Portrait

Rebecca Lockwood, cheffe cuisinière : l'important, "c'est de donner des opportunités aux femmes"

Par Rachel Rodrigues, publié le 27 juin 2024
5 min

VIDÉO - SÉRIE "AVEC UN E". En cuisine, le rôle suprême de chef reste encore très masculin, en dépit du nombre croissant de femmes qui se forment au métier chaque année. Rencontre avec Rebecca Lockwood, qui nous raconte son parcours en tant que femme dans le métier.

De la France au Brésil, en passant par le Portugal… Avec plus de 24 ans de métier, Rebecca Lockwood a connu bien des cuisines et des restaurants. Diplômée en 2002 de l'école Le Cordon Bleu, à Paris, et une fois son stage au restaurant étoilé Le Doyen réalisé, la cheffe brésilienne de 45 ans entame un périple qui la fera voyager "un peu partout", et voguer au gré d'expériences culinaires tout aussi diverses.

Du Brésil à Madonna...

En 2005, la jeune cheffe rentre dans son pays natal, au Brésil, pour exercer. Là-bas, "j'ai eu plusieurs postes de cheffes", raconte Rebecca Lockwood. "Et j'ai aussi ouvert mon propre restaurant". Une opportunité qui lui a permis de renouer avec ses racines, à l'origine même de sa passion pour la cuisine. 

"Mes meilleurs souvenirs sont les moments que j'ai passés enfant, autour de la table", explique-t-elle. Rebecca Lockwood avait pourtant commencé des études pour devenir journaliste, avant de finalement se tourner vers la cuisine. "En devenant cheffe, c'est comme si j'avais décidé de bien manger toute ma vie". 

Une dizaine d'années plus tard, en 2016, Rebecca Lockwood déménage à Paris, pour s'y installer. Puis la cheffe cuisinière est rapidement embauchée pour travailler dans un restaurant éphémère, sur les plages de Comporta, au Portugal. Son célèbre veggie burger lui permettra de faire la rencontre de la chanteuse Madonna

Elle sera d'ailleurs sa personal chief (cheffe personnelle) pendant un an. "J'étais responsable de son petit déjeuner, déjeuner et dîner", détaille-t-elle. À la différence d'un poste en restaurant "où le menu ne bouge pas, la carte changeait tous les jours", ajoute-t-elle.

Chef(fe) cuisinier, un métier d'hommes ?

Son parcours ne s'arrête pas là. Pendant le confinement, la jeune cheffe s'est également attelée à former près de 450 élèves à différentes techniques de cuisine. "J'ai aussi cuisiné pour les personnes démunies", ajoute-t-elle.

En mars 2022, après avoir participé à Top Chef Brésil, et conçu des recettes anti-gaspillage, ou à destination de grandes marques comme Blédina, la cheffe brésilienne Rebecca Lockwood prend les commandes des cuisines du restaurant étoilé l’Agapé à Paris. 

Une expérience qu'elle décrit comme "magnifique" : l'occasion "de rencontrer du monde dans le métier, d'échanger avec d'autres grands chefs sur les techniques de cuisine et d'être invitée aux grands festivals de gastronomie", raconte-t-elle. 

Néanmoins, "c'est réellement en tant que cheffe étoilée que je me suis rendu compte que j'étais dans un milieu d'hommes", confie-t-elle. Sur un total d'environ 160 restaurants étoilés dans la capitale, Rebecca Lockwood compte seulement 6 femmes cheffes : "ce n'est pas normal, non ?", interpelle-t-elle.

Cheffe exécutive de cinq restaurants

Depuis 2023, Rebecca Lockwood est la cheffe exécutive des cinq restaurants du groupe Sinny&ooco (le Bar à Bulles, la REcyclerie, le Pavillon des Canaux, la Machine et la Cité fertile). En d'autres termes, c'est elle qui chapeaute les équipes des différents lieux, et qui supervise le menu des cartes. Fondés "sur une nouvelle économie sociale et solidaire", "nous ne travaillons qu'avec des produits bio", explique la cheffe.

En termes de pression, l'ambiance est également différente. Il y a "plus de respect pour les horaires de travail", décrit-elle. Elle-même en charge du recrutement dans les équipes, elle affirme essayer de "faire moitié-moitié" entre hommes et femmes, à chaque fois.

Vers plus de "role models"

Car à l'heure actuelle, dans les restaurants, "le harcèlement des filles est plus fréquent que celui des garçons", regrette-t-elle. Au même titre, "la pression" hiérarchique est encore une dure réalité. Mais selon Rebecca Lockwood, le cœur du problème réside dans le manque de possibilités laissées aux femmes pour occuper le métier de chef, en cuisine

Pour elle, l'important, "c'est de donner des opportunités". "A l'école, il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes, assure-t-elle. Je me demande : pourquoi, en cuisine, y a-t-il plus d'hommes que de femmes ?" 

Rebecca Lockwood l'assure : il faut "inspirer les jeunes femmes cheffes". Aujourd'hui, "on a de grandes cheffes, mais nous ne sommes pas beaucoup", ajoute-t-elle, citant les noms de Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, ou encore Alessandra Montagne, qui, selon elle, "mettent en avant et à l'honneur les jeunes femmes cheffes".

Elle-même "role model", Rebecca Lockwood assure vouloir continuer à partager ses connaissances auprès des jeunes femmes qui souhaiteraient s'orienter vers cette carrière.

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