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Interview

Les 20 ans d’Élizabeth Tchoungui

Par Propos recueillis par Isabelle Maradan, publié le 18 mai 2011
1 min

À 20 ans, Élizabeth Tchoungui, aujourd’hui animatrice des Maternelles sur France 5, étudie à l’ESJ Lille, après un passage éclair en architecture et une année sabbatique passée à voyager. Rencontre avec une citoyenne du monde, née à Washington d’un père camerounais et d’une mère française.

elizabeth tchounguiQuels souvenirs avez-vous de vos années lycée ?

 
Beaucoup de changements. Mon père est diplomate. J’ai fait ma 2nde et ma 1ère à Rome, et ma terminale à Yaoundé. J’étais en filière C [ancien bac S, NDLR]. Je suis une littéraire, mais ma famille a estimé que, comme j’étais bonne élève, j’allais passer un bac C. Cela permettait de revenir éventuellement vers le littéraire, alors que L ne m’aurait pas permis d’être ingénieur en aéronautique si j’en avais eu envie. Au final, j’ai eu mon bac avec 7 en maths.


Et côté amitiés…

 
À mon arrivée au lycée, j’avais poussé en hauteur et portais des lentilles. Le vilain petit canard s’était transformé en cygne. J’avais des tas de copains ! Avant, au collège, à Bruxelles, j’étais boulotte avec des lunettes à double foyer. Et comme j’avais sauté 2 classes, dont le CP, alors que je savais lire mais pas écrire, je jouais aux Barbie en 5ème pendant que mes camarades découvraient les premiers baisers.


Quels sont les professeurs qui vous ont marquée ?

 
Mon professeur de français de 2nde. Comme j’avais plutôt 15 ou 16 de moyenne, j’avais tendance à être un peu dissipée. Il a mis "désinvolte, voire dilettante" sur un livret. Cela m’a vexée et je me suis mise à travailler vraiment. Grâce à lui, ma passion pour la lecture est montée d’un cran et j’ai découvert Italo Calvino, mon auteur favori. Mon livre préféré étant le Baron perché.


Vos parents suivaient-ils attentivement vos études et celles de vos sœurs ?

 
Ils nous ont toujours poussées à faire les meilleures études possibles pour être indépendantes. Mon père, camerounais, et ma mère, française, sont de purs produits de la méritocratie républicaine. Mes grands-parents étaient tous agriculteurs. Ma mère faisait des kilomètres pour aller au pensionnat. Mon père aussi, dans sa brousse au Cameroun. Il s’est fait repérer par des colons et on l’a envoyé, à 14 ans, au lycée de Bordeaux. Il a fini à l’ENA, et ma mère à l’École normale. La barre était placée très haut de manière implicite.


Quelles études avez-vous suivies après le bac ?

 
Par manque d’information, j’ai fait une erreur d’orientation et je me suis inscrite à l’École d'architecture de La Villette, alors que je voulais devenir urbaniste pour travailler spécifiquement sur les questions de villes et de développement dans les pays du tiers-monde. Au bout de 15 jours, j’ai réalisé que je m’étais trompée de voie. Douche froide. J’ai acheté un billet InterRail et me suis dit que, quitte à perdre un an, autant voyager. Je suis partie voir mes potes qui étaient à droite, à gauche en Europe. Au retour, je ne voulais pas me tromper une 2ème fois et je me suis inscrite en DEUG de communication (équivalent d'une licence mais en 2 ans) au Celsa pour prendre une voie assez large. À un moment, j’ai été titillée par la diplomatie, comme mon père… mais je ne suis vraiment pas diplomate !


Pourquoi n’avez-vous pas continué vos études de journalisme au Celsa ?

 
Bizarrement, j’ai raté le concours d’entrée dans la filière journalisme du Celsa, mais j’ai eu l’ESJ de Lille, grâce à ma sœur. Le concours d’entrée de l’ESJ était très sélectif et je ne voulais même pas poster le dossier. Le fait de m’être plantée en école d’architecture, 1er échec de ma vie, avait sapé toute confiance en moi. Marie-Françoise, la sœur avec laquelle j’habitais à l’époque, m’a prise par la peau du cou pour remplir le dossier et le poster. Sans elle, je n’aurais jamais tenté l’ESJ. Je dois vraiment lui rendre hommage.


