Métiers de la police : descente au commissariat
Après les attentats de 2015, de nombreux jeunes ont souhaité rejoindre les rangs des forces de l'ordre. Si la sécurité publique fait partie des missions de la police nationale, celle-ci assure deux autres volets essentiels : les investigations et le renseignement. Enquête au commissariat de l'agglomération de Versailles (78).
Gare aux clichés ! Si les séries policières peuvent susciter des vocations, la réalité est parfois bien éloignée de la fiction, notamment pour la PTS (police technique et scientifique). "Dans les séries américaines, c'est souvent le même personnage qui fait les prélèvements sur le terrain et qui enquête", remarque Chloé, 34 ans, technicienne de la PTS. "En France, ce sont deux métiers séparés."
Selon leur nature, les prélèvements sont envoyés à différents spécialistes : en biologie, en balistique, en physique-chimie... Inutile d'attendre les résultats dans l'heure : les analyses sont réalisées dans des délais plus importants que ceux des séries.
Les gardiens de la paix, entre patrouilles et "statiques"
Une patrouille près du château de Versailles. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Typhaine, 25 ans, est gardienne de la paix. Sa journée commence par la prise de service (soit à 4 h 50, soit à 12 h 50). Au cours de cette réunion, le chef de brigade procède à l'appel et répartit les missions de chacun : patrouille pour répondre aux demandes de police secours, chef de poste en garde à vue... À Versailles, les gardiens de la paix travaillent en cycles 4-2 : 4 jours de travail, 2 jours de repos. "Les horaires ne sont pas évidents", reconnaît la jeune femme, qui a réussi le concours de gardien de la paix en 2013, alors qu'elle était en deuxième année de droit. "L'autre point noir, ce sont les 'statiques', comme les gardes de personnalités ou de détenus hospitalisés. Durant ces périodes, on apprend à connaître ses collègues, puisqu'on fait toujours les statiques à deux. En patrouille, on est souvent trois."
Typhaine, toujours en uniforme
Typhaine, gardienne de la paix. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Typhaine est toujours en uniforme. À sa ceinture, son arme de service, qui peut servir en cas de légitime défense. Le port d'armes est très contrôlé : le SIG-Sauer (pistolet automatique) et le PM Beretta (pistolet mitrailleur) sont soumis à des tirs de contrôle lors de formations très régulières. Il faut aussi des habilitations pour les autres armes tels le tonfa, la matraque téléscopique, la bombe lacrymogène...
Charlotte : de la communication au commissariat de la "circo" de Versailles
Charlotte, commissaire. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Charlotte, 32 ans, diplômée de Sciences po Bordeaux, a passé le concours de commissaire de police après quelques années d'expérience professionnelle dans les secteurs de la communication et du cinéma. Si le commissariat de la "circo" (circonscription, en langage policier) de Versailles compte environ un tiers de femmes, dans sa promotion de l'ENSP (École nationale supérieure de la police), elles n'étaient que 7 filles sur 40. "Il y a davantage de femmes officiers de police que commissaires", relève Charlotte.
Son poste de chef de la sûreté urbaine nécessite en effet une très grande disponibilité, de la patience et de la persévérance. "Le métier s'apprend beaucoup sur le terrain. Il faut être déterminé, curieux, à l'écoute, et surtout respecter les autres, savoir s'adapter aux situations et aux interlocuteurs." Parmi ses interlocuteurs quotidiens, le parquet (le procureur de la République et ses collaborateurs, représentant le ministère public), auquel la police judiciaire rend compte lorsqu'elle découvre une infraction afin de prendre ses instructions. C'est aussi Charlotte qui détient la clé de la salle des scellés du commissariat.
Vanessa, une vocation qui remonte à l'adolescence
Vanessa, capitaine. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Vanessa, 33 ans, est chef du groupe des atteintes violentes, qui compte 12 enquêteurs. L'unité regroupe la BLPF (brigade locale de protection de la famille), ex-brigade des mineurs, et le GAV (groupe atteintes violentes) en charge des affaires de violences avec arme, d'extorsions (le racket), de vols à l'arrachée, d'homicides, d'apologie du terrorisme... La vocation de Vanessa remonte à longtemps : "À l'âge de 13 ans, j'ai décidé que je voulais entrer dans la police. Alors j'ai fait un bac ES et un master 1 de droit public." Elle réussit le concours d'officier de police et passe sept ans comme lieutenant à Élancourt (78), avant de rejoindre Versailles en prenant le galon de capitaine.
