjamin bejbaum

Au lycée, étiez-vous déjà un geek programmant nuit et jour sur votre ordinateur ?

 
Pas du tout ! J’étais au lycée Gérard-de-Nerval, à Luzarches (95), où j’ai le souvenir d’une période assez drôle. Je me montrais plutôt sociable et déconneur. Au lieu d’aller en cours, je jouais au flipper et au baby-foot. Tous les vendredis après-midi, je séchais le cours de français pour partir en stop avec des copains. J’ai été viré 2 fois : la première parce que j’avais fauché les interros surprise dans le cartable du prof de bio, la seconde parce que j’avais piqué des bières à la cantine. J’ai aussi eu des soucis le jour où je me suis échappé du cours de russe par la fenêtre…

Et vos parents, que pensaient-ils de vos "exploits" à l’école ?

 
Ils étaient super-inquiets et me collaient la pression ! Mais finalement, cela n’a jamais pris des proportions énormes, car je n’ai jamais touché le fond. Je n’étais ni cancre ni bon élève : j’arrivais toujours à avoir des résultats corrects et je n’ai jamais redoublé. Pour le bac, j’ai réussi à me motiver en révisant à fond un mois avant. J’ai même décroché la mention assez bien.


L’école n’était pas ce qui vous plaisait le plus…

 
Pas vraiment. J’étais plutôt scientifique, alors j’ai choisi de faire un bac D (l’équivalent à l’époque du bac S option bio), mais cela ne me passionnait pas. En réalité, je fonctionnais à l’affect. Dès que j’éprouvais de la sympathie ou de l’admiration pour un prof, je bossais.


Saviez-vous ce que vous vouliez faire après le bac ?

 
Non. Je ne savais pas ce qui existait. Je suis allé un jour au CIDJ [centre d’information et de documentation jeunesse, ndlr], où les conseillères m’ont montré d’horribles classeurs bleus contenant des fiches sur les différentes possibilités d’études. C’était déprimant ! J’ai fini par m’inscrire à la fac à Villetaneuse [Paris 13], en maths appliquées aux sciences sociales. Un truc un peu scientifique, un peu économique. Une manière de ne pas choisir.


L’ambiance de la fac vous convenait-elle mieux que celle du lycée ?

 
Ce n’était pas facile ! À l’université, on est jeté dans la jungle, personne ne vous explique comment ça marche, il n’y a plus la chaleur du lycée. C’est à cette époque que j’ai découvert l’informatique. J’habitais encore chez mes parents à Goussainville (95) et j’étais insomniaque, alors je passais mes nuits sur l’ordinateur. On était en 1994-1995, Internet démarrait. J’ai commencé à faire un peu de programmation, à créer des sites, des petits jeux. J’ai appris tout seul..


Et les cours, vous en pensiez quoi ?

 
On n’y faisait que du bachotage, cela ne m’a pas motivé. Et puis, les événements ont décidé à ma place : à la fin de l’année, un copain de la fac m’a demandé de passer un oral de programmation à sa place. Nous n’étions pas en cours ensemble, alors j’ai accepté. Et ça a marché : je lui ai ramené un 19/20. Mais à un partiel suivant, que je passais cette fois sous mon nom, j’ai été reconnu par un des membres du jury… Je suis parti précipitamment et je n’ai jamais remis les pieds à Paris 13 !


C’est à ce moment-là que vous avez entamé des études d’informatique.

 
Oui, j’ai passé le concours de l’Epita, une école d’ingénieurs avec une prépa intégrée. J’ai contracté un emprunt – les frais de scolarité coûtaient 30.000 francs (4.600 €). J’habitais toujours le 95 et tous les jours, je devais traverser Paris en voiture pour aller à Campo-Formio, dans le XIIIe arrondissement. Là, le rythme était intense : 40h de cours par semaine dans des classes de 130 mecs. J’ai appris pas mal de choses sur le fonctionnement d’Internet.


Cela vous plaisait-il ?

 
Oui et non. Les types passaient leur vie devant leurs ordis, alors que moi, j’avais envie de faire plein d’autres choses. Finalement, on m’a viré à la fin de la 2e année. Je l’avais un peu cherché : dans une dissertation d’économie, j’avais rédigé un pamphlet contre l’Epita. Et puis j’avais refusé de signer le nouveau règlement pédagogique de l’école, qui avait entre-temps déménagé au Kremlin-Bicêtre (94), dans un affreux local qu’on appelait "la cabane à frites".


Finalement, tout votre parcours est émaillé d’incidents de ce type…

 
Et ça a continué ! Après avoir quitté l’Epita, j’ai fait des petits jobs. J’ai aidé des touristes à Orly, j’ai répondu à des appels du téléshopping, j’ai travaillé pour la hotline de France Telecom. Mais je passais beaucoup de temps à bidouiller sur les serveurs, alors là encore, ils m’ont mis dehors.


Pourquoi avoir ensuite choisi de vous inscrire en fac d’histoire ?

 
J’avais envie d’apprendre des choses sur les hommes, le monde. Ces années-là, à Tolbiac [Paris 1-Panthéon-Sorbonne], je me suis fait plaisir. J’ai validé ma 1re année, et en 2e année, j’ai rencontré le gérant d’un cybercafé. On a discuté, il m’a proposé de travailler avec lui. On créait des sites, des boutiques de e-commerce. L’été suivant, c’était en 2000, j’ai monté avec mon cousin ma première société, une agence Web qu’on a appelée Iguane Studio. J’avais 24 ans.


Et Dailymotion, comment l’avez vous créée ?