Vous souvenez-vous du concours ?

 
Comme si c’était hier… J’ai le souvenir d’une épreuve d’expression libre, qui était une manière de juger de notre plume. Il fallait exposer un talent que l’on pensait avoir. J’avais raconté que je savais fabriquer le ha, un alcool interdit distillé dans les campagnes au Cameroun. C’est si fort que l’on fait "ha !" quand on le boit, d’où son nom. J’avais laissé errer ma plume, en en profitant pour raconter la vie au village. J’ai su ensuite que c’était cette épreuve qui m’avait catapultée à l’oral avec un 19/20. Pour cet oral, on avait des semaines pour préparer une dizaine de sujets d’actualité. Je suis tombée sur la reconquête du territoire, un sujet aride sur la décentralisation. Cela s’est moins bien passé que l’écrit. J’étais dernière sur la liste d’attente, et on m’a appelée 10 jours avant la rentrée alors que je n’y croyais plus. 2 très belles années s’en sont suivies.


Vous souvenez-vous de ce qui vous a donné envie de travailler en tant que journaliste à la télévision ?

 
J’ai eu un déclic lors de mon retour au Cameroun, en terminale. Quand j’avais quitté le pays, la télévision n’existait pas. À mon retour, j’ai été saisie par son impact sur la population. Les gens se réunissaient autour. C’était une fenêtre sur le monde, un moyen de faire de la pédagogie, un facteur de lien social. Je me souviens de cette impression, mais je n’ai pas le souvenir d’avoir dit alors que je voulais être journaliste. Pourtant, une de mes meilleures amies m’a raconté que j’étais la seule à savoir ce que je voulais faire en terminale, c’est-à-dire journaliste à la télévision, alors que je ne m’en souviens pas. Ce qui est sûr, c’est que j’étais déjà curieuse de tout, que j’adorais voyager, et que j’étais fascinée par la télé.


Avez-vous exercé des jobs étudiants ?

 
J’ai fait des petits boulots pour ne pas trop solliciter mes parents, et nourrir ma passion des voyages. Mon pire souvenir, c’est du porte-à-porte à Chartres pour vendre des pulls… Comme j’étais grande et pas trop vilaine, j’ai fait des défilés de mode et des shootings. Mais je n’ai jamais intégré d’agence parce qu’on me demandait de perdre entre 5 et 8 kilos, et que je n’avais pas l’intention de m’affamer. J’ai réussi à gagner des sommes confortables comme ça. Je travaillais aussi comme hôtesse d’accueil, notamment à l’Opéra, ce qui me permettait de voir des spectacles gratuitement.


Quel est le meilleur conseil que l’on vous ait donné au début de votre carrière ?

 
J’ai un peu manqué de conseils. J’aurais aimé que l’on m’explique que le monde professionnel est un monde de requins. J’en ai pris conscience lors de mon CDD (contrat à durée déterminée) de fin d’école à TF1. J’avais 21 ans, j’étais dans la 1ère rédaction d’Europe, où il n’y avait pas de Noire à l’époque. On ne confiait pas de reportage aux jeunes, alors une femme, et noire en plus, vous imaginez ! C’était la 1ère fois que je ressentais ça. Après ce CDD, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver des piges. 6 mois sans travail. Puis j’ai répondu à une annonce de Canal J dans Libération pour présenter un journal télévisé destiné aux enfants.


Quels conseils donnez-vous aux jeunes qui souhaitent devenir journalistes ?

 
Il est beaucoup plus difficile de commencer dans ce métier aujourd’hui. Donc, il faut tenter la meilleure école possible, pour avoir les meilleurs intervenants et stages. Il faut aussi se constituer un réseau et oser aller voir les pros qui ont de l’expérience pendant les stages. Même s’ils ont l’air débordés, cela les valorise de donner des conseils. Ensuite, il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers, ni mettre tous les œufs dans le même panier pour éviter les périodes de creux.