"Je réalise moins d'enquêtes depuis que je suis capitaine, mais je rédige encore des procès-verbaux", explique-t-elle. La rédaction de PV constitue une partie importante du travail. "Il faut être rigoureux et penser avant tout aux victimes : on ne veut pas gâcher la procédure parce qu'il y a un mot à la place d'un autre ou une virgule mal placée." Le contact avec la population et le travail en équipe sont ses moteurs. "C'est un métier enrichissant, mais difficile, prévient la capitaine. On doit faire preuve d'empathie sans oublier d'être ferme et de prendre du recul. On s'endurcit."
Intervention sur le terrain
Intervention devant un lycée, après le vol d'un portefeuille. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Une lycéenne vient de se faire voler son portefeuille sur la voie publique. Si la patrouille la plus proche intervient rapidement et que l'auteur de l'infraction peut être interpellé, c'est un cas de "flagrant délit". Il sera alors amené au commissariat et placé en garde à vue (dans 75 % des cas). Des officiers de police procèdent ensuite à l'enquête en instantanéité, sous la supervision du directeur d'enquête. "On va entendre la victime, les témoins... S'il s'agit d'une agression, un médecin doit rapidement examiner la victime", détaille Vanessa, chef de groupe des atteintes violentes. Puis, il faut rendre compte au procureur, qui prendra une décision. "En régime de droit commun, la garde à vue est de quarante-huit heures. C'est donc le délai que l'on a pour réaliser tous nos actes."
Chloé, l'ancienne archéologue entrée dans la police scientifique
Chloé, technicienne de la PTS, sur une scène d'infraction. // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Lorsqu'une patrouille intervient sur une scène d'infraction, un cambriolage par exemple, elle constate les faits et préserve les lieux. Place ensuite à la PTS (police technique et scientifique). Sa mission : relever tous les éléments pouvant servir à l'enquête afin d'identifier les auteurs. Après s'être équipée d'un masque et de gants pour ne pas polluer la scène, Chloé commence par rechercher les traces biologiques visibles (sang, salive...) dont l'ADN pourra être envoyé et exploité en laboratoire. Après, elle cherche les traces papillaires (digitales et palmaires) à l'aide de poudres. Les prélèvements sont mis en sachet, mais ce sont les officiers de police judiciaire (les enquêteurs) qui constitueront les scellés.
"S'il y a des suspects, on compare les traces relevées avec leurs empreintes, sinon ça part dans le FAED (Fichier automatisé des empreintes digitales)", révèle Chloé. Pour cette ancienne archéologue entrée dans la police il y a deux ans, "le côté terrain et la technicité" sont les aspects les plus plaisants du métier, qui comporte aussi un gros volet administratif. "Il ne faut pas être allergique à la paperasse !" La police technique et scientifique exige d'être rigoureux, observateur, minutieux et de suivre les protocoles.
Ludovic, "chef d'orchestre" du commissariat
Ludovic Jacquinet est commissaire divisionnaire // © William Beaucardet pour l'Etudiant
Le commissariat compte environ 320 personnes, dont 70 enquêteurs répartis en 8 groupes d'enquête spécialisés (brigade des stupéfiants, brigade financière...), la police scientifique et technique, le personnel administratif et celui des systèmes d'information et de communication. À leur tête, le commissaire divisionnaire Jacquinet, 42 ans, secondé par deux commissaires. Tous les matins, il réunit cinq ou six collaborateurs de différents corps et grades pour faire le point sur les dossiers en cours. "On reçoit une trentaine de plaintes par jour", précise-t-il. Il est question de vols par ruse, d'actes antisémites ou encore de violences.
Le commissaire commente les dossiers : "Lancez une géoloc", "un mandat de recherche", "Dès que vous voyez l'individu, vous le serrez"... "Je dois être au courant d'un maximum de choses pour orienter l'activité du commissariat, confie Ludovic Jacquinet. Je suis comme un chef d'orchestre qui doit faire circuler l'information. Mon job, c'est d'impulser une dynamique, de donner des priorités et de veiller à ce que les effectifs s'y tiennent."