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Témoignage

Que faire après le doctorat ? Recherche et enseignement, deux options loin de refléter le quotidien des diplomés

que faire après un doctorat ?
Le doctorat ne serait donc pas un diplôme tout tracé vers le métier d'enseignant-chercheur. © Canva
Par Judith Dargère, publié le 20 mars 2025
5 min

INFOGRAPHIE. Après un doctorat, le parcours de référence voudrait que les docteurs se dirigent vers les métiers de l’enseignement et de la recherche. C'est pourtant loin d'être la réalité de tous les diplômés. Témoignages.

"Sur les cinq doctorants que j’ai eus, seule une fait partie d’un programme de recherche", introduit Bruno Milly, professeur de sociologie à l'Université Lyon 2 et au Centre Max Weber, et directeur de thèse. En réalité, ses anciens étudiants ont des parcours divers : travail dans une collectivité, sociologue au ministère de l’Intérieur, consultante ou encore chargé d’étude.

Le doctorat ne serait donc pas un diplôme tout tracé vers le métier d'enseignant-chercheur ? Selon le professeur, même s'il est souvent pensé pour la recherche, il n’y a "pas autant de places que de docteurs diplômés". Sans compter que certains docteurs ne souhaitent simplement pas se diriger vers ces métiers.

Après le doctorat, un entre deux entre théorie et terrain

C'est le cas de Stéphany, doctorante en sociologie au Centre max Weber et à l’université Lumière Lyon 2, qui ne se "voit pas continuer dans l’académique" après sa soutenance prévue pour fin 2025. Elle s’intéresse "aux enfants qui sont confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance et sont en situation de handicap", tout en travaillant comme chargée de projet dans l’Observatoire Départemental de Protection de l’Enfance de la Loire.

"Vivre ces quatre ans en poste m’a fait voir que je ne voulais pas être actrice de terrain", explique-t-elle. A l’issue de sa thèse, elle espère un entre-deux : "Je veux accompagner les acteurs de terrain et mettre mes compétences au profit des gens, entreprises, collectivités, au sein d’une agence de conseil par exemple."

Si Stéphany a suivi un parcours classique de licence, master puis doctorat, certains comme Patricia réalisent leur thèse au milieu de leur vie professionnelle. "Je suis brésilienne, j’ai fait ma licence et mon master au Brésil, je suis arrivée en France il y a une vingtaine d’années", développe la docteure en Staps de l’Université Rennes 2.

Professeur de capoeira, elle préside déjà son association et donne des cours dans des écoles lorsqu’elle entame sa thèse. Selon elle, ses recherches concernant "le changement de la dynamique de groupes de jeunes capoeiristes placés dans une institution MECS" renforcent son métier.

Près de 3 docteurs sur 4 travaillent dans la recherche

Pour autant, la recherche reste la première insertion des docteurs. Selon une note flash du Sies de septembre 2024, "un an après l’obtention de leur diplôme, 72% des docteurs diplômés en 2020 travaillent dans la recherche, qu’elle soit publique ou privée." Dont la moitié dans le secteur académique.

Secteurs privé et public confondus, 28% des diplômés ne travaillent pas dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR).

C'est dans les sciences dures comme les mathématiques appliquées que les diplômés s'orientent le plus dans les départements recherche et développement du secteur privé.

Dans les sciences sociales, certains préfèrent enseigner en classes préparatoires ou au lycée plutôt qu’à l’université et d’autres privilégient les postes de chargés d’études dans les ministères, les collectivités ou les entreprises.

Le doctorat, un diplôme pas toujours valorisé dans le privé

Selon cette même note, la majorité des docteurs (61,5%) s'insèrent dans le secteur public. Fin 2023, les ministres de l'enseignement supérieur et de l’Industrie ont ainsi confié une mission de valorisation du doctorat dans les entreprises et la société, surtout pour rehausser la perception du grade de docteur et faciliter leur passage vers le privé où ils n’ont pas de bonus, y compris en termes de rémunération.

Sébastien Wasser, fondateur de la société d’informatique axYus, estime qu’un recruteur peut ressentir "une appréhension" devant un profil de docteur. "On a un peu peur que les gens soient trop théoriques et pas assez pratiques, explique-t-il. Si je me projette dans la tête du recruteur standard, je pense qu’un profil de master ou d’école d’ingénieurs est rassurant, que la personne a été formée, orientée pour correspondre aux besoins."

Mais pour lui, il est tout à fait possible d’intéresser le recruteur : "Il faut parler du concret, trouver des éléments dans ce qu’on a fait qui l’accrochent."

Un gain de compétences, d’opportunités et de légitimité

Malgré les difficultés de la thèse, Stéphany en retire une grande richesse, notamment par le réseau, ainsi que des compétences valorisables sur le marché du travail. "J’ai acquis des savoir-faire : entretiens, questionnaires, synthèse et des savoir-être : diplomatie, prise de parole en public, confiance en moi…", note la doctorante.

"Je n’ai plus l’appréhension de ne pas trouver de boulot", ajoute-t-elle. Patricia, elle, remarque une différence dans les opportunités qui lui sont proposées : "Quand je propose un projet à un établissement public et que l’on voit que je suis docteure en Staps, tout de suite on m’écoute." Le doctorat lui a donc permis un gain de légitimité : "C’est un degré d’excellence reconnu qui donne une sécurité aux gens."

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