 
En 2005, je suis parti en vacances à New York. Un matin, avec mon appareil photo, j’ai réalisé des petites vidéos de Manhattan sous la neige. J’en ai fait un montage, quelque chose d’un peu poétique avec, en fond, Everybody’s Got To Learn Sometimes, une chanson de Beck. J’ai ensuite voulu la montrer à des amis, mais j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de plate-forme simple de partage de vidéos. J’en ai donc créé une. Cela s’appelait Short.tv. De plus en plus de gens ont commencé à s’en servir. Il y a eu un effet boule de neige. Un copain a repris Iguane Studio, et avec Olivier Poitrey, un de mes amis, nous nous sommes consacrés à Short.tv. Nous avons réussi une première levée de fonds, et c’est devenu Dailymotion. Youtube a été créé dans la foulée aux États-Unis.


Aujourd’hui, vous avez quitté Dailymotion. Que faites-vous ?

 
J’ai quitté la direction de Dailymotion, car la structure devenait trop grosse, cela ne me convenait plus. Mais je suis toujours actionnaire et membre du conseil d’administration. Je lance cette année ArtDB, une base de données collaborative sur les œuvres d’art et les monuments, un peu sur le modèle d’IMDB [Internet Movie Data Base]. Ce qui est bien, c’est qu’avec l’argent de Daily, je n’ai plus la pression du quotidien, je peux faire ce qui me plaît vraiment.


Avez-vous des regrets de ne pas avoir fini vos études ?

 
Plein ! Je suis frustré de n’être parvenu au bout d’aucun cursus. Et de manquer de bases intellectuelles, celles que l’on acquiert justement en prolongeant ses études supérieures. Je reste très désorganisé. Mais c’est peut être aussi pour ça que je suis créatif !


Quels conseils donneriez-vous à un lycéen qui rêve de devenir un entrepreneur du Web ?

 
"Fais ce que tu veux, mais fais-le bien." Pour créer sa boîte, il faut avoir envie d’aller jusqu’au bout. Le secret, c’est de trouver sa passion, le truc qui vous empêche de dormir la nuit. Et puis, en matière d’orientation, il faut arrêter de penser que tout est joué à 17 ans. Tout mon parcours n’est que le résultat d’accidents, de rencontres, de ruptures. Il faut prendre le temps de savoir ce qu’on l’on veut faire.


Biographie express
1976 : naissance le 20 novembre à Paris.
1994 : obtient le bac scientifique, mention assez bien. S’inscrit à la fac à Paris 13.
1997 : se fait renvoyer de l’école d’ingénieurs Epita.1998 : étudie l’histoire à Tolbiac (Paris 1).2000 : crée une agence Web, Iguane studio.
2005 : lance Dailymotion, premier site de partage de vidéos en ligne.
2008 : quitte Dailymotion.
2011 : lance ArtDB, base de données collaborative sur les œuvres d’art.
 


Et si c’était à refaire ?

Benjamin Bejbaum a passé le T.O. P (Test Orientation & Potentiel), le test d’orientation de l’Etudiant. Son profil présageait-il le parcours du fondateur de Dailymotion ?


Son bilan T.O.P

"Investigateur" tendance "Social" et "Entreprenant", c’est le profil qui correspond aux pôles de compétence de Benjamin Bejbaum.

> Pôle "Investigateur" :
apprendre, réfléchir, chercher, comprendre sont les mots clés du pôle Investigateur. Il caractérise des personnes qui aiment raisonner, résoudre des problèmes complexes, enquêter, rechercher des informations afin de mieux comprendre leur environnement. Des personnes souvent attirées par ce qui est d’ordre intellectuel ou scientifique.

> Pôle "Social" : communiquer, aider, transmettre… ce pôle correspond à des personnes coopératives qui aiment partager, réunir et veulent éviter les situations conflictuelles. C’est aussi le pôle du dévouement. Il indique en général le besoin de se sentir utile, d’avoir un métier tourné vers les autres.

> Pôle "Entreprenant" : ce pôle de l’action domine chez les personnalités dynamiques, réactives, qui aiment décider par elles-mêmes et souvent diriger. Elles aiment se mesurer aux autres ou à elles-mêmes. Elles osent et sont souvent capables de prendre des risques. Leur détermination les aide à convaincre.
 


Son profil, son métier…

Réflexion, coopération et action constituent le trio de tête du profil de Benjamin Bejbaum.

Sa dominante "Investigateur" reflète bien l’envie d’apprendre de celui qui a été tenté par des études scientifiques puis par un cursus d’histoire. Ce pôle correspond souvent à des autodidactes. Mais plus encore qu’apprendre, c’est le goût de chercher et de raisonner qui sont placés en tête de son profil "Investigateur".

Aider les autres, faire preuve d’esprit d’équipe, communiquer sont d’autres valeurs importantes exprimées par la place du pôle "Social" dans son profil. Adossées à son pôle "Investigateur", ces valeurs correspondent à des personnes qui aiment les ambiances de travail "studieuses" mais conviviales.

Enfin, l’aspect Entreprenant, très marqué par la prise d’initiative et de risques ainsi que par l’autonomie, est cohérent avec son parcours d’entrepreneur ! Cette 3e dominante révèle quelqu’un qui n’aime pas l’inaction, qui peut entrer dans le jeu de la compétition pour atteindre ses objectifs. La combinaison des pôles "Investigateur" et "Entreprenant" confirme que Benjamin Bejbaum sait prendre le temps de la réflexion, pour agir dès qu’il le peut.

Les résultats détaillés de son bilan mettent aussi en avant son côté affectif, passionné, intuitif et créatif adossé à un esprit technique.

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