Et si c’était à refaire…

 
J’aimerais apprendre à mieux encaisser les échecs. Parce qu’un parcours professionnel est fait d’échecs et qu’il faut savoir rebondir.

Biographie express
1974 : naissance le 6 février
1990 : décroche son bac C
1995 : diplômée en journalisme à l’ESJ Lille
1997 : présente le JTJ, journal télévisé pour les enfants (Canal J)2000 : rejoint La Cinquième et présente les Écrans du savoir
2001 : collabore au magazine culturel Ubik (France 5) et présente le Journal sur TV5 Monde
2006 : dirige le service culturel et présente le Journal de la culture de France 24
2006 : 1er roman, Je vous souhaite la pluie (éd. Plon)
2006 à 2008 : anime Esprits libres sur France 2 avec Guillaume Durand
2007 : Sept Filles en colère, recueil de nouvelles écrites avec 6 autres anciennes élèves de l’ESJ Lille
2007 : membre de la commission Images de la diversité du CNCJanvier
2009 : chevalier des arts et lettres
Sept. 2009 : magazine les Maternelles (France 5)
2010 : 2nd roman, Bamako Climax (éd. Plon)
 


Et si c’était à refaire ?

Élizabeth Tchoungui a passé le T.O.P, le test d’orientation de l’Etudiant. Son parcours entre écriture, culture et télévision correspond-il à son profil ?


Son bilan T.O.P



Un profil "Artiste, Investigateur, Entreprenant" correspond aux pôles de compétence majeurs d’Élizabeth Tchoungui : un profil de passionnée, intuitive, curieuse, ouverte d’esprit, qui aime profondément apprendre, enquêter, s’informer, comprendre, et qui est ambitieuse et compétitive.

> Pôle Artiste : pôle de l’affectif et de la créativité, il caractérise des personnes ouvertes d’esprit, intuitives, passionnées, curieuses, qui ont en général besoin de découvertes, de nouveauté, de variété et qui n’aiment pas la routine. Leurs choix sont guidés par leurs émotions, leurs intuitions et leurs passions.

> Pôle Investigateur : on trouve derrière ce pôle le goût d’apprendre et de chercher, le besoin de comprendre. Il correspond à des personnes qui aiment enquêter, se cultiver, approfondir, rechercher des informations. Elles sont souvent attirées par ce qui est d’ordre intellectuel ou scientifique.

> Pôle Entreprenant : la capacité à agir est derrière le pôle de l’action, qui caractérise des personnalités dynamiques, réactives, qui sont aptes à décider. Souvent motivées par les défis, elles aiment se mesurer aux autres ou à elles-mêmes. Elles osent et sont souvent capables de prendre des risques. Des personnes ambitieuses et déterminées.


Son profil, son métier…

Ces résultats peuvent tout à fait correspondre au parcours d’Élizabeth Tchoungui, à son métier de journaliste, mais plus encore à son travail de romancière et à son investissement dans la sphère culturelle.

La combinaison des pôles Artiste, Investigateur et Entreprenant se retrouve chez des personnalités intellectuelles qui font souvent des choix très personnels, qui se démarquent, et exercent des métiers qui impliquent de la réflexion et de l’autonomie. Elle correspond à de nombreux métiers de l’écrit : scénariste, écrivain, dramaturge…

Les métiers de la presse et des médias (journaliste, rédactrice en chef, reporter) sont également souvent indiqués avec ce profil de compétences. Une combinaison que l’on retrouve par ailleurs dans la sphère artistique. Le bilan détaillé d’Élizabeth Tchoungui indique enfin des aptitudes manuelles et/ou techniques, un goût pour le terrain, qui correspondent bien à son côté touche-à-tout. Enfin, son pôle social est tourné vers le dévouement, le besoin d’aider et de se sentir utile.

Les mots clés de son profil : idées, passions, curiosité, originalité, sens affectif, sens esthétique, intuition, chercher, enquêter, approfondir, apprendre, autonomie, ambition, convaincre…